Le conte a été considéré pendant longtemps comme un genre mineur. Relié souvent à la période de l’enfance, le conte n’avait qu’une fonction pour le commun des mortels : amuser les enfants ! Depuis une quinzaine d’années cette conception étriquée qu’on avait des contes et légendes est en train de s’effacer. Aujourd’hui, beaucoup d’anthropologues, de psychologues et même des linguistes pensent que l’analyse des contes et légendes est un outil essentiel pour comprendre le fonctionnement des sociétés traditionnelles. L’étude et l’analyse de ces derniers permet de saisir avec une grande acuité les mythes, les peurs, les interdits qui structurent un peuple, une ethnie. Surtout lorsque celles–ci sont de tradition orale comme la nôtre. A titre d’illustration, après avoir réuni un corpus d’une trentaine de contes somalis, avec l’aide d’un collègue nous nous sommes intéressés aux représentations féminines dans les contes et légendes traditionnels somalis. Ces personnages féminins mis en scène peuvent être classés en cinq catégories. Mais avant que le conte ne débute, il y’a une formule introductive que vous connaissez bien et ou apparait subrepticement un personnage féminin, voici cette formule :

 « Sheekoy, Sheeko  » Un conte, un conte

 «  Sheeko xariira »  un conte doux comme la soie

  Shilin baa dhustay une tique a peté

Goofanaa sheegay , un faon l’a dénoncée

 Sheekh baa naag lee un marabout a une femme

 Allah ha u daayo”qu’Allah la garde »

Mais ne nous égarons pas et revenons à ces cinq types de personnages féminins présents dans les contes. En allant dans le sens d’une gradation, le premier personnage féminin est effrayant c’est la Bouti, qui a fait trembler des générations d’enfants en brousse comme en ville. En se référant à de nombreux récits, ce personnage est indéniablement féminin et pour une majorité de gens la Bouti serait représentée par une vieille femme stérile avec des ongles acérées, une tête monstrueuse, une longue chevelure en bataille dotée d’une force surhumaine et capable de se déplacer à grande vitesse. Elle habiterait dans une hutte ou une caverne située souvent dans un endroit désert. Cachée durant la journée, elle ne sortirait qu’au couchée du soleil guettant femmes et enfants égarés près des enclos. Dans la plupart des contes elle ne s’attaque ni aux bêtes ni aux hommes adultes et raffolerait plutôt de la chair fraiche et du sang des enfants. Le conte le plus célèbre mettant en scène ce personnage effrayant c’est : DHAGDHEER. Le conte s’achèvera par la mise à mort de la Bouti, et on l’habitude de conclure ce récit par les paroles suivantes : « DHAGDHEER DHIMATOO DHULKII NABADAY. » qu’on pourrait traduire en français : « DHAGDHEER une fois morte, la sécurité est De retour. » Autre personnage à reprocher avec la bouti c’est la légende d’Arraweelo, reine castratrice qui sera tuée elle aussi et qui n’a qu’une idée fixe éliminer toute descendance mâle dans son royaume. Ce dernier personnage serait hérité selon certains spécialistes d’une période où les somalis vivaient dans une société matriarcale. Pure hypothèse qui resterait à étayer ! Les autres personnages féminins sont : la grande mère avec sa sagesse proverbiale, la jeune fille et la mère toujours prête à se sacrifier pour sa progéniture.

MOHAMED ADEN