
Qui êtes-vous ? Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?
Je suis né à Mogadiscio en octobre 1976. Je suis géomètre de formation, et consultant en stratégie de développement et management des entreprises. Je suis bilingue et interprète en même temps, en langue française et somalie. Je suis venu à Djibouti sur invitation de l’institut IRICA dans le cadre de la conférence internationale sur la migration dans le bassin de la Mer rouge. Ma passion pour la lecture et le livre a commencé dès mon jeune âge, par ailleurs des grands poètes m’ont inspiré tels que le très célèbre poète somalien, Mohamed Ibrahim Warasama dit « Hadarawi », et d’autres comme Hassan Cheikh Moumin, Mohamed Hachi Dhamac, « Gaariye», etc.
Qu’est ce qui vous a incité à écrire ce livre ?
Ayant été moi-même migrant à certains moments de ma vie et ayant été particulièrement sensible à la souffrance des migrants, il était naturel que je consacre mon premier ouvrage à ce thème. Je ne me décris pas comme écrivain, mais plutôt comme observateur de la souffrance humaine, tout particulièrement dans la Ccorne de l’Afrique. J’ai voyagé beaucoup dans le continent africain et dans le monde aussi, et ce qui m’a frappé dans le drame de la migration, c’est l’insouciance des gens en face aux dangers réels que cette aventure représente. Mon livre qui s’intitule « Migrant avec sa palme d’or » est , un témoignage face à ce drame et un porte-voix pour les milliers des migrants qui errent dans le bassin de la Mer Rouge et le pourtour de la mer Méditerranée à la recherche d’une vie meilleure.
Le roman évoque le problème migratoire qu’il s’efforce d’appréhender à la fois avec légèreté et humour, mais tout en décrivant des faits réels dans toute leur cruauté. Le roman traite de l’immigration et met en scène des personnages aussi divers dans leurs vécus que dans leurs états psychologiques pour affronter le périple migratoire. Ces personnages, au final, se heurtent, peu ou prou au mur de cet horizon fascinant qu’est l’Europe, horizon qui leur soumet aux pires épreuves, allant jusqu’à la chosification de leur être.
Pouvez-vous nous en dire plus?
Sont évoqués dans le livre le mythe de l’Europe Eeldorado qui se transforme en cauchemar pour beaucoup de migrants, la tragédie du périple à travers les déserts et la mer Méditerranée, la déchirure identitaire du migrant écartelé entre deux vécus et qui conduit à l’échec de son projet pour une vie meilleure.
Le personnage principal du livre, Takar, comme tant d’autres jeunes de son âge, à tenter la grande aventure de migration, tombe dans les mains des nouveaux esclavagistes du monde actuel qui l’utiliseront comme une marchandise. C’est aussi le récit d’un amour avorté entre une Europe fantasmée qui n’a pas beaucoup de chose à offrir, et un jeune homme qui risque sa vie pour l’atteindre. C’est tout simplement un drame raconté d’une façon simple et naturelle.
Vous avez choisi des personnages assez ordinaires, avec des noms somalis comme Takar, Hodan, comment peut-on interpréter cela ?
J’ai choisi d’écrire tout à d’abord ce roman en français pour témoigner de cette réalité qu’est la migration clandestine aujourd’hui, parce que ce thème ne concerne pas que les somaliens. Par ailleurs, Le thème de la migration est diabolisé en Europe et je me devais d’apporter quelques éclairages personnels, pointer du doigt quelques hypocrisies ou ignorances à ce sujet.. C’est la raison pour laquelle mon livre a été écrit d’abord en français.
Mais si le livre a été écrit en français, cela ne signifie pas que tout est imaginaire.
L’histoire s’appuie sur des faits réels, certains protagonistes existent réellement, certains sont décédés. Mais leurs noms ont été changés, et les noms choisis pour les personnages ont naturellement un sens. Par exemple, Takar est un nom somali qui signifie « teigne », c’est-à-dire qui s’accroche, qui ne lâche rien, qui, une fois qu’il a un objectif, va au bout de son effort pour l’atteindre. Je voulais montrer la situation d’un jeune homme confronté à ses désirs et à la douleur causée par un ‘amour perdu, et qui se jette dans cette aventure de la migration. Le nom de Hodan, qui signifie « riche en beauté, parfaite, complète, etc. », est lié souvent à l’amour dans l’imaginaire somali, en raison de cette célèbre histoire de « Bodheri et Hodan ». L’amour désabusé envers Hodan sera en grande partie à l’origine du départ de Takar vers d’autres horizons.
Vous dressez un tableau noir sur le problème migratoire
Oui c’est un problème extrêmement douloureux pour de milliers de personnes, et nous devons en parler pour lutter contre ce fléau pour préserver nos jeunes qui meurent chaque année par milliers dans la méditerranée. Mon ouvrage parle d’un cas qui m’a énormément touché en tant. Vous savez bien que beaucoup d’africains de l’Est, et surtout des somaliens, quittent leur pays à la recherche d’une lueur d’espoir. Mais cela tourne à la tragédie pour beaucoup d’entre eux. Sachez seulement que chaque jour que Dieu fait des centaines de nos jeunes, garçons et filles, sont dans d’effroyables souffrances en raison de l’émigration.
Que pouvez-vous dire aux décideurs politiques et aux jeunes Djiboutiens ?
Aux décideurs politiques, je dirai qu’il est plus difficile de construire que de détruire certes. Aussi, il faut aller au-delà des difficultés pour résolument sortir leur pays de cette situation qui oblige des jeunes à se jeter dans les mers.
Pour cela, à mon avis, il faut adopter, une politique rigoureuse contre cette tragédie. Quant aux jeunes, ils doivent apprendre à patienter et à espérer, car l’espoir est le meilleur des médicaments. Beaucoup des jeunes prennent le bateau à cause du désespoir et de la souffrance dans leur vie quotidienne. Je leur dirais : ayez confiance en vous et en votre pays pour construire un avenir meilleur. De ma propre expérience, je pense qu’il est plus facile, malgré les difficultés, de réussir sa vie plus facilement dans son propre pays, que de la risquer en traversant les déserts et les mers.
En dernier qu’est-ce qui vous a attiré à Djibouti ?
Djibouti, c’est un pays qui m’est très proche, que j’aime beaucoup, parce que malgré sa petite taille, et sa population très restreinte, c’est une grande nation qui a réussi à s’imposer, parfois face aux puissants. C’est un pays que je connais bien, dans lequel j’ai des liens familiaux. J’ai eu l’occasion de visiter le sud du pays, j’y ai d’ailleurs rencontré à Assoma un homme atypique qui m’a laissé un souvenir inoubliable, en raison de son vécu, de son expérience et de ce qu’il réalisé dans son village, lui qui a parcouru le monde. On le surnomme Daher Qaash Baash, c’est pour moi un exemple, c’est ce qu’on appelle un sage. J’ai au aussi la chance d’aller dans le sud, jusqu’à Tadjourah, et une petite localité de ce district qui s’appelle Ardo, où j’ai vu des femmes, jeunes et âgées qui revivifient la culture de la production locale, avec la paille, les perles, le cuir, etc. Quand je vois Djibouti, que j’ai visité la dernière fois en 2014, je suis frappé par le développement considérable qu’il atteint. Tout ce changement est sans conteste l’œuvre du Président de la République, M Ismaïl Omar Guelleh, qui a adopté une politique courageuse et clairvoyante pour faire profiter Djibouti de toutes ses potentialités. Je salue aussi la première dame du pays et présidente de l’UNFD, Mme Kadra Mahamoud Haid, pour son combat contre en faveur de l’émancipation de la femme et son fort soutien aux handicapés en république de Djibouti.
Etant donné que j’ai été invité pour la conférence internationale sur la migration dans le bassin de la Mer Rouge, je voudrais profiter de cette rencontre pour remercier sa présidente Amina Saïd Chireh et son vice-président Abdirachid Mohamed Ismaïl.
Durant mon séjour djiboutien, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de gens qui m’ont apporté leur concours pour la promotion de mon livre, je voudrais remercier tout particulièrement Aicha Mohamed Robleh, conseillère du Ministre de la Communication, les amis de la Caravane du Livre parmi lesquels Maryam Ali Ahmed et Arafo Salah Said, et mes autres amis qui m’ont d’une manière ou d’une autre soutenu comme, Ifrah Mahamoud Hassan, Omar Mohamed Omar, Abdillahi Ahmed Goureh, Abdourahman Philippe Ranieri, Djibril Mohamed Djama, Elmi Abaneh Bule.
Propos recueillis par Souber