Le jeudi 23 mai 2024, le premier ministre Abdoulkader Kamil Mohamed a présidé, au palais du peuple, la cérémonie de lancement officiel de la phase pilote du nouveau programme antivectoriel “Les moustique-alliés” qui cible l’envahissant Anopheles stephensi, vecteur du paludisme à Djibouti.

Outre la présence du ministre de la santé, la cérémonie a accueilli plusieurs membres du gouvernement, des ambassadeurs et des représentants des systèmes des nations unies ainsi que des cadres du ministère de la santé.

Les participants ont suivi avec attention la présentation sur l’exécution du programme, de la technologie utilisée aux acquis ainsi qu’aux perspectives attendues.

Assisté par Dr Bouh Abdi, directeur de l’association Mutualis, et le Dr Neil Morrison, directeur stratégie à Oxitec, le conseiller du président de la République et superviseur du programme, Dr Abdoul-Ilah Ahmed Abdi a présenté les différents avantages de cette technologie antivectorielle innovante qui constitue une riposte efficace pour l’élimination totale du paludisme à moyen terme dans notre pays.

Dans son discours, le ministre de la santé, Dr Ahmed Robleh Abdilleh, a affirmé la volonté de Djibouti de réduire drastiquement les cas de paludisme qui est endémique à Djibouti, en s’appuyant sur cette technologie innovante qui agit directement dans la chaîne de reproduction des moustiques femelles.

En effet, ce programme “Les moustiques Alliés” intervient dans le cycle de reproduction du moustique en bloquant la génération de moustiques femelles qui sont responsables de la transmission des maladies.

Pour sa part, le ministre de l’environnement, Mohamed Abdoulkader Moussa, a rappelé que la technologie utilisée par ce programme est conforme aux respects des normes écologiques et environnementales, en indiquant que son département suit le programme depuis son initiation à ce jour.

Sur la base des conclusions objectives de l’étude sur les risques environnementaux, le ministère de l’environnement a délivré quitus d’approbation quant à l’usage de cette nouvelle technologie dont la sûreté et non toxique sont prouvés et qui ne présente aucune menace environnementale, a-t-il dit.

Enfin, le premier ministre Abdoulkader Kamil Mohamed a salué l’introduction de ce programme inédit qui permettra de lutte efficacement contre la prolifération des Anopheles stephensi, envahissant et vivant en milieu urbain et ayant provoqué une augmentation significative du paludisme dans et autour de la capitale Djibouti.

Source : Ministère de la Santé

« Par ce programme innovant, nous voulons prendre la juste mesure du défi que notre pays doit relever pour parvenir à inverser la courbe… »

Le discours du premier ministre Abdoulkader Kamil Mohamed

Le paludisme à Djibouti, comme partout en Afrique sub-saharienne, constitue un problème majeur de santé publique dont la prévalence est une sérieuse menace pour la population et fait peser une lourde charge sur les systèmes de santé.

Souvenez-vous, la république de Djibouti avait réussi grâce à un programme de lutte intégré à en limiter l’impact au point de parvenir en 2012 à une phase de pré-qualification à l’élimination du paludisme conformément aux critères exigés par l’OMS. Djibouti était alors parmi une poignée de pays se targuant d’avoir atteint un tel résultat.

Cette dernière décennie, le fléchissement de l’implication des communautés dans les actions sanitaires, l’insuffisance de la coordination des actions des différents secteurs, des comportements favorables à l’intensification de la transmission et les menaces telles que la résistance des vecteurs contre les insecticides, ont sérieusement affaiblis le combat mené contre le paludisme. L’émergence d’un nouveau vecteur, l’Anophèle Stephensi, a pour sa part complètement menacé les succès acquis durant des années de combat acharné.

La volonté politique du gouvernement à combattre ce fléau n’a jamais reculée. Face à ce constat, il a vite mesuré la nécessité absolue de trouver une approche innovante et fiable en capacité de limiter la diffusion de ce vecteur pour protéger la population contre la recrudescence des cas de paludisme au delà des interventions traditionnelles telles que la pulvérisation spatiale et la neutralisation des gites larvaires.

C’est dans cette perspective et en quête de l’adoption des meilleures politiques et stratégies de lutte contre le paludisme que notre pays s’est lancé avec la société OXITEC, une biotech installée à Oxford, au Royaume-Uni, spécialisée dans le développement de solutions biologiques dans la lutte contre différents vecteurs. Ainsi ” MOUSTIQUES ALLIES DE DJIBOUTI ” sera une technologie qui va directement intervenir en amont dans la reproduction du moustique, contrairement aux interventions traditionnelles se focalisant sur le contrôle des moustiques adultes ou la destruction des larves. Les équipes djiboutiennes sont déjà à l’œuvre et formées sur toutes les phases du programme d’insertion du gène de limitation et l’ensemble du processus se fera à Djibouti dès la construction du laboratoire dedié.

Aujourd’hui, par ce programme innovant nous voulons prendre la juste mesure du défi que notre pays doit relever pour parvenir à inverser la courbe et atteindre un objectif ambitieux capable de montrer au monde qu’un avenir sans paludisme est possible. Oui le paludisme peut être vaincu. C’est par un engagement politique fort, des investissements suffisants et un arsenal de stratégies que nous pourrons atteindre notre objectif commun : une nation  exempte de paludisme.

À cet instant solennel où nous misons sur ces avancées technologiques, nous ne pouvons pas oublier que des millions de personnes dans le monde continuent de souffrir et de mourir de cette maladie, la majorité de ses victimes étant de jeunes enfants en Afrique. D’ailleurs ne faut-il pas désormais considérer que les défis liés à la  santé publique ont la même priorité que la paix et la sécurité internationales. Dans un monde interconnecté et interdépendant, la maladie ne connaît pas de frontières. Nous avons vu comment les grandes épidémies de notre époque, notamment le VIH/SIDA, la tuberculose, la COVID-19 et autres variétés de coronavirus, touchent rapidement tous les pays, du Nord comme du Sud. Les maladies dites “négligées” aujourd’hui en raison du peu d’intérêt en recherche qu’on leurs accorde et très répandues en Afrique peuvent demain affecter le reste du monde si on ne change pas de paradigme.

Garantir la santé publique à l’échelle mondiale n’est donc pas seulement une question de considérations éthiques. C’est aussi une mesure d’intérêt commun qui contribue à notre sécurité collective et nécessite donc un engagement solidaire.

C’est ainsi que nous pourrons relever le défi de la présente campagne et je souhaite plein succès au déploiement de la phase pilote du programme ” moustiques alliés de Djibouti”.

Enfin, je profite de cette occasion pour féliciter les experts nationaux qui nous ont gratifiés au cours de cette séance des présentations pertinentes et les partenaires tant techniques que financiers impliqués dans ce programme.

« En réduisant la population de moustiques Anophèles stephensi et Aèdes, la stratégie « moustiques alliés » contribuera à la réduction de la prévalence du paludisme et la dengue dans notre pays »

Le discours du ministre de la santé, Dr Ahmed Robleh Abdilleh

Depuis plus de 10 ans, le paludisme constitue un problème de santé publique à Djibouti. En 2012, au moment où le pays allait être inscrit à l’agenda des pays à la phase de pré-élimination du paludisme, une résurgence manifeste des cas a été notifiée depuis 2013 jusqu’à ce jour. En effet, les cas de paludisme sont passés de 27 cas en 2012 à 40 628 cas en 2022. Cela revient à une augmentation de plus de 100% des cas sur une période de 10 ans. Cette augmentation excessive des cas de paludisme a coïncidé avec l’invasion et l’expansion de l’anophèle stephensi dont le polymorphisme est bien adapté aux conditions climatiques et environnementales de Djibouti ville.

Suite aux interventions combinées de lutte anti-vectorielle associée à une prise en charge correcte des cas dans les structures de soins, les cas de paludisme diminuent progressivement d’une année à une autre. Ainsi de 2020 à 2023, les cas de paludisme sont passés respectivement de 73 535 à 38 846 cas.

Les interventions de lutte anti-vectorielles mises en œuvre à Djibouti ont, certes, un impact sur la réduction des cas de paludisme mais comportent des limites pour permettre l’élimination du paludisme. En effet, la pulvérisation intra-domiciliaire utilise un insecticide qui tue, pour un laps de temps, les moustiques adultes se reposant à l’intérieur des ménages mais ne les empêche pas de se multiplier.

Le traitement des gîtes larvaires consiste, quant à lui, à empêcher les larves d’atteindre la phase de « moustique adulte » mais sa mise en œuvre efficace et correcte exige des moyens financiers importants pour l’achat des produits et une régularité fréquente d’un nombre important des gîtes larvaires, rendant donc difficiles l’élimination complète des gîtes larvaires. Ailleurs, les données de surveillance hebdomadaire des cas de paludisme ont montré que les hommes sont 20 fois plus exposés au paludisme car passent plusieurs heures en dehors des ménages pendant les heures de piqûres des moustiques transmettant le paludisme. Jusqu’à présent, aucun moyen de lutte efficace n’est prévu pour cette particularité des cas à Djibouti.

Ceci étant, le pays a encore du pain sur la planche pour atteindre l’objectif du Plan Stratégique de Lutte contre le Paludisme 2020-2026 : « Réduire la morbidité liée au paludisme de 50% d’ici 2026, par rapport aux données de 2019 en vue d’atteindre zéro cas autochtone d’ici fin 2030».

Dans le souci de renverser le revers de la médaille et revenir à la phase de pré-élimination du paludisme, des innovations dans le domaine de lutte contre le vecteur en termes de mécanisme capable de neutraliser la multiplication et l’existence de l’anophèle stephensi sont en cours. Dans cet optique, Djibouti a mis en place la stratégie « Moustiques alliés de Djibouti » en partenariat tripartite fait par le Ministère de la santé-Société civile/Association Mutualis-Oxitec.

L’objectif de cette stratégie est de réduire la transmission du paludisme en contrôlant les populations de moustiques anophèles stephensi et Aèdes, qui sont respectivement des vecteurs majeurs du Paludisme et la Dengue à Djibouti. Pour ce faire, l’appui de Oxitec consiste à utiliser des mécanismes de modifications génétiques en introduisant deux gènes modifiés au sein des populations de moustiques. Cette population de moustiques portant deux gènes modifiés est conçue pour s’accoupler avec des femelles sauvages dans la nature.

Ce croisement ne donnera que des œufs mâles qui vont éclore alors que les œufs femelles (future anophèles femelles) ne vont pas éclore. Les moustiques issus de ces œufs mâles sont ainsi appelés “moustiques Alliés à l’homme” car n’ont aucune potentialité de transmission de paludisme. Les descendants de ces accouplements ne survivent pas jusqu’à l’âge adulte, réduisant ainsi la population de moustiques Anophèles stephensi et, par conséquent, la transmission du paludisme.

Avec l’accompagnement du Gouvernement, la stratégie de « moustiques alliés » qui est mise en œuvre depuis presque 2 ans a été associée avec la surveillance sentinelle des vecteurs (Aèdes, Culex et Anophèles) dans 32 sites sentinelles réparties à Douda, Damerjog, Arta et Djibouti-ville dans les quartiers Arhiba, Ambouli et Djebel).  A la suite d’une cascade de formation périodique sur la théorie et la pratique, deux colonies d’anophèles stephensi ont été établies et des séances de sensibilisation mettant à contribution des agents communautaires ont été réalisées.

En réduisant de manière ciblée la population de moustiques Anophèles stephensi et Aèdes, la stratégie « moustiques alliés » contribuera de manière significative à la réduction de la prévalence du paludisme et la Dengue dans notre pays et avec la perspective d’extension au niveau régional et continental.

Cela pourrait avoir un impact majeur sur la santé publique en réduisant le fardeau du paludisme, en améliorant la qualité de vie des populations locales et en contribuant à atteindre les objectifs du PSN 2020-2026 et ceux du développement durable.

A l’occasion de cet atelier et à travers les représentants de divers ministères et partenaires, nous portons à la connaissance de toute la nation qu’un premier lâchement d’une colonie OXANS, des moustiques alliés, est prévue à partir du 25 mai 2024.

Dans le cadre de la collaboration multisectorielle dans la lutte contre le Paludisme, nous invitons tout à chacun à contribuer à la réussite de cette stratégie si salutaire qui placerait Djibouti au rang des pays où le paludisme est en voie d’élimination.

Lancement des premiers lâchers pilotes de moustiques Alliés d’Oxitec en Afrique

Dans l’après-midi de ce jeudi 23 mai 2024, le gouvernement de Djibouti a franchi une étape historique dans la lutte contre le paludisme, en lançant les premiers lâchers pilotes de moustiques Alliés d’Oxitec en Afrique. Cette étape décisive est une avancée majeure pour le programme Moustiques Alliés Djibouti, fruit d’un partenariat public-privé formé à l’invitation du gouvernement du Djibouti.  Le développement de cette technologie pour anophèle stephensi à Djibouti augure donc de belles perspectives dans la lutte contre le paludisme dans notre pays et en Afrique en général.