
Une foule d’amateurs des arts s’est retrouvée pour un vernissage assez unique. Mme Abirre Ahmed Roubah présentait ses œuvres exceptionnelles brossées à l’aide d’un stylet magique qui a magistralement remplacé le traditionnel pinceau.

La jeune artiste allie génie créatif, engagement et un sens aigu des réseaux sociaux… Portrait !
Issue d’une famille qui porte la fibre créative dans les gênes, Abirre est comme happée à la naissance par une passion dévorante pour les arts ! Une vocation naturelle qui s’exprime très tôt au bout d’un crayon à papier. Elle n’a encore que quatre ans lorsqu’elle griffonne et dessine maladroitement sur les murs de sa chambre. Une marionnette esquissée sur un mur ; c’est son tout premier ‘chef d’œuvre’. Cette tentative un peu naïve et vaine de reproduire (ou capturer) des objets familiers qui peuplent son quotidien n’est qu’annonciatrice d’un grand destin artistique.
L’école arrive très vite. Pas le temps de chipoter, Abirre est douée et sa scolarité brillante lui ouvre une voie royale vers les bancs de la fac où elle décroche un DEUG de langue anglaise à l’Université de Djibouti. Chassez le naturel, il revient au galop ! Sa passion naturelle et ses amours de jeunesse la rattrape tout de suite ! L’expression artistique est inscrite dans ses gênes, c’est presqu’une seconde nature.
Passion dévorante
La jeune femme embrasse une carrière professionnelle dans l’enseignement. Puis, elle est affectée au CRIPEN comme conceptrice de manuel de langue anglaise. A la cellule PAO (Publication Assistée par Ordinateur) elle poursuit tranquillement sa mue vers la conception graphique et se reconvertit dans la mise en page des manuels et autres documents pédagogiques. L’occasion pour elle de faire une découverte qui va révolutionner son petit monde artistique. Car le monde avance et les arts n’échappent pas au progrès technique. En 2007, elle découvre le graphisme digital et les vecteurs. Fini les crayons et les pinceaux, c’est le temps du stylet et de la tablette numérique. Fascinée par l’école réaliste, ses œuvres n’y échappent pas. A plus forte raison, elle conçoit et élabore ses toiles sur écran à l’aide d’une tablette graphique et d’un stylet.
Elle se découvre encore une nouvelle fascination pour les arts abstraits et le digital. Ce qui l’incite à repousser les limites de sa créativité. Largement influencée par la calligraphie arabe et les instruments de musique, elle incorpore ces éléments dans son travail, affirmant son identité artistique unique. Sa curiosité naturelle et son désir insatiable d’apprendre toujours davantage et de s’améliorer l’amène à passer de longues heures sur sa machine. Au menu, les tutoriels sur Youtube et les manuels numériques sur le graphisme digital. Toute seule, elle développe un univers artistique profondément personnel, naviguant entre réalisme numérique, abstraction moderne, calligraphie arabe et symboles musicaux. De son style très libre, elle tient à s’affranchir du carcan des codes et des normes usuelles pour se forger une identité visuelle personnelle, très affirmée.
La consécration arrive en 2018 avec sa première exposition. Elle propose une panoplie d’œuvres exquises dont le raffinement enchante. Ce premier essai couronné de succès lance définitivement sa carrière d’artiste confirmée. Elle joue désormais dans la cour des grands ! Mais Abirre, c’est aussi une mère de famille et une professionnelle reconnue par ses collègues à la cellule PAO (Publication assistée par ordinateur) au CRIPEN.
Un peu noyée sous le taff, la jeune femme surnage entre ses obligations professionnelles et familiales, sans jamais renoncer à la création artistique. Elle vient de signer son second vernissage avec cinq nouvelles œuvres très audacieuses où les couleurs et les formes organiques immortalisent des paysages fabuleux. Les styles architecturaux du grand orient, les dunes dorées du désert, les oasis luxuriantes et les marchés animés de la péninsule arabique sont souvent au cœur de ses créations, où chaque coup de stylet semble raconter une histoire. Elle intègre également des motifs géométriques et des symboles culturels, témoignant de la richesse du patrimoine arabe.
Engagement communautaire
Dans le même temps, elle explore le thème des instruments de musique traditionnels. Ses toiles vibrent au rythme des sons des oud, des qanouns et des percussions, représentant non seulement les instruments eux-mêmes, mais aussi l’émotion qu’ils suscitent. Ses œuvres évoquent des scènes de concerts traditionnels, invitant le spectateur à ressentir l’harmonie entre la musique et la peinture. Son savant mélange entre tradition et modernité dans la reproduction à la perfection de la calligraphie traditionnelle arabe témoigne d’un style unique et raffiné. Et cette seconde exposition confirme désormais le talent brut d’une artiste engagée pour promouvoir l’art graphique et digital dans son pays. Ses œuvres n’ont rien à envier à un diplômé des beaux-arts. Car elle, l’autodidacte, a su fendre l’armure et casser les codes des arts modernes en donnant à l’art graphique digital une légitimité jusqu’alors contestée.
Abirre, c’est aussi une voix. Littéralement dotée d’un timbre de voix chaleureux et captivant, elle participe au chant d’un morceau collectif destiné à une collecte de fonds pour le célèbre orphelinat SOS Village d’Enfants d’Arta. Ce projet témoigne de sa dimension humaine, de sa sensibilité et de sa volonté de mettre son art – sous toutes ses formes – au service de causes qui lui tiennent à cœur. Abirre s’impose aujourd’hui comme une figure emblématique de la scène artistique djiboutienne, spécialisée dans l’art calligraphique arabe, la représentation des instruments de musique et les paysages culturels orientaux, en particulier ceux de la péninsule arabique.
Elle est également engagée dans des projets communautaires, animant des ateliers de calligraphie pour les jeunes dans les écoles et les centres culturels. Elle croit fermement que l’art peut servir de pont entre les cultures et les générations, et elle s’efforce de transmettre sa passion pour l’art arabe à la nouvelle génération.
Aujourd’hui, ses œuvres sont très demandées et les galeries de tout le pays se l’arrachent. Il faut dire que le savant mélange entre héritage et innovation témoigne si besoin était du style toujours en rupture que notre chère Abirre cultive à travers de nouvelles techniques qui repoussent les limites des arts modernes, sans jamais renier sa culture arabe et son incroyable diversité.
Star des réseaux sociaux
Abirre Ahmed Roubah est une femme aux multiples casquettes : artiste digitale, créatrice engagée, voix inspirante et figure influente sur les réseaux sociaux. Son parcours riche et singulier fait d’elle une femme aux talents multiples qui se veut l’incarnation d’une génération nouvelle d’artistes rebelles et rétifs aux systèmes et aux courants traditionnalistes dans les arts et la culture.
Forte de ses 32 000 abonnés sur TikTok, Abirre utilise les réseaux sociaux comme une extension de son expression artistique. Une fabuleuse plateforme pour partager son travail, ses aspirations, ses peines et ses plaisirs et ses réflexions profondes en matière d’arts et de culture. Aujourd’hui, c’est une influenceuse culturelle écoutée et respectée. À travers ses prises de paroles, ses vidéos, et ses œuvres, elle porte la voix d’une génération en quête d’authenticité, de créativité et de transformation. Abirre Ahmed Roubah, c’est une énergie libre, une artiste engagée, une femme qui inspire par sa résilience et son originalité. Dans un monde en perpétuel changement, elle choisit de créer, de s’exprimer, et surtout de rester fidèle à elle-même.
Abirre se définit comme une artiste indépendante et rebelle qui refuse de se plier aux traditions et croyances établies, et qui tient à tracer sa propre voie. Convaincue que l’art digital mérite une place de choix dans son pays, où il reste encore peu connu, Elle ambitionne d’imposer ce style novateur et de faire naître un véritable mouvement d’art digital à Djibouti. À travers son travail, elle veut inspirer d’autres artistes voire susciter des vocations et contribuer à redéfinir les frontières de l’art contemporain dans sa communauté.
A.D