La Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples a organisé hier, au sein de l’hôtel Le Laurier, un atelier de formation sur son mandat, ses structures et ses compétences. La rencontre a vu la participation du secrétaire général de la commission nationale des droits de l’homme, Djibril Osman Houffaneh, et un panel de journalistes des médias locaux.
Une délégation, composée de plusieurs juges et des juristes ainsi que du staff du Secrétariat général de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, effectue une visite officielle à Djibouti, du 21 au 24 mai 2019. Objectif du déplacement : mener des actions de sensibilisation et promouvoir le rôle de la cour auprès des gouvernements et des forces vives des Etats africains.
Très officiellement, il s’agit de « sensibiliser le public sur l’existence de la Cour et encourager les Etats membres de l’Union Africaine à ratifier le Protocole et à déposer la Déclaration par laquelle ils permettent aux particuliers et aux organisations non gouvernementales (ONG) d’avoir un accès direct à la Cour », selon les termes du président de la Cour, l’honorable juge Sylvain Oré.
Le juge en chef de la juridiction panafricaine souligne en effet, que « La Cour ne peut s’acquitter de son mandat et renforcer effectivement le système africain des droits que si un nombre important d’Etats membres ratifient le Protocole et font la déclaration prévue à l’article 34 (6’’) ».
Pour rappel, la République de Djibouti a signé le Protocole portant création de la Cour le 15 novembre 2005 mais ne l’a pas encore ratifié et n’a pas non plus fait la déclaration décisive.
Aussi, la visite de la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples, est destiné à sensibiliser le public sur son existence, encourager la ratification du Protocole et le dépôt de la Déclaration par laquelle les Etats permettent aux particuliers et aux ONG d’avoir accès directement à la Cour. Par ailleurs, la délégation vise à sensibiliser les requérants potentiels sur les procédures pour accéder et ester devant la Cour, encourager le public à recourir à la Cour pour le règlement des différends relatifs aux droits de l’homme et pour solliciter des avis consultatifs.
L’atelier d’hier a permis aux journalistes de prendre connaissance de la genèse de la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples qui a été créée en vertu de l’article 1 du protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, pour compléter le mandat de protection de la commission africaine de l’homme sur le continent.
Depuis l’adoption du protocole en juin 1998, trente (30) des cinquante-cinq (55) Etats membres de l’UA l’ont ratifié et seuls neuf (9) Etats parties au protocole ont fait la déclaration prévue à l’article 34 (6) : le Burkina Faso, le Bénin, le Ghana, la Gambie, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Malawi, la Tanzanie et la Tunisie.
La Cour est composée de 11 juges, ressortissants d’Etats membres de l’Union africaine élus à titre individuel. La cour se réunit quatre fois par an en sessions ordinaires et peut tenir des sessions extraordinaires. A l’issue des présentations et des exposés des membres de la délégation, les journalistes ont pu avoir les explications nécessaires sur des aspects plus techniques sur le mandat de la cour, ses modes et procédures opératoire, etc. C’est avec une curiosité satisfaite que les participants ont pu poursuivre leurs échanges avec les juges et les juristes de la délégation.
MAS
Le point avec…Chafika Bensoula, Juge à la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
« Notre Cour devrait être notre fierté et notre modèle de justice panafricain »
« Les citoyens d’un pays membre de l’UA ont le droit de saisir la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des peuples à la condition que son pays ait signé la Déclaration. C’est sur cette base là qu’un pays peut se retrouver devant la Cour. En langage plus simple, l’on peut intenter une action en justice devant la Cour contre un Etat s’il a signé et ratifié la Déclaration. Qu’est ce que la Déclaration ? C’est le pays qui déclare donner la permission ou le droit à ses citoyens d’aller devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Le grand problème de la Cour vient du fait que les Etats africains rechignent à signer cette déclaration, alors même que la Cour est le fruit, le résultat des engagements des Etats de l’UA. L’idée vient de l’UA elle-même et elle a germé plus d’une quinzaine d’années pour aboutir. Et aujourd’hui, certains Etats africains se montrent frileux alors même que notre Cour devrait être notre fierté et notre modèle de justice panafricain. C’est le but de notre tournée de sensibilisation dans les pays Africains. Nos Etats Africains fonctionnent sur les bases de systèmes bâtis sur des principes démocratiques et légaux et la Cour Africaine est là pour le démontrer car nos Etats n’ont rien à envier en matière de système judiciaire et de Droits de l’homme et des peuples à personne. En signant cette déclaration, nous faisons une démonstration de notre engagement à protéger encore plus les droits de l’homme et des peuples au sein de nos Etats. La Cour ne reçoit pas toutes les requêtes certaines pour être infondées et d’autres pour des motifs divers et variés. Cela veut dire que nos Etats ne seront pas condamnés systématiquement sur tous les dossiers qui seront amenés devant la Cour. Les textes juridiques, les procédures légales et les jugements sur le fond des affaires sont une garantie d’impartialité et de rigueur judiciaires qui sont autant de garanties pour les Etats signataires de la Déclaration. Il faut aussi savoir que la Cour n’a pas les compétences pénales garanties par le protocole de Malabu mais qui n’a pas encore été ratifié par l’ensemble des Etats de l’UA qui sont parties de la Charte Africain des droits de l’homme et des peuples. La signature de la déclaration est donc pour les Etats africains une manière de démontrer à leurs citoyens qu’ils sont engagés à la protection et la promotion des droits de l’homme».
MAS