La retraite de planification des médiateurs sur le Soudan, organisée par Djibouti à l’hôtel Kempinski, les 25 et 26 juillet dernier, a tiré la sonnette d’alarme sur la détérioration dramatique de la situation humanitaire dans ce pays. Réunissant des délégations venues de plus de 20 pays du monde et ceux de nombreuses organisations régionales et internationales, la rencontre de haut niveau a abouti à une déclaration visant à mettre fin aux souffrances du peuple soudanais et à restaurer une paix durable dans ce pays.

La guerre civile en cours au Soudan depuis le 15 avril 2023, a provoqué une crise humanitaire majeure. Opposant l’armée au pouvoir dirigée par le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdane Daglo, dit « Hemetti », le conflit a fait, selon les organisations humanitaires, des dizaines de milliers de morts et plus de 11 millions de déplacés.

Pour faire face à cette situation de crise dévastatrice qui ne cesse de se détériorer, la république de Djibouti a organisé le jeudi 25 et le vendredi 26 juillet dernier, à l’hôtel Kempinski, une réunion internationale mobilisant des médiateurs du monde entier.

Il s’agit là pour Djibouti, qui assure actuellement la présidence de l’IGAD, de mettre en place une résolution rapide et coordonnée permettant d’alléger la souffrance des civils et restaurer une paix durable dans ce pays membre de son organisation.  

Présidée par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale M. Mahmoud Ali Youssouf, cette rencontre qui a vu la présence notamment de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies, M. Ramtane Lamamra, des délégations de plus de 20 pays, dont les Émirats Arabes Unis, le Qatar, l’Égypte et l’Arabie Saoudite, ainsi que des représentants de nombreuses organisations régionales et internationales, telles que l’Union africaine (UA), la Ligue arabe, l’Union européenne (UE) et l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD).

L’initiative fait suite à une rencontre des acteurs internationaux et régionaux visant à renforcer la coordination des actions et des efforts de paix au Soudan qui s’est tenue la veille, dans ce même hôtel.

Un appel à l’action collective. Lors de la séance d’ouverture, le ministre Youssouf a qualifié la situation au Soudan de « très dangereuse », plaidant pour une cessation immédiate des hostilités et une assistance humanitaire d’urgence pour les populations touchées. «Le Soudan est au bord de l’effondrement », a-t-il averti avant d’appeler la communauté internationale à agir pour éviter une issue tragique.

« Le caractère hautement stratégique de ce pays frère, au carrefour des cultures arabo-africaines, devrait nous interpeller tous, eu égard aux risques gravissimes encourus par tous les pays de la région en matière de stabilité et de sécurité si l’anarchie s’installait durablement au Soudan » a souligné le chef de la diplomatie djiboutienne. « D’ores et déjà, l’afflux massif des réfugiés soudanais en Égypte, en Éthiopie, au Tchad, au Sud-Soudan, en Érythrée, en Centrafrique, représente un très lourd fardeau à porter pour tous ces pays déjà confrontés à leurs propres défis socio-économiques » a-t-il indiqué.

« Djibouti reste convaincu que l’unité d’objectifs et de visions des parties prenantes externes au Soudan aura un impact extrêmement positif sur l’évolution de la situation à l’interne, d’où l’importance cruciale d’une consultation et d’une coordination effectives entre les médiateurs et les différentes initiatives » a ajouté le ministre djiboutien des affaires étrangères et de la coopération internationale, M. Mahmoud Ali Youssouf.

L’envoyé spécial des Nations Unies à la crise soudanaise, M. Ramtane Lamamra, a quant à lui souligné que les combats prolongés ont transformé le Soudan en une des crises humanitaires les plus graves de l’histoire récente. Il a appelé les parties belligérantes à participer à des discussions sérieuses pour une solution pacifique, affirmant qu’une solution militaire ne résoudra pas la crise. « L’objectif suprême de cette conférence doit être avant tout de créer une compréhension générale parmi les acteurs concernés et de donner la priorité à la recherche de solutions appropriées à la crise du Soudan » a précisé

M. Lamamra.

De son côté, la représentante de l’Union européenne a mis l’accent sur les dangers résultant de la crise soudanaise, lesquels ont selon la diplomate européenne « un impact négatif tant au niveau régional qu’international ».

« Cette guerre peut mettre en péril la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan et elle continue à affecter la région de la Campe de l’Afrique ainsi que la Mer Rouge » a-t-elle indiqué. « Nous sommes conscients que la moitié du peuple soudanais est confronté à une crise humanitaire. Il est donc impératif que nous unissions nos forces pour redonner espoir au peuple soudanais, a indiqué le représentant de l’Union européenne » a plaidé la représentante de l’Union Européenne.

Le vice-ministre saoudien des Affaires étrangères, l’ingénieur Walid bin Abdulkarim Al-Khuraiji, a affirmé l’engagement du Royaume à soutenir les efforts de résolution de la crise soudanaise, tout en réitérant leur volonté d’accueillir et de collaborer avec les initiatives internationales visant à instaurer la paix au Soudan. Cet engagement souligne l’importance d’une approche concertée, où les nations et les organisations travaillent main dans la main pour créer un environnement propice à la paix.

Pour sa part, le secrétaire exécutif de l’IGAD, Dr. Workneh Gebeyehu qui a abordé des propos similaires apprécie le rôle pivot de S.E. le Président Ismail Omar Guelleh en tant que Président de l’IGAD. « Sa sage direction et ses conseils constants ont été essentiels dans nos efforts continus pour résoudre le conflit au Soudan » a-t-il déclaré avant d’exprimer sa gratitude au ministre djiboutien des affaires étrangères et de la coopération internationale pour son soutien et sa vision concernant de conflit dévastateur. « Excellence Mahmoud Ali Youssouf, en votre qualité de Président du Conseil des Ministres de l’IGAD, votre quête inlassable de la paix et votre leadership décisif pour soutenir les efforts de médiation de l’IGAD dans le conflit soudanais ont été remarquables. Votre dévouement constant à favoriser la stabilité régionale a été un pilier des progrès que nous avons réalisés jusqu’à présent » a-t-il dit au chef de la diplomatie djiboutienne.

Les discussions qui s’en sont suivies, ont abordé diverses initiatives de paix, mais il est clair que la situation sur le terrain exige une réponse immédiate et efficace.

Des mesures pour mettre fin

à cette crise humanitaire sans précédent. Cette rencontre a abouti à la Déclaration de Djibouti, un texte fort qui témoigne de la solidarité internationale avec un peuple en détresse. La déclaration souligne une préoccupation croissante face à la détérioration des conditions de vie des Soudanais, exacerbée par les conflits internes et le déplacement massif de populations. Le contexte humanitaire est alarmant, et les participants ont réaffirmé leur engagement indéfectible envers la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan, tout en insistant sur l’importance de la non-ingérence et de la coopération régionale.

L’une des conclusions majeures de cette retraite a été la nécessité d’une cessation immédiate des hostilités, suivie d’un cessez-le-feu durable. Les médiateurs ont appelé à un processus politique inclusif qui intègre toutes les voix soudanaises, y compris celles des jeunes et des femmes, souvent marginalisées dans les discussions politiques. La communauté internationale, représentée par des institutions telles que l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD), la Ligue des États Arabes et les Nations Unies, s’est engagée à jouer un rôle actif dans la résolution de la crise. Ce soutien est crucial pour aider le Soudan à retrouver la paix et la stabilité, mais il doit également être accompagné d’une réponse humanitaire immédiate pour atténuer les souffrances des populations touchées.

La Déclaration de Djibouti évoque également l’importance d’une approche multilatérale coordonnée pour mettre fin au conflit. Les participants ont mis en lumière la nécessité d’évaluer continuellement la situation sur le terrain et d’adapter les stratégies en fonction des réalités évolutives. Le partage d’informations entre les différents acteurs est jugé essentiel pour renforcer la coopération et maximiser l’impact des initiatives de paix.

La société civile, avec son héritage d’engagement civique et son rôle transformateur, a été mise en avant comme un acteur clé dans le processus de rétablissement de la paix. Les participants ont souligné l’importance d’élargir les possibilités de participation des jeunes et de garantir que les femmes jouent un rôle significatif dans toutes les étapes de la réconciliation.

Dans cette déclaration positionnant la république de Djibouti comme un catalyseur clé pour une résolution pacifique du conflit soudanais, les médiateurs ont convenu que des efforts concertés étaient nécessaires pour mettre fin aux hostilités et fournir une assistance humanitaire d’urgence à ceux qui en ont le plus besoin. Le cri d’alarme lancé lors de cette réunion ne doit pas rester sans écho. Les populations soudanaises méritent une chance de vivre en paix et dignement, loin de la violence et de la souffrance. La balle est désormais dans le camp des décideurs mondiaux, qui doivent agir rapidement pour éviter une tragédie humanitaire de plus grande ampleur.

Rachid Bayleh