Paru aux éditions Le Francolin, « Eve contre Eve » est un recueil de nouvelles que l’on pourrait situer dans le genre tragique, ou plutôt fémino-pessimiste. On y trouve des anecdotes, des clichés et des légendes sur les femmes qui se rapprochent ou s’inspirent de la triste réalité de la gente féminine, à Djibouti et dans toute la région somalie.

Comme le suggère le titre, le recueil est un miroir obscurcissant et plutôt dérangeant d’une double lutte qui déchire chaque femme. Interne d’abord, dans la mesure où la femme perpétue une certaine mentalité dévalorisante d’elle-même. Intra-féminin, ensuite, lorsque chaque Eve se met à convoiter, envier voire combattre une autre elle-même. C’est le fil d’Ariane de ce recueil qui commence par « Une naissance » avec Aicha, enceinte pour la quatrième fois de suite fait un vœu, plutôt morbide. Donner vie à un fils pour gagner les bonnes grâces de sa belle famille et avoir droit à la fortune de son richissime beau père. Vœu qui va signer la fin de toutes ses ambitions aveugles et l’installer dans le désespoir lorsqu’elle hérite d’un fils mort-né.. « Eve contre Eve » est le titre du recueil, mais c’est aussi le titre d’une nouvelle. Triste nouvelle encore, d’une jeune femme qui a tout pour être heureuse mais qui s’aventure sur le terrain boueux d’un amour à trois totalement impossible. Amal, c’est son doux prénom, va tomber des nues face à la force et la détermination de sa rivale bien mieux dans ses baskets et dans ses certitudes. Amal s’éprend de son collègue, un homme marié et père de famille. Mais elle s’obstine jusqu’à vouloir détruire un foyer familial qui s’avère être un mur infranchissable, tellement bien gardé par une épouse légitime et bien décidée à conserver son mari qui retrouve la raison et conserve le bonheur conjugal au détriment de la passion passagère et folle, au grand dam de notre belle Amal. Les ravages de l’excision ne pouvaient échapper à ce recueil. C’est l’histoire de la Purifiée où, une gamine belle et bien dans sa peau, Filsan, subira l’inconséquence d’une grand-mère bien trop attachée à des us et des coutumes malsains. Une tradition funeste qui va traumatiser à vie la petite Filsan blessée à jamais dans son intimité à cause de cette coutume barbare.

Et ainsi de suite, on rencontre les mésaventures d’une jeune et belle femme qui sera prise dans le piège d’une folle furieuse qui met au péril son amour et son mariage. « La belle et la furie » se termine bien car la famille fait front commun contre l’adversité qu’une de ses filles impose à l’avenir rose et radieux de leur enfant avec sa promise. Les paillettes et les pièges de la vie nocturne dans la capitale sont rapportés dans « l’oiseau de nuit », où Leyla, une jeune et belle bergère va tomber dans les drogues et la prostitution, et attraper le Sida dans la fleur de l’âge. Les péripéties des femmes commerçantes ou Charcharis font le menu de la « maternité mobile ». Les crâneries et les adversités quotidiennes des charcharis défilent dans le train qui relie Djibouti à l’Ethiopie. Le «Chameau du ciel » est un adage connu pour avoir perdu plus d’un. Mais des douces rêveuses on en trouve toujours, comme Habiba qui oublie de veiller sur son dromadaire qui finit dans un gouffre pendant qu’elle rêve d’une fortune divine.

Tout au long du recueil, on rencontre des femmes rêveuses ou d’autres tellement assoiffées de pouvoir et d’argent qui tombent dans les abimes qu’elles ont creusées de leurs propres mains. Une succession d’histoires qui dépeignent sous leurs plus mauvais jours les plus bas instincts des femmes qui se retrouvent piégées et victimes de leurs propres croyances, de leurs propres stratagèmes qui finissent par les perdre. L’auteure en a tellement sur le cœur qu’elle invite ses congénères à une introspection salvatrice.

MAS