A Andabba et Madgoul, dans la sous-préfecture de Dorra, en région de Tadjourah, les représentants du ministère de l’Agriculture, les responsables administratifs régionaux et les chefs coutumiers locaux travaillent main dans la main afin de réduire de façon significative les activités de charbonnage dont la recrudescence devenait inquiétante.
Le programme de gestion des Eaux et des Sols, du ministère de l’Agriculture, mis en œuvre par l’Unité de gestion des projets, était préoccupé à juste titre ces temps-ci par l’ampleur inhabituelle du charbonnage dans la sous-préfecture de Dorra, en région tadjouroise. Au début de ce mois de mars, le 2 Mars pour être précis, le coordinateur de l’Unité de gestion des projets, M. Baragoita Saïd, accompagné de ses principaux collaborateurs dont des forestiers, s’est rendu à Madgoul pour discuter de la problématique du charbonnage avec les chefs coutumiers locaux sous la houlette du sous-préfet Abdallah Kamil Ali, principal responsable administratif de ces vastes zones semi-désertiques où vit une importante population. « Il s’agissait pour nous de voir avec les populations pourquoi au cours des deux dernières années, le charbonnage s’est intensifié sur le parcours andabba-madgoul où pourtant les anciens veillent à ne tolérer aucun abus concernant la préservation des forêts », explique Baragoita Saîd. Au cours de cette réunion, les responsables du ministère de l’Agriculture ont longuement écouté les chefs coutumiers qui ont évoqué la pandémie de Covid et les restrictions qui en ont découlé, c’est-à-dire la fermeture de la frontière éthiopienne, la circulation limitée entre les régions, etc. La population s’est donc retrouvée confinée dans ses villages.
De plus, le transfert monétaire que l’Etat effectuait au bénéficie de 200 familles parmi les plus vulnérables fut stoppé de manière inexpliquée. L’aide alimentaire provenant du PAM arrivait de façon irrégulière. La paupérisation s’est généralisée et les familles, en proie à l’insécurité alimentaire, s’est mise donc à exploiter la forêt pour des activités de charbonnage. Car l’économie pastorale, basée sur la vente de bétail et de produits laitiers, a été complètement bouleversée. Ce malheureux concours de circonstances est intervenu au moment où l’Etat avait consenti des efforts colossaux pour venir à bout de la soif et pour répondre à d’autres problématiques tout aussi graves.
Le gouvernement venait en effet d’inaugurer à Madgoul un forage d’eau de très grande capacité, une adduction, une école et un dispensaire, ce qui a été vécu par la population comme l’aube d’une ère nouvelle après des décennies de soif et d’épidémies. Tout ce rude parcours andabba-madgoul-bouya semblait tiré d’affaire de façon durable. Le sous-préfet Abdallah semble pourtant optimiste. « Les difficultés créées par le confinement et la fermeture de la frontière durant une période donnée finiront par disparaitre », dit-il. Mais il est important, ajoute-t-il que le gouvernement aide la population à abandonner peu à peu le charbonnage et les coupes de bois en reprenant la distribution de l’aide alimentaire et en relançant le transfert monétaire. « C’est à cause des difficultés rencontrées que les habitants de Madgoul ont commencé à pratiquer le charbonnage de façon inhabituelle pour subvenir à leurs besoins », souligne M. Abdoulkader, cadre du ministère de l’Agriculture qui faisait partie de la mission de Madgouil et qui a pris bonne note des arguments soulevés par les chefs locaux. Que faire ? Les responsables du ministère de l’Agriculture en charge de la mise en œuvre du programme de gestion des eaux et des sols connaissent ces rudes terres de la sous-préfecture de Dorra où la population prend soin depuis des générations des forêts d’acacia nilotica, Sassak en afar, qui constituent pour eux des ressources précieuses qui leur permettent de résister tant bien que mal aux sécheresses récurrentes. Les deux parties ont donc convenu de réglementer l’exploitation forestière afin de limiter les abus. Comme cela se faisait avant la Covid 19, il a été convenu que les Chefs coutumiers désignent le nombre d’exploitants et déterminent où et quand la quantité de bois marqué sera prélevée dans la forêt. A partir du 3 mars 2022, toutes les activités de charbonnage qui se faisaient à l’intérieur de la forêt ont été stoppées.Aucune activité de charbonnage ne peut avoir lieusans une autorisation préalable des chefs coutumiers et ce en dehors des forêts d’acacias.
L’équipe du projet est désormais chargée d’encadrer et suivre les exploitants dans l’utilisation de technologies saines non destructrices du site dans lequel la production de charbon de bois sera effectuée.
Autre point important, les représentants du ministère de l’Agriculture et les autorités administratives régionales ont convenu lors de cette réunion du 2 Mars de prendre contact avec le programme alimentaire mondial afin que l’aide alimentaire soit de nouveau distribuée de façon régulière à la population. « Une réunion doit avoir lieu à ce sujet incessamment sous peu et pour ce qui concerne le transfert monétaire, le gouvernement, par la voix de la ministre en charge des solidarités et des affaires sociales, Madame Ouloufa, s’est engagé à en accélérer la relance et nous en sommes heureux », souligne le sous-préfet Abdallah Kamil. Ce dernier est convaincu que si les choses redeviennent normales, les difficultés créées par la folle année du COVID appartiendront au passé.
Car le sous-préfet Kamil tout comme l’équipe du ministère de l’Agriculture, ne doute pas du bon sens et de la fibre écologique des populations locales qui ne touchent qu’en dernier recours à la flore. Avec la mise en œuvre des recommandations de la réunion du 2 Mars, nul doute que les choses rentreront dans l’ordre.