Ces jours-ci, une vidéo sortie tout droit  de la prison de Gabode et mise en ligne le 3 Juin a ému l’opinion nationale, semé le trouble dans l’esprit des gens  et suscité des débordements. Et pour cause…on y voit un espace clos mal éclairé, un homme visiblement mal en point et montrant l’insalubrité de la cellule dans laquelle il est détenu et  expliquant qu’il est maltraité, comme semblent l’attester ce qui ressemble à des plaies. On entend l’homme commenter ses conditions de détention et les mauvais traitements qu’il affirme subir et conclure par cette phrase terrible:  « Je crois que je vais mourir ici et une fois que je serai mort, il ne faudra pas pleurer ma mort mais plutôt l’applaudir ». Il fredonne ensuite un air de blues tiré du répertoire national. Une chose est sûre : le détenu Fouad Youssouf Ali, à défaut d’être un bon soldat, est un acteur de talent qui  semble maîtriser l’art dramatique. Car qu’en est-il réellement ? Ce militaire, pilote de formation,  incarcéré depuis quelques semaines à Gabode sous un mandat de dépôt à la suite d’une plainte du ministère de la Défense, a-t-il réellement été victime de mauvais traitements ? Sa cellule est-elle différente de celles des autres détenus ? De quoi parle-t-on au juste quand on parle de Cellule 12? Le jeune officier a-t-il essayé de manipuler l’opinion ? Pour en savoir plus, nous sommes donc allés hier, mercredi 10 juin 2020, à la rencontre du président de la Commission nationale des Droits de l’Homme, Saleban Omar Oudine. Ce dernier, accompagné de deux de ses collaborateurs, s’était rendu la veille à Gabode, à la rencontre des détenus, et surtout de Fouad Youssouf dans le cadre de ses activités à la tête de la commission des droits de l’Homme.

« Quand nous sommes arrivés là-bas, le détenu Fouad Youssouf était en train de profiter de ses deux heures de promenade quotidienne comme ses codétenus du bloc des 12 cellules communément appelées cellules 12 et a accepté de répondre à nos questions. Au sujet des éruptions cutanées visibles sur son corps dans la fameuse vidéo, le lieutenant Fouad” a ainsi expliqué au président de la Commission des Droits de l’Homme qu’il souffrait d’allergies depuis l’année 2019. Il en était guéri depuis août 2019, selon son interview télévisée, donc bien avant son épopée éthiopienne et son arrivée à Gabode.  La rencontre a d’ailleurs été filmée par la RTD. Et le lieutenant Fouad a paru de bonne humeur, plutôt volubile et en meilleure forme que sur la vidéo. Au sujet des mauvais traitements, il a affirmé que personne ne lui avait fait du mal.  «Ils n’avaient même pas le droit de me parler», dit-il avant d’ajouter que quand il a eu besoin de charger son téléphone portable, les gardes pénitenciers lui ont fourni une rallonge électrique pour qu’il puisse le faire à l’intérieur de sa cellule. Répondant à une question relative à la fameuse cellule 12, le président de la Commission nationale des droits de l’Homme a expliqué que le pénitencier de Gabode avait un quartier de haute sécurité qui se distinguait des autres lieux de détention par le fait qu’il s’agissait d’un bloc de 12 cellules individuelles donnant sur une petite cour dans laquelle ils peuvent se promener pendant deux heures sans que les détenus des autres blocs ne puissent entrer en contact avec eux. Le détenu Fouad Youssouf Ali fait partie des occupants du bloc des 12 cellules. Les 12 détenus disposent du même espace et vivent dans les mêmes conditions.  «Chaque détenu des cellules 12 dispose d’un ventilateur placé au plafond et la cellule est aérée grâce à deux ouvertures par lesquelles l’air circule », a souligné le président de la CNDH. Quant à son état de santé, le détenu a déclaré devant le président de la CNDH que deux médecins, le Dr Hamadou et le Dr Elyas Laurent lui ont rendu visite et qu’il était satisfait de leur visite.

Le jeune officier a-t-il essayé de manipuler l’opinion

Le président de la Commission nationale a reconnu que cette vieille prison de l’époque coloniale était vétuste et surpeuplée mais, a-t-il dit, « un nouveau pénitencier plus spacieux et offrant de meilleures conditions de détention sera bientôt construit ».

Une question demeure toujours sans réponse : pourquoi le détenu Fouad Youssouf Ali n’a-t-il pas évoqué devant le président de la Commission nationale des droits de l’Homme les mauvais traitements dont il parle dans sa vidéo du 3 Juin ? Ce mensonge, puisque c’en est un, a failli avoir des conséquences dramatiques. Mais, fort heureusement, l’opération de manipulation est en train de faire pschitt !