La conservation du patrimoine archivistique est un défi de taille pour toutes les nations et encore plus pour les Pays de notre Continent. La République de Djibouti ne fait pas exception à cette règle et aux défis rencontrés par les pays Africains dans la conservation du patrimoine. Pour nous encore plus que pour de nombreux pays Africain, notre culture de tradition orale rend encore plus difficile la préservation et la sauvegarde de notre patrimoine. Et quel plus beau patrimoine que le trésor des journaux officiels «préservés » au sein de la Présidence de la République

Sous les « ors » de la République, les registres contenant les journaux officiels depuis 1900 sont restés, années après années, les témoins silencieux de l’histoire officielle de notre pays. Manuscrits pour les premiers et très vite dactylographiés, ces registres ont subi, eux aussi, les affres du temps et parfois « l’incurie » de ceux qui ont en eu la charge. Ces reliques d’un temps passé ont ainsi été pour certains fortement dégradé, menaçant de faire disparaître à jamais une partie de notre mémoire collective de Djibouti. Certains de ces errements, d’autres administrations l’ont vécu et certaine parfois continuent de le vivre. Et c’est là, en cela, que revêt aujourd’hui toute l’importance de « LA SEMAINE DU PATRIMOINE ».

Les défis de la restauration

Heureusement, fort heureusement, nous avons su au moment opportun, corriger le tir et les erreurs commisses, corriger les affres du temps et aujourd’hui, les défis liés à la restauration de ces journaux officiels, bien que complexes, ont été initiées. Chaque reliure endommagée, chaque page abîmée racontent une histoire, non seulement l’histoire du contenu qu’elle porte, mais aussi l’histoire de ceux et celles qui en avaient la charge et des conditions dans lesquelles elles ont été conservée. Des années de conservations non adéquates ont laissé des traces parfois rattrapables, parfois indélébiles, et c’est précisément cette situation « préoccupante » qui nous a conduit à entreprendre ce projet de restauration.

L’évaluation initiale des registres, nous a montré  des documents « pourtant conservés » avec néanmoins des pages jaunies, des couvertures déchirées, des bords effrités, et des documents rongés par des mythes et des termites. L’usure du temps a exacerbé la situation de ces archives en les laissant dans un état de fragilité parfois extrême. Certaines pages étaient devenues si friables que parfois elles s’effritaient au moindre contact, pouvant réduire – sans notre action- en poussière des décennies d’histoire, en l’espace d’un instant.

Les insectes xylophages, comme les termites et les mites, ont aussi et pour beaucoup été de redoutables ennemis pour ces registres. Ils ont, au fil des temps, creusé des galeries dans les pages, créant des trous et des dégâts parfois quasi irrémédiables, compromettant ainsi la lisibilité de nombreux articles officiels et à travers cela, le fil tenu de notre histoire. Ces affres n’ont fait qu’ajouter à la complexité de la restauration, obligeant à traiter chaque page avec un soin et une minutie extrême.

Les conséquences des mauvaises conditions de conservation

Les mauvaises conditions de conservation ont ainsi joué un rôle majeur dans l’état de détérioration des registres. Au fil des ans, ces documents ont parfois été stockés dans des endroits inadéquats, sans régulation de l’humidité ni protection contre les nuisibles. L’humidité parfois excessive a provoqué le jaunissement des pages, la décoloration de l’encre et, dans certains cas, l’apparition de moisissures. À l’inverse, parfois un taux d’humidité insuffisant à aussi rendu certaines pages cassantes, les rendant extrêmement difficiles à manipuler sans causer de nouveaux dommages.

L’utilisation à travers les temps de rubans adhésifs – posés il y a des décennies pour « réparer » les déchirures – a également causé d’énormes problèmes le temps, ces rubans se sont détériorés, à travers le temps les journaux officiels, laissant des résidus collants qui ont aussitôt endommagé les pages, parfois de manière quasi irréversible. Outre les rubans adhésifs, les manipulations par l’Homme, à travers le temps a entrainé des versements et taches de liquides sur de nombreuses pages qui indiquent que ces registres ont été victimes d’accidents ou de fuites, causant des auréoles et une dégradation supplémentaire pour l’encre.

Nonobstant les attaques des nuisibles insectes et les conditions de stockage, le simple outrage du temps a laissé son empreinte sur ces registres. L’exposition à la lumière, l’exposition à la chaleur, et les fluctuations non maîtrisées de température ont accéléré la dégradation des matériaux. Certains registres montrent des signes de décoloration avancée, rendant la lecture de certaines pages extrêmement difficile. La perte progressive de l’encre a parfois fait disparaître des textes entiers, rendant leur contenu presque illisible et menaçant la sauvegarde de ces informations cruciales pour l’histoire de Djibouti.

Une opération de sauvetage à grande échelle

Face à l’urgence de la situation, notre action nous a permis de réaliser un projet de restauration national en deux phases. Cette restauration tout comme le lancement du eJO, a été faite par des Djiboutiens et par des djiboutiennes. L’expertise utilisée depuis les pas jusqu’à maintenant reste nationale et montre la montée en puissance de nos capacités et de notre jeunesse. La première étape a consisté en la numérisation des registres. Ce processus était essentiel pour créer une copie de sauvegarde de ces documents historiques, garantissant ainsi que, même en cas de perte ou de destruction ultérieure, leur contenu resterait et restera accessible aux générations futures. La numérisation a été un défi en soi, car il fallait manipuler ces pages extrêmement fragiles avec un soin infini et des outils spécialisés tels que des scanners à hautes résolution et adaptés aux ouvrages abîmés fut utilisé. Une première version de la plate-forme eJO a ainsi été ouverte mi-octobre 2023 au grand public et a permis de mettre à la disposition de notre administration, à la disposition de notre jeunesse l’ensemble des textes juridiques depuis 1977 à nos jours. Et quel plus bel hommage à notre jeunesse que l’inauguration de l’ensemble des fonctionnalités de cette plate-forme à l’université de DJIBOUTI le 15 janvier 2024. Aujourd’hui plébiscités, cette plate-forme reçoit en moyenne 850 visiteurs par jours, 24 000 visiteurs par mois et 144 000 par ans. La deuxième version de cette plate-forme permettra de remonter jusqu’à 1900. 125 ans de nos textes seront disponibles et ouvert au public et cette deuxième phase sera achevé au 30 octobre 2024 par l’équipe pluridisciplinaire du secrétariat général du Gouvernement avec des archivistes du service de documentation de la Présidence, des juristes et des jeunes experts en numérisation   de l’ANSIE sous la houlette des développeurs de cette même institution. Cette plate-forme, avec un moteur de recherche dédiés et unique en son genre en Afrique fait de notre pays un leader en la matière et renforce notre gouvernance juridique. Notre droit et désormais accessible à l’ensemble de nos concitoyens et fait le bonheur de nos professionnels du Droit.  De 1900 à nos jours, nos concitoyens pourront avoir accès pour compter du 15 décembre 2024 â l’ensemble de nos textes.

La deuxième phase, toujours en cours, est celle de la restauration proprement dite. Après avoir réalisé une étude exhaustive, page par page, pour évaluer l’ampleur des dégâts et identifier les interventions nécessaires. Chaque registre a été traité individuellement, et chaque page a été nettoyée délicatement à la main. Le nettoyage est une tâche méticuleuse, car il faut éliminer la poussière, les résidus de scotch et les taches sans endommager davantage le papier. La restauration des registres présente des défis techniques uniques. Pour les profanes, la consolidation des pages les plus endommagées nécessite l’utilisation de « papiers japonais » extrêmement fins, qui est appliqué sur les déchirures pour renforcer les zones fragiles. Parmi les problèmes rencontrés lors de cette restauration demeure les longs délais de livraison de certains matériaux indispensables, tels que justement ledit papier japonais précédemment cité. Ce papier, unique en son genre est utilisé par les spécialistes en restauration est un outil indispensable pour consolider les pages les plus fragiles, est un produit rare qui doit être importé de l’étranger avec des délais d’attente qui ont parfois ralenti le processus de restauration, ajoutant une dimension supplémentaire aux défis logistiques déjà présents dans ce projet de grande envergure. L’élimination des traces de scotch est une autre étape complexe. Les résidus collants doivent être dissous à l’aide de solvants spécialisés, sans abîmer l’encre ou le papier. De plus, les trous laissés par les termites doivent être comblés de manière à préserver la lisibilité du texte.

Un autre défi majeur fut de garantir la durabilité de ces registres après la restauration. Il ne suffit pas de restaurer les documents ; il faut aussi s’assurer qu’ils soient conservés dans des conditions optimales à l’avenir. Cela implique la mise en place d’un système de contrôle de l’humidité et de la température, ainsi qu’une protection contre les nuisibles, afin de prévenir de futures dégradations.

Un patrimoine sauvé, mais à quel prix ?

La restauration de ces journaux officiels a été un travail d’une minutie extrême, mais constitue également d’un projet coûteux et chronophage. Les matériaux spécialisés, le temps consacré par les restaurateurs, et la nécessité d’une attention méticuleuse à chaque page rendent cette entreprise particulièrement exigeante. Pour autant, l’enjeu en vaut la peine. Chaque page restaurée représente un fragment de l’histoire de Djibouti qui est sauvé de l’oubli.

Ce projet de restauration des journaux officiels de la République de Djibouti est bien plus qu’un simple travail de réparation de documents endommagés. C’est un acte de préservation de la mémoire collective d’une nation, d’un effort réalisé par notre génération pour transmettre aux générations futures, l’œuvre ou les actions de ceux qui nous précédé, les actes réglementaires, les lois, les décrets et les événements qui ont façonné l’histoire de la République de Djibouti pour qu’ils vivent à jamais dans notre mémoire et dans l’esprit et la mémoire de ceux qui nous suivrons. Chaque page sauvée est un hommage à l’histoire de notre pays, un hommage aux travail de ceux qui ont précédé et un présent à ceux qui sont avec nous aujourd’hui ainsi qu’à tous ceux qui nous succéderons. Chaque page sauvée nous rappelle ce que nous aurions pu perdre, nous rappelle ce que nous n’aurions jamais pu lire ou ne jamais entendre parler et nous rappelle à notre devoir de mémoire pour nous et pour les générations futures   Elle nous rappelle l’importance qui nous incombe de protéger notre patrimoine archivistique.

Ce vaste projet et chantier nous rappelle que les archives ne sont pas de simples papiers jaunis, que les Archives sont le reflet de notre passé, le fondement de notre présent et le guide de notre avenir. Pour paraphraser le chef de l’Etat, les archives sont le témoin de notre histoire.