Avec Haween, l’auteur Abdo Omar nous ouvre la porte d’un univers que notre mémoire a tendance à oublier, à enfouir dans le passé, ou à reléguer très loin dans  notre inconscient.   Cet univers, c’est celui de ces  petits gens qui peuplent nos villages et nos compagnes. Cet univers, c’est celui de ces pauvres gens que le brouhaha de la ville méprise superbement. Car ils n’ont à priori aucune utilité, aucune fonction qui mérite qu’on s’attarde sur leur vie et sur leur situation.

Mais tel un biologiste avec son microscope, l’écriture de Abdo Omar nous donne à voir et à rendre visible l’existence de ce petit peuple. Une existence somme toute banale, avec ses aléas, ses contraintes, et ses contrariétés. Toute la force de Haween réside dans cette invitation à s’intéresser aux plus démunis, à ces petites personnes que la vie a peut-être oubliées sur son chemin.

Le titre du recueil Haween, qui veut dire oubli en afar, s’inspire d’ailleurs de cette jeune fille, Zohra, qui, malgré sa maladie et sa pauvreté, donne une leçon de vie à un jeune infirmier gâté, qui n’aime pas travailler, qui a été renvoyé de son emploi « à deux reprises » et qui a été aussitôt réintégré « grâce à l’intervention de mon père » comme il le précise . Car malgré son excision qui lui cause des complications et malgré toutes les maladies du monde qu’elle a contractées, « cette oubliée de la vie », amputée de ses parents, de ses grands parents et de sa tante, accepte son sort avec dignité, car telle est sa destinée.

« Tant d’humilité, tant de compassion et tant de drame dans une vie…Qu’étais-je ? Que valait ma vie d’enfant gâté ? Rien. Absolument rien.» constate le jeune infirmier dans un excès de conscience et de lucidité. C’est justement à cette prise de conscience et à cet accès à la lucidité que nous invite l’écrivain. A travers des récits et des scènes ordinaires qui se passent quotidiennement dans nos villages. Que cela soit l’histoire du fou ,de Ali Gouga ou encore celle du ventre mou , Haween nous transporte dans la proximité ,des fois même dans l’intimité ,de ces personnages qu’on a croisés ou qu’on aurait pu croiser. Ces personnages, vêtus de leur simplicité, mais aussi immergé dans leurs croyances religieuses ou traditionnelles, font écho à notre part commun d’humanité.

Haween nous invite à ne pas être amnésique et à nous rappeler que les personnes simples sont aussi nos alter-égo.

Dimbio