Le secteur économique informel est très important à Djibouti comme partout ailleurs en Afrique. Le taux de bancarisation est également faible et ne dépasse pas les 20% en Afrique subsaharienne. Des solutions africaines et innovantes existent pour accéder à l’épargne et au crédit. Les  tontines, pratiques anciennes, font parties de ces solutions qui peuvent contribuer à réduire la pauvreté. Elles permettent à des personnes exclues du système bancaire d’avoir accès à un crédit pour lancer une activité.

Les tontines sont des associations rotatives d’épargne et de crédit. Elles regroupent des amis, des collègues de travail, des voisins, des membres d’une même famille qui décident de mettre en commun leur argent au bénéfice du groupe, et cela à tour de rôle.

L’organisation est généralement simple. L’association regroupe 12 personnes (pour les 12 mois de l’année). Une personne du groupe est désignée comme responsable de l’organisation. Elle peut cumuler avec la fonction du trésorier ou une autre personne peut être désignée pour cette tâche. L’ordre dans lequel est donné l’argent fait l’objet d’une négociation au début de la tontine et dépend des souhaits de chacun (projets économiques, mariages, besoins…etc.). Mais cet ordre peut varier en fonction des urgences. Un membre du groupe touché par un drame est prioritaire.

Sont autorisées à participer à la tontine, les personnes de confiance ou recommandées par un membre du groupe qui se porte garant. Cependant les défauts sont rares. La pression sociale est suffisamment forte pour dissuader quiconque de faire défaut.

La finalité des tontines est multiple.

C’est une forme de « sécurité sociale » qui rassure. Chaque membre sait qu’il sera soutenu en cas de coups durs (maladie, décès, hospitalisation…etc.).

Les tontines permettent de constituer une épargne et de bénéficier d’un crédit en dehors du système bancaire. C’est donc un rôle financier, une technique de mobilisation de l’épargne très utile dans le cadre du secteur informel pour lancer une activité économique par exemple.

Enfin, la tontine renforce les liens sociaux par le biais des rencontres et par le fait de mener un projet en commun ou tout simplement du fait de responsabilités individuelles qu’elle entraine. Par le bais de la tontine, un individu peut aussi se distinguer par ses qualités humaines et gagner une renommée sociale.

La tontine est un système qui peut être considéré comme vertueux. Elle agit comme une incitation au travail, puisque les participants se doivent de rembourser l’argent emprunté. L’individu n’est donc pas réduit au simple rôle d’assisté. Il est un acteur économique et social important de la communauté. La tontine peut donc dicter les comportements de l’individu tout en privilégiant le groupe.

Les tontines ne sont pas légalement reconnues en Afrique. Néanmoins, ce système d’épargne social se modernise et s’étend grâce au numérique. Ce système mérite de sortir de la clandestinité par le biais des nouvelles technologies. En effet, on oublie souvent que le taux de pénétration du mobile est de 100% sur le continent africain.

Dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, des applications numériques sont apparues ces dernières années visant à moderniser  les tontines traditionnelles.

Dans le contexte où le marché du numérique se développe à Djibouti et en essayant de bénéficiant du lancement récent du premier service de monnaie virtuelle, il est possible de donner un nouvel élan aux systèmes de tontines.

Les tontines sont très populaires en Afrique. Elles constituent une solution locale et efficace pour accéder à une épargne et à un crédit en dehors du système bancaire. C’est un système qui renforce aussi les liens sociaux et culturels et qui mérite donc par ses aspects positifs d’être mieux valorisé notamment par le biais des nouvelles technologies.

Abdallah Hersi