Dans le cadre de ce dossier spécial réalisé pour développer les différentes missions du Ministère du Travail chargé de la Réforme de l’Administration et des institutions qui y sont liées, le journal « La Nation » a eut un entretien avec SEM le Ministre Isman Ibrahim Robleh, qui a bien voulu répondre à nos questions. Nous publions pour vous dans cette édition, l’intégralité de ses réponses que voici.
Propos recueilli par A.A.-MAHE
Monsieur le Ministre, quelle a été la trajectoire de votre département ministériel durant ces 43 années d’indépendance que nous savourons avec un immense plaisir ?
Dès l’acquisition de notre indépendance en 1977, les responsables historiques qui ont prit le relais se sont attelés dans un premier temps à construire un Etat solide assit sur un socle d’unité, d’égalité et de paix. A cette époque, rappelez-vous, personne ne pariait sur les chances de survie de cette jeune nation qui venait de naître. A force de courage et d’abnégation, la République de Djibouti est devenu une grande nation et un pays incontournable sur le plan régional, continental et international. Pour en arriver là, il a fallu bâtir une administration digne, au service du citoyen, capable de remplacer l’appareil colonial que nous avions hérité. Il est difficile d’imaginer 43 années après, l’étendue des chantiers qui ont été réalisés et l’ampleur des réformes engagées dans tous les domaines pour permettre de prendre son destin en main. Ce département de la fonction publique dont j’assume aujourd’hui la charge, s’est donc construit et organisé autour de ces défis en préparant et en fournissant un levier de ressources humaines qui soit en mesure d’assurer la transition d’une administration orientée désormais vers une totale indépendance et une réelle liberté. Et ce fut une très grande réussite.
Ensuite le département s’est organisé pour mettre en œuvre des actions de rénovation et de dynamisation des différents secteurs qui lui ont été confiés. A l’image de la politique sectorielle sur l’emploi, la réglementation du travail, la protection sociale, la réforme de l’administration etc.… Celle-ci fut essentiellement mise en œuvre pour favoriser le développement et renforcer la lutte contre la pauvreté. En 43 années, le volume de l’emploi au sein de l’administration publique, a fortement augmenté. Au 30 juin 2020, l’effectif global de la fonction publique s’élève à 17422 composé de 11779 fonctionnaires et 5643 conventionnés.
Cela fait maintenant 14 mois que vous êtes à la tête de ce Ministère. Quel est aujourd’hui votre bilan ?
Il est trop tôt pour dresser un bilan et c’est toujours un exercice difficile à réaliser sans qu’on soit accusé de copié-collé. Les axes de travail sont les mêmes que ceux identifiés par mes prédécesseurs à qui je voudrais rendre hommage à cette occasion. Je vais énumérer ici, quelques actions que nous avons jugé prioritaires. L’emploi suscite un intérêt certain, lié à l’ampleur du chômage des jeunes qui ont des difficultés à intégrer le marché travail en raison de l’inadaptation des qualifications aux besoins du marché du travail.
Le Ministère a mis donc en œuvre des instruments d’insertion à travers des programmes d’adaptation professionnelle que nous appelons « Contrats Aidés ».
Le deuxième axe de l’action que j’ai mené porte sur la réalisation d’un meilleur encadrement législatif du marché du travail pour rendre le code du travail opérationnel en adoptant plusieurs décrets d’application. J’ai aussi mis en place un cadre approprié pour redéfinir les conventions collectives en offrant aux partenaires une plateforme destinée au dialogue et à la concertation.
J’ai également œuvré pour renforcer l’IGTLS, qui souffrait de plusieurs déficits en matériel et en ressources humaines, afin de rendre cette institution plus efficace et lui donner les moyens de remplir ses missions. En matière d’administration publique, dans un souci permanant de respect de la déontologie en matière de recrutement, j’ai réinstauré la voie des concours.
Par ailleurs, une commission mise en place par décret présidentiel, étudie au préalable toutes les nominations concernant des postes à haute responsabilité.
À l’instar du reste du monde, notre pays vient de traverser une crise épidémique sans précédent avec le COVID-19. Comment cette terrible pandémie a affecté le marché du travail ? Et quelles sont les mesures prises par le gouvernement?
Vous avez raison, le monde a connu la pire des pandémies qui a mit à l’arrêt la presque totalité des secteurs économiques de tous les pays. Bouleversant nos habitudes de travail et nos modes de vie. A Djibouti comme ailleurs, les Etats s’organisent pour riposter contre les ravages du virus et atténuer ses effets collatéraux pour éviter une grave crise économique et sociale dévastatrice.
Très tôt, le Ministère du Travail s’est mis sur le front de la bataille pour informer et transmettre les consignes de sécurité mis en place par le gouvernement. Comme vous savez, l’ensemble du pays a été confiné. A partir de là, nous avons empêché tout licenciement et proposé en contrepartie plusieurs options telles que la mise en congé, le télétravail et le travail à temps partiel. Ce qui a très marché ! Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour remercier et féliciter tous lles chefs d’entreprise pour leur excellente collaboration.
D’autres mesures d’accompagnement et d’appui au secteur sinistré du tourisme ont été mises en œuvre pour que les opérateurs ne soient pas asphyxiés. Un plan de relance fixant les priorités a été élaboré par le ministère.
Que préconisez vous pour lutter contre le chômage ?
Monsieur Mahé, les problèmes de chômage ne résolvent pas par un coup de baguette magique. Même les pays les plus développés et les plus riches n’arrivent pas à freiner l’évolution du chômage. Malgré nos modestes moyens, le Président de la République, SEM Ismaïl Omar Guelleh, a tout mis en œuvre pour assurer une meilleure formation aux jeunes et toutes les facilités possibles et imaginables en faveur de la création d’entreprises.
A travers un vaste programme de développement économique, d’importantes infrastructures ont réalisées pour absorber, en partie, le chômage. D’autres sont en cours de réalisation dont l’exemple le plus concret est le complexe industriel de Damerjog. Notre pays connait donc aujourd’hui une forte croissance capable de générer encore plus d’emplois. Malgré tout, la lutte contre le chômage reste un défi permanent et le gouvernement en est conscient. C’est la raison pour laquelle, il a fait de la formation professionnelle l’une de ses grandes priorités. En ce concerne le département ministériel que je dirige, nous avons mis en place plusieurs programmes, dont le « Contrat Aidé », qui consiste à intégrer au sein des entreprises de jeunes demandeurs pour qu’ils puissent se familiariser pendant 6 mois dans un milieu de travail déterminé et acquérir ainsi une première expérience. D’autres programmes similaires sont en cours.
Le Président de la République a lancé un immense programme de réforme de l’administration. Votre département est chargé de sa mise en œuvre. Où en est-on aujourd’hui ?
Le programme de réforme de l’administration, tel qu’il a été initié par le Président de la République, est destiné à améliorer la qualité des services rendus et à augmenter la productivité. Pour cela, il a fallu non seulement moderniser les équipements mais également, rehausser les compétences des agents de l’Etat en leur offrant une formation mieux adaptée et sur mesure. Afin de mieux servir les usagers, les investisseurs et d’accompagner les visées de développement économique du pays, Par exemple, la République de Djibouti possède son propre institut pour former sur place les agents de l’Etat et un fichier central informatique destiné à mieux gérer l’ensemble de ses agents.
Chaque département ministériel a approuvé et adopté la déclaration de service au citoyen élaborée par le Ministère du Travail. Il s’agit d’une charte qui intègre tous les standards à mettre en place pour que l’administration offre aux usagers un service public de grande qualité. Mais également, elle défini les règles régissant les rapports entre administrateurs et administrés. Un code de bonne conduite des agents publics, qui s’articule autour des valeurs professionnels, d’éthique, d’intégrité et de désintéressement, a vu le jour. Dans un futur proche, de nouvelles normes concernant les organigrammes seront étudiées pour uniformiser les structures.
Nous constatons un afflux des travailleurs étrangers dans notre pays. Quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour stopper cette situation ?
Il est important de rappeler qu’il existe une réglementation de travail qui encadre le rapport contractuel de la main-d’œuvre étrangère. Les employeurs sont tenus d’adopter la préférence des nationaux pour toute offre d’emplois. Toute nouvelle opportunité d’emploi doit profiter aux Djiboutiens. Le Ministère est très vigilant dans ce domaine. L’Inspection Générale du Travail et des Lois Sociales mène des contrôles permanents pour lutter contre le travail au noir. L’employeur est autorisé à embaucher un travailleur étranger uniquement lorsque le profil demandé fait défaut sur le marché national. L’ANEFIP délivre à chaque demandeur étranger un permis de travail assorti d’un plan de relève.
La CNSS est un organisme très important pour les travailleurs et les fonctionnaires du pays. Êtes-vous satisfait de ses prestations ?
Avant de répondre à votre question, il faut que vous sachiez que Djibouti est l’un des rares pays africains à assurer une excellente couverture sociale pendant la vie active des travailleurs et une retraite décente. Depuis sa création à ce jour, et du fait des différentes fusions qu’elle a subit, cette institution n’a pas cessé de prendre de l’importance et de se développer pour remplir parfaitement ses missions. Au-delà d’une gestion exemplaire des régimes de retraite et des prestations sociales, la CNSS s’est investit pour mettre en place une assistance médicale très solide, avec des services de soins spécialisés, pour répondre aux besoins de ses affiliés. A l’initiative du Président de la République, une assurance maladie universelle a été créée pour améliorer encore davantage ses capacités de prestations sociales.
Sa première composante est une assurance maladie obligatoire destinée aux travailleurs indépendants qui ne bénéficiaient jusque-là d’aucune couverture. Tandis que sa seconde composante est un programme d’assistance sociale et de santé permettant d’offrir une couverture médicale aux plus démunis et ce, sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, après l’ouverture le 17 juillet dernier, de nos frontières aériennes, la caisse a mis en place à l’Aéroport International de Djibouti, un laboratoire de dépistage salivaire capable de réaliser des testes rapides et performants destinés aux voyageurs qui arrivent dans notre pays. La République de Djibouti étant le deuxième pays, après la France, à se doter d’un tel équipement. Donc, je suis très satisfait !