Le programme appelé Vision 2030, lancé par le Prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane, est la pierre angulaire de la modernisation de l’économie à travers notamment la diversification des sources de revenues jusqu’à présent essentiellement tirées de l’or noir. Ce changement de paradigme économique vise des secteurs aussi névralgiques que les énergies, l’industrie, les transports et la logistique, le tourisme et les nouvelles technologies, entre autres, appelés à remplacer les rentes du pétrole. La chute du prix du baril, et sa volatilité répétitive surtout après la crise de 2008 et la pandémie du COVID 19, fournissant les meilleures preuves qu’ils ne peuvent s’inscrire dans une logique de durabilité et de constance… Banc d’essai !

Une énergie propre

En 2017, le Royaume a mis en place un Programme national d’énergies renouvelables. Maillon essentiel du Programme Vision 2030, le pays projette d’accroître ses sources d’énergies renouvelables de 58,7 Giga watts. En accord avec les exigences climatiques, le prince héritier a annoncé dans un communiqué que son pays visait la neutralité carbone d’ici 2060.

En matière de tourisme, la Vision 2030 veut transfigurer le pays pour  attirer une clientèle du monde entier. Le royaume souhaite mettre en avant ses vestiges culturels et cultuels avec la création en 2020 d’un ministère du tourismequi l’a largement ouvert sur le monde en créant un visa touristique. Une manne touristique censéereprésenter 10 % du PIB à l’horizon 2030.

Une industrialisation ambitieuse : Dès2019, le royaume lance le Programme National de Développement Industriel etLogistique. Un fonds de 453 milliards de dollars est injectée dans ce secteur afin d’augmenter la production locale.Le secteur du transport n’est pas en reste avec d’importants investissements dans de nouvelles infrastructures.

Développement des nouvelles technologies : L’innovation et l’entrepreneuriat sont omniprésents dans la Vision 2030 avec la mise en place en mars 2017 de l’Autorité saoudienne de la propriété intellectuelle  qui vise à protéger et réglementer les droits de propriétés intellectuels dans le royaume.

La réforme du marché financier : La modernisation des marchés financiers passe par un Centre appelé fintech créé en 2019 par l’Agence monétaire d’Arabie Saoudite et l’Autorité des marchés de capitaux. Il a attribué 31 licences depuis sa création et se focalise sur le développement des technologies de paiement et le financement participatif. Il encourage et favorise  de ce fait la création de startup dans le royaume conformément aux objectifs de la Vision 2030.La Vision 2030 c’est aussi la mise en place de mégaprojets.  Le plus innovant étant la création d’uneville futuriste autosuffisante et écologique qui s’étend sur170 kilomètres de long et qui abriterait près de neuf million d’habitants avec zéro émission de gaz toxiques pour l’environnement et la couche d’ozone. D’autres complexes touristiques et hôteliers seront construits notamment pour accueillir les jeux olympiques d’hiver en 2029. Ces réformeséconomiques conduisent le prince MBS à multiplier les partenariats avec des pays d’Asie et d’Afrique orientale.

La chine, un partenaire de taille

Quelques chiffres pour comprendre le niveau des échanges entre les deux pays. En 2021,la Chine et l’Arabie Saoudite totalisaient87, 3 milliards de dollars. La valeur des exportations chinoises vers le royaume s’élevaient à 30,3 milliards de dollars tandis que les exportations saoudiennes étaient de

57 milliards de dollars. Le royaume saoudien reste le premier fournisseur de pétrole à la Chine avec 73,54 millions de tonnes au cours de cette année pour une valeur de 55,5 milliards de dollars.Le partenariat sino-saoudien a créé une alliancepour porteren particulier desprojets tels que la route de la soie initiée par la Chine et la Vision 2030 menée par le gouvernement saoudien. Les deux pays sont pleinement conscients de l’importance que revêtent leurs relations multidimensionnelles d’un point de vue économique. Pékin n’hésite pas à investir massivement dansles projets pharaoniques (Mégalopole de NEOM sur la merRouge) del’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, la Chine estsans conteste un partenaire privilégié du royaume, mais les deux pays étendent leur influence en Afrique orientalepour faire de la région une nouvelle plateformeet une Route économique.

Djibouti d’allié historiquedu Royaume à un partenaire économique de premier plan

La république de Djibouti est idéalement positionnée sur le détroit de Bab El Mandeb, première route maritime du commerce international. Après quelques péripéties dans la politique internationale, le Royaume s’est trouvé un allié de taille dans la France qui l’appui dans la sécurisation de Djibouti. A son indépendance, le tout nouveau gouvernement de transition de la jeune république de Djibouti trouve en l’Arabie Saoudite un soutien de taille qui l’aide massivement et l’intègre dans la Ligue des États arabes. Ainsi, l’Arabie saoudite construit des infrastructures scolaires, et de mosquées et appui de nombreuses œuvres caritatives. Dès lors, l’Arabie saoudite multiplie les partenariats et les accords avec plusieurs pays de la Corne de l’Afrique. En 2020, le Royaume Saoudien crée le Conseil des États Riverains de la mer Rouge, organisation régionale qui comprend des pays d’Asie et d’Afrique et qui vise à sécuriser la route maritime et le commerce mondial transitant par la mer Rouge. En décembre 2022, plusieurs sommets se sont tenusenArabie Saoudite pour concrétiser son rôle prépondérant dans la région. Ces sommets (Pékin-Ryad, Ryad-États de golfe et Ryad-pays arabes) témoignent de la volonté du royaume de multiplier les accords économiques avec différents pays de part et d’autre de la mer Rouge.La création de nouvelles entreprises s’inscrit dans la stratégie du Fonds d’investissement public saoudien pour de nouvelles opportunités d’investissement dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique. Le fonds d’investissement public acréé cinq sociétés régionales visant à investir dans le Royaume hachémite de Jordanie, le Royaume de Bahreïn, la République du Soudan, la République d’Irak et le Sultanat d’Oman. Il s’agit de soutenir des partenariats économiques stratégiques pour maximiser les actifs du fonds et de diversifier les sources de revenus du Royaume, conformément aux objectifs de la Vision 2030.

Ces initiatives nationales, régionales et internationales permettront au royaume d’instaurer un environnement économique, politique et sécuritaire qui soutiendrait ses projets et ses ambitions futures. C’est dans cette logique que Djibouti pourrait tirer parti de toutes ces opportunités avec un royaume qui s’impose comme médiateur entre les trois continents asiatique, européen et africain. Djibouti y gagnerait beaucoup en mettant en avant ses relations historiques avec l’Arabie saoudite et surtout pour tirer profit du fonds d’investissement saoudien qui investirait dans les secteurs publics ou privés. Il faut également intensifier la signature des protocoles des accords entrenos deux pays. Les hommes d’affaires Djiboutiens doivent participer au forum, appelé Davos du Désert que le Royaume organise annuellement afin d’identifier les opportunités existantes et créer des liens et des partenariats avec les entreprises saoudiennes.

Conclusion

En conclusion, Djibouti s’est positionnée depuis son indépendance comme une interface entre la corne de l’Afrique et la péninsule arabique grâce à sa position géostratégique.

Au regard de l’intérêt et la volonté du royaume de faire de Djibouti un partenaire incontournable dans sa politique de sécurisation de la région, Djibouti aurait tout à gagner en s’inscrivant dans la logique d’intégration économique régionale  avec un contexte où s’opèrent de profonds changements.  En somme, l’Arabie saoudite voit l’Afrique comme unpartenaire économique efficace pour concrétiserses ambitions gagnantes-gagnantes avec une contribution au développement du continent noiravec une plus large participation du Royaume aux marchés africains qui se développent de manière exponentielle.

Le 09 décembre 2022, le président de la République, son excellence, haji Ismail Omar Guelleh a pris part aux sommets diplomatiques et économiques entre le monde arabe et la chine en Arabie saoudite. Il s’agit là d’une démonstration de la volonté du royaume de favoriser un partenariat économique avec l’Afrique et le monde arabe Il est important d’avoir à l’esprit que les rivalités entre les grandes puissances dans la bataille d’influence au moyen orient existaient depuis toujours, mais la compétition est en train de prendre une nouvelle dimension.

Durant ce sommet, la Chine s’est érigée en une initiatrice d’un nouveau genre de coopération avec le monde arabe.Djibouti constitue déjà pour la Chine et le monde arabe une porte d’entrée vers l’Afrique. Il est tout à fait légitime de revoir les perspectives pour notre pays et surtout les secteurs prioritaires à Djibouti et les opportunités pour le monde des affaires à Djibouti. A ce titre, l’aide au développement en Afrique à travers notamment le rôle du Fonds Saoudien de Développement et les atouts du Royaume pour devenir un pôle d’attractivité régional et mondial sont des points essentiels dans ce questionnement.

En guise de rappel, il faut souligner que le Royaume d’Arabie saoudite est la plus grande économie du monde arabe et le plus grand pays de la région du Golfe. En outre, la république de Djibouti soutient la candidature de l’Arabie saoudite pour accueillir l’Exposition universelle en 2030 sur le thème: « L’ère du changement : Conduire le monde vers des lendemains clairvoyants ». Et de nombreusesmultinationales, dont les groupes Siemens ou encore Unilever, installeront leur siège régional dans la capitale saoudienne.

L’Arabie saoudite est d’ores et déjà engagée dans l’installation de 500 sièges régionaux sur son territoire d‘ici avant 2030 et l’ouverture de l’espace aérien du royaume à tous les transporteurs aériens et la mise en place du visa touristique. Motifs de satisfaction, le royaume a enregistré un excédent budgétaire de 21 Milliards d’euros en 2022, premier résultat des transformations entamées en 2015 et grâce à la hausse des prix du pétrole. Le royaume organisera la Coupe asiatique de football en 2027 et des jeux d’hiver asiatique en 2029. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite a attiré plus de 20 % des investissements chinois dans le monde arabe entre 2002 et 2020. Et enfin, le siège de l’organisation de la communauté des États islamiques et la Banque islamique de développement (BID) se trouvent en Arabie Saoudite. 57 pays sont actionnaire et le Royaume détient 23.5 % du capital de la BID.

Ali Abdillahi Hassan