Le respect mutuel entre Djibouti et l’Ethiopie est un exemple d’intégration économique en Afrique

Le gouvernement de Djibouti a fermé ses frontières terrestres, aériennes et maritimes le 18 mars 2020 suite à la propagation rapide du virus corona en Afrique.  Djibouti est l’un des premiers à fermer ses frontières et à annoncer un verrouillage général, à l’exception de certains services administratifs et portuaires essentiels sanctionnés par le gouvernement. L’ambassadeur de Djibouti en Éthiopie, Mohamed Idriss Farah, a, dans une interview accordée en anglais au journal Capital, évoqué de long en large la situation à Djibouti et ce que son gouvernement fait pour lutt contre la pandémie ainsi que les stratégies mises en place pour assurer le bon transfert des marchandises entre les deux pays en ces temps incertains. Extraits.

Capital : Comment Djibouti fait-il face à la pandémie de COVID 19 ?  Quels sont les défis et la réponse de votre gouvernement ?

Mohamed Idriss Farah : Le gouvernement de Djibouti a rapidement pris une décision importante de fermer ses frontières terrestres, aériennes et maritimes le 18 mars 2020 suivi d’un confinement général de la population afin de lutter contre cette pandémie.  Notre stratégie consiste également à effectuer un dépistage national de la population afin de détecter rapidement les personnes infectées par le COVID 19 et de les soigner immédiatement pour éviter les pertes en vies humaines.  C’est la raison pour laquelle plusieurs milliers de Djiboutiens et d’étrangers vivant à Djibouti sont contrôlés et continueront de l’être dans les jours et les semaines à venir.

Votre pays rapatrie les migrants éthiopiens, quelles sont les raisons et pourquoi en ce moment ?

Ces migrants éthiopiens sont des migrants venus à Djibouti pour se rendre au Yémen et en raison de la fermeture des frontières maritimes des pays arabes, ils sont bloqués à Djibouti.  Ils souhaitent rentrer chez eux en Éthiopie, et cette question de retour volontaire des Éthiopiens est directement gérée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et ils attendent donc leur rapatriement en accord total avec les autorités éthiopiennes.

En effet, malgré la fermeture des frontières terrestres et maritimes, les migrants n’ont cessé de venir à Djibouti dans l’espoir d’atteindre l’autre côté de la mer Rouge.  Certains d’entre eux veulent retourner en Éthiopie et d’autres veulent rester à Djibouti.

Comment fonctionne le port de Djibouti en ces temps difficiles?

Les activités des ports de Djibouti fonctionnent normalement et pratiquement au même rythme qu’avant la pandémie.  Le nombre de camions entrant et sortant de nos ports est le même qu’avant la crise.  Cela démontre l’engagement total des acteurs des ports djiboutiens, dans le travail remarquable accompli malgré les risques associés à COVID 19, pour s’assurer que l’Éthiopie n’a aucune répercussion sur ses importations tant en termes de pétrole que de marchandises expédiées vers ce pays ami.

Quelles sont les préparatifs entrepris au port de Djibouti pour prévenir les pandémies?

L’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti (DPFZA) a mis en place un certain nombre de protections sanitaires pour fonctionner normalement, c’est-à-dire la mise en œuvre des mesures recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin de limiter au maximum le risque  d’épandage de COVID 19. En outre, les activités des ports et des zones franches de Djibouti n’ont pas été affectées par le verrouillage général adopté par le gouvernement, en particulier pour éviter que l’Éthiopie ne soit affectée de quelque manière que ce soit par notre quête de protection de notre population contre le COVID 19.

Votre pays a récemment signalé la première mort du virus corona et le nombre de tests positifs augmente rapidement.  Quel est le pire des scénarios qui infligera votre économie ?

L’impact sur l’économie djiboutienne sera réel tout comme l’économie mondiale.  Cette crise sanitaire sera malheureusement suivie d’une crise financière et économique sans précédent pour l’économie mondiale mais surtout pour les économies des pays en développement, et notamment du continent africain.

Récemment, il a été signalé que Djibouti avait interdit une cargaison de vivres à destination de l’Éthiopie.  Que s’est-il vraiment passé ?

Il est tout à fait faux de prétendre que Djibouti a interrompu l’approvisionnement alimentaire en Éthiopie.  Ces informations sont calomnieuses et inacceptables pour notre pays car elles sont diffusées sur les réseaux sociaux par des personnes malveillantes.  Il n’a jamais été question à Djibouti de bloquer des marchandises appartenant à l’Éthiopie et y allant.

J’insiste également sur le fait qu’en dépit de l’isolement général de la population et de l’interruption de toute activité commerciale et économique, le président de la République, Ismaïl Omar Guelleh, a donné des instructions claires au gouvernement selon lesquelles les activités portuaires et le transbordement des marchandises ne sont en aucun cas affectés, en particulier pour garantir que les fournitures de l’Éthiopie sont livrées à temps.  Plus de 1 200 camionneurs éthiopiens traversent nos frontières chaque jour pour accéder aux différents ports de Djibouti pour approvisionner l’Éthiopie malgré cette grave pandémie du virus corona.  Cela démontre, le cas échéant, l’engagement total des autorités djiboutiennes à satisfaire le marché éthiopien.

En outre, un comité mixte coprésidé par le vice-ministre éthiopien des transports et le président de l’autorité portuaire et des zones franches de Djibouti est mis en place dans le cadre de COVID 19 pour garantir qu’il n’y ait pas d’interruption de la livraison de l’approvisionnement d’une part,  également pour limiter le risque de propagation de la pandémie.

Pendant ce temps, les autorités djiboutiennes ont demandé aux importateurs locaux de planifier un stock stratégique de trois mois de produits essentiels.  Cela n’affecte pas l’approvisionnement de l’Éthiopie mais concerne plutôt le marché local djiboutien en raison du risque de ralentissement économique qui pourrait avoir un impact sur le marché national djiboutien.

Cette décision du gouvernement de fournir un stock stratégique de produits de première nécessité n’affecte pas les importateurs éthiopiens.  Par conséquent, il n’y a rien d’étrange dans la décision du gouvernement de Djibouti de sanctionner la constitution d’un stock stratégique de trois mois en ces temps incertains avec la fourniture de produits essentiels par les importateurs djiboutiens pour penser à leurs compatriotes. À cette fin, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale à Djibouti a fait une déclaration officielle afin de clarifier la situation et de rassurer les citoyens de nos deux pays.

Un dernier commentaire ?

Je voudrais saisir cette occasion pour saluer le rôle joué par l’ambassade d’Ethiopie à Djibouti en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères pour clarifier ces fausses déclarations circulant sur les réseaux sociaux. Les relations multidimensionnelles entre nos deux pays restent excellentes, basées sur un respect mutuel qui peut même être considéré comme un exemple en termes d’intégration économique en Afrique.