Un homme qui servait son pays en tant que soldat partit au front défendre sa patrie contre un voisin trop envahissant. Lors d’une bataille particulièrement sanglante pour les deux camps,il fut porté disparu.

Puis, la communauté internationale fit un tracé entre les deux pays, une sorte de no man’s land interdit d’accès pour les deux belligérants. Les corps des soldats morts sur cette zone étaient irrécupérables pour l’un comme pour l’autre.

Notre soldat fut considéré comme faisant partie de ces malheureux cadavres gisant entre les deux frontières. A des centaines de kilomètres de là, dans la famille du malheureux, on pleura, on fut attristé.

On était tellement sûr de son décès qu’on observa les trois jours du deuil et la cérémonie du Mowlid.

Le soldat présumé mort laissait derrière lui une épouse et une fillette âgée de quelques années.

La femme comme de coutume dans ce pays, porta le “foulard blanc” pendant les quatre mois et dix jours habituels pour chaque veuve.

Une fois ce laps de temps écoulé, comme notre veuve était encore jeune et belle, la famille du défunt lui proposa le lévirat. Autrement dit, elle devait épouser en secondes noces, le frère du défunt. Ce n’était pas une obligation, juste une proposition. Elle refusa juste par habitude féminine un moment, puis accepta de convoler une deuxième fois. D’autant plus que son nouveau mari était plus jeune et plus beau que l’ancien. Il gagnait mieux sa vie dans cette société d”informatique dont il était responsable.

Madame avait toujours eut un faible pour ce jeune beau-frère.

Elle était très heureuse que le sort lui offre cette deuxième chance.

Le jeune frère , quant à lui, n’a pas hésité longtemps pour se proposer comme candidat à la main de la veuve de son aîné. Va savoir pourquoi.

Certaines personnes s’étonnèrent de l’empressement avec lequel on remplaça un mari par un autre.

La pratique du lévirat était certes répandue mais d’habitude on attendait deux ou trois ans avant de s’y résoudre par respect pour le mort.

Le période du “foulard blanc” durait quelques mois officiels mais pour la plupart des veuves,il fallait plus de temps pour penser à se remarier.

Toujours était- il qu’un nouveau couple se forma au bout de cinq mois après la mort présumée du soldat.

Seule la mère du défunt espérait revoir son fils en vie.Elle exprima son désaccord quant au remariage de sa bru avec son autre enfant. Mais le nouveau couple qui s’était désiré bien avant la disparition du soldat, ne tint pas compte de l’avis de cette dame vieillissante.

Cette dernière impuissante laissa faire sans oser maudire ce fils et cette belle-fille qui semblaient s’ accommoder de la mort de leur frère et mari.

Elle prit chez elle la petite orpheline que sa mère commençait à délaisser, toute prise qu’elle était à satisfaire son nouveau conjoint.

La pauvre dame priait nuit et jour pour que son fils lui revienne mort ou vif. Elle voulait lui offrir une sépulture. On n’accomplit jamais son travail de deuil sans avoir eu un corps à enterrer ou à incinérer.

Une année s’était déroulée depuis le remariage de la veuve quand par une nuit sans lune revint le soldat présumé mort.

Il avait été pris comme otage par l’armée adversaire. Mais après des mois de torture et d’interrogatoires musclés, il réussit à s’évader. Il avait sauver sa peau tout seul sans même l’aide de ses frères d’armes ni celui de son pays.

Après huit nuits et jours de marche, le voilà chez lui, dans sa ville. Il voulait juste prendre une bonne douche ,un bon diner et s’écrouler dans son lit.

Il frappa à la porte de sa maison et se fit ouvrir la porte par son jeune frère torse nu avec juste un fouta noué avec négligence autour de la taille.

Stupéfait par cette apparition, le nouvel habitant resta sans réaction.

Ayant entendu les coups frappés à la porte et ne voyant pas son mari revenir, la dame sortit aussi.

Depuis le seuil de la maison, le soldat vit celle qui restait encore son épouse enceinte jusqu’aux yeux.

En voyant son frère lui ouvrir la porte, le soldat crut d’abord que la maison était habitée par toute sa famille. Sa mère et son frère seraient venus vivre avec sa femme et sa fille.

Mais non! Son petit frère et sa femme vivaient ensemble et attendaient un bébé. On s’était partagé son héritage alors qu’il était encore vivant.

Il demanda juste que ces deux malotrus déguerpissent de chez lui.

Mais il réfléchit. Ces deux là étaient capables de le tuer. Personne ne savaient qu’il était revenu.

Prenant son courage à deux mains, il entra juste pour voir sa fille.

Il voulait la prendre et l’emmener dormir pour la nuit chez sa mère à lui.

Il entendit derrière lui, le couple se consulter instinctivement, son corps se mit en alerte .Il tourna la tête au bon moment pour éviter de justesse le coup de massue que son frère voulut lui porter.

Un corps à corps s’engagea entre les deux frères. Le soldat était entraîné à ce type de combat mais son rival était tenace.

L’un était animé par le désespoir et la honte, l’autre luttait pour sa survie.

La femme aidait son nouveau mari. C’est elle qui eût l’idée de l’attaque. Elle prévoyait qu’ils enterrent le corps dans la maison même.

Mais même à deux, ils ne parvinrent pas à neutraliser le soldat.

En désespoir de cause, ce dernier n’eut pas d’autre alternative que celle de tuer son frère.

Alors que ce dernier se trouvait à califourchon sur sa poitrine, le soldat réussit à dégainer sa baïonnette. Il poignarda son jeune frère en plein coeur.

Voyant celui qu’elle avait épousé en secondes noces baignant dans son sang et craignant pour sa vie, la femme bredouilla des paroles prétendant que c’est la famille qui lui avait imposé cette union.

Mais le soldat avait déjà saisi le téléphone pour prévenir la police du meurtre.

La légitime défense se révéla évidente pour les inspecteurs qui n’inquiétèrent pas le soldat.

La mère retrouva son fils présumé mort mais en enterra un autre.

Le mythe de Abel et Caïn se renouvelait au delà des époques.

CHOUKRI OSMAN GUEDI