Le vibrant discours du Président de la République, Ismaïl Omar Guelleh, au 19e sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays non-alignés.

Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer ma profonde gratitude à Son Excellence le Président Yoweri Museveni, Président de l’Ouganda  et au peuple ougandais pour l’accueil chaleureux et l’hospitalité qui m’ont été réservés ainsi qu’à ma délégation depuis notre arrivée dans ce beau pays.

C’est un réel honneur pour moi de prendre part à ce Sommet des pays non-alignés, sous présidence ougandaise. Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre accession à la présidence du Mouvement des non-alignés. Je suis persuadé que grâce à  votre leadership vous lui donnerez l’impulsion nécessaire pour exprimer les préoccupations des pays en développement. A cet égard,  la République de Djibouti vous assure de son plein soutien.

Je tiens également à féliciter le président Ilham Alieyv de l’Azerbaïdjan et saluer ses efforts inlassables pour avoir fait progresser et promouvoir  constamment les priorités et principes de notre Mouvement durant les trois dernières années.

Le monde est actuellement confronté à une crise multidimensionnelle aux proportions majeures et aux conséquences dévastatrices. Les multiples crises qui se sont développées au cours des trois dernières années, les failles structurelles d’un ordre économique international injuste et l’incapacité du système financier international à répondre de manière robuste aux problèmes et aux menaces auxquels nos pays font face sont autant de facteurs de préoccupation pour nous.  

Il s’est écoulé 62 ans depuis la création du Mouvement des Non-alignés. Au cours de cette période, il a été confronté à d’importants défis, notamment la décolonisation, l’établissement d’États modernes et la lutte contre la pauvreté et le sous-développement, deux fléaux aussi sérieux et dangereux pour la paix mondiale et la sécurité que la bipolarisation de la planète pendant la guerre froide. De plus, le Mouvement a lutté pour obtenir un ordre international plus équitable et s’efforce maintenant de relever les défis de la mondialisation.

Les inégalités entre les pays du Nord et du Sud continuent de se creuser et la pandémie de COVID-19 constitue un exemple patent de ce fossé. À cet égard, la République de Djibouti espère faire de la coopération Sud-Sud une question prioritaire. Il va de soi qu’il est dans l’intérêt de nos pays de promouvoir la coopération et le partenariat entre eux, en renforçant leur autonomie dans leur effort commun pour relever les défis actuels. Pour cela, il faut promouvoir la complémentarité entre les pays du Sud d’où l’importance du prochain sommet sud-sud qui se déroulera également à Kampala. A cet effet,  mon pays soutient l’initiative relative à la revitalisation du Consortium pour la science, la technologie et l’innovation pour le Sud (COSTIS).

Reformer en profondeur l’architecture financière internationale. Il est également primordial de reformer en profondeur l’architecture financière internationale. En effet, l’architecture financière actuelle n’est pas conçue pour répondre aux besoins des pays du Sud. Sa réforme complète est une demande de longue date qui vise à rester fidèle aux principes et objectifs de la Charte des Nations Unies et du droit international. Cela implique de procéder à la réforme de la structure de gouvernance des Institutions Financières Internationales, en particulier du FMI et de la Banque mondiale car le système de vote basé sur le pouvoir économique ou financier n’est plus tenable. En outre, il est nécessaire d’avoir une architecture mondiale améliorée de la dette souveraine avec la participation significative des pays en développement. Enfin la mise en place de plateformes inclusives et efficaces pour concevoir et discuter des règles et normes fiscales internationales aux Nations Unies. En outre, il existe de réels dangers qui représentent une menace grave pour les populations du Sud, en particulier l’accroissement des inégalités, l’extension alarmante de la pauvreté extrême, la prolifération de la menace terroriste, l’incapacité à contenir la propagation d’épidémies et de maladies dévastatrices, les dommages irréversibles causés au climat, à l’environnement et à la biodiversité.

Jouer un rôle significatif dans la résolution des conflits régionaux. Compte tenu de sa doctrine, de sa composition large et diversifiée et du large éventail interculturel qu’il représente, notre Mouvement peut, en effet doit, jouer un rôle significatif dans la résolution d’un certain nombre de conflits régionaux qui constituent une menace sérieuse pour la paix et la sécurité régionales et internationales.

Dans ce contexte, une attention particulière et beaucoup d’énergie doivent être consacrées au continent africain, qui souffre encore de l’exacerbation de conflits régionaux dévastateurs. La république de Djibouti est d’avis que, malgré les nombreux efforts déployés par les pays africains et par d’autres partenaires et institutions, la communauté internationale n’a pas encore été en mesure de trouver des solutions appropriées pour régler ces conflits, d’où l’importance de donner plus de moyens aux organisations régionales et continentales.

Une attention particulière doit être consacrée au continent africain. Tout en saluant l’adoption de la résolution 27/19,  par le conseil de sécurité, relative au financement des opérations de maintien de la paix en Afrique, nous continuons à soutenir qu’il aurait été plus que justifié de financer non pas à hauteur de 75% mais à 100% en utilisant le budget régulier des Nations-Unies. En effet, les évaluations successives de l’union africaine et des Nations-Unies mettent en exergue le fait qu’en raison de la nature changeante des conflits en Afrique, les opérations de maintien de la paix font face à un déficit chronique de moyens financiers et d’équipements. Nous nous félicitons des progrès immenses dans les efforts accomplis par le gouvernement fédéral de la Somalie sur des questions clés  y compris le partage du pouvoir, l’architecture nationale de sécurité révisée et le modèle électorale. Djibouti demeurera un allié fidèle et continuera d’apporter son soutien constant et indéfectible jusqu’à la réalisation de ses objectifs de stabilisation et de développement économique.

Nous exprimons notre préoccupation face aux tensions nées de la signature récente du Mémorandum d’entente entre l’Éthiopie et le “Somaliland“. Djibouti réaffirme son attachement à l’unité, l’indépendance politique et l’intégrité territoriale de la république fédérale de Somalie. Nous appelons à la désescalade et formons le vœu qu’à travers le dialogue et les efforts diplomatiques, une issue favorable sera trouvée.

En ce qui concerne le Soudan, Djibouti se félicite de l’engagement pris par son Excellence le Général Abdel Fattah Al Burhan, président du conseil de transition souverain, en faveur d’un cesser-le-feu inconditionnel, la résolution du conflit à travers un dialogue politique et son engagement à suivre la proposition de l’IGAD de rencontrer le Commandant des forces de soutien rapides. Nous exhortons les acteurs soudanais à honorer  les engagements pris et répondre aux attentes du peuple soudanais. Djibouti en sa capacité de président en exercice de l’IGAD réitère sa disponibilité de tous les instants à travailler aux côtés des acteurs soudanais et de tous les partenaires de la région et d’ailleurs concernés par le conflit au Soudan jusqu’à l’avènement d’une paix durable dans ce pays frère.

Le conflit au Moyen-Orient, une menace sérieuse pour la paix et la sécurité internationales. A cet effet, il est impératif que notre Mouvement utilise tout son poids et son influence dans le conflit au Moyen-Orient qui constitue une menace sérieuse pour la paix et la sécurité internationales, en raison de l’occupation illégale par Israël des territoires Palestiniens et de son agression persistante contre les populations Palestiniennes sans défense. Notamment à Gaza où les bombardements israéliens incessants depuis plus de 100 jours ont fait plus de 24 000 morts dont 70% de femmes et d’enfants. Djibouti salue et soutient la décision courageuse engagée par l’Afrique du Sud contre l’état d’Israël concernant les violations par ce dernier de ses obligations au titre de la convention contre le génocide à l’égard des palestiniens et demandant à la cour internationale de justice de rendre une mesure conservatoire de protection.

Nous devons travailler de toute urgence à mettre fin au blocus de Gaza et appeler à un arrêt total des bombardements des populations civiles innocentes. Pour y parvenir, il est nécessaire de rétablir le dialogue et de revenir à la table des négociations, conformément à la légalité internationale.

Dans ce contexte, nous réaffirmons le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination avec un État libre et indépendant, et Jérusalem Est comme capitale.

Promouvoir le multilatéralisme. Un nouveau monde semble émerger devant nous, apportant avec lui tant d’incertitudes ainsi que des dangers sans précédent auxquels nous devrons faire face. La paix et la sécurité internationales dans ce nouveau contexte ne peuvent être sauvegardées que par une Organisation universelle forte et efficace. C’est pourquoi notre Mouvement doit continuer à exercer tout son poids pour promouvoir le multilatéralisme et maintenir le rôle de l’Organisation des Nations Unies, en soutenant notamment le Secrétaire général, M. Antonio Gutierrez, dans sa quête de solutions pacifiques aux conflits. A ce sujet, Nous devrions continuer à contribuer au débat sur la réforme de l’ONU en général, et du Conseil de sécurité en particulier. La composition actuellement anachronique du Conseil de sécurité et l’absence de représentation de l’Afrique dans la catégorie permanente sont insoutenables.

Le Conseil de sécurité doit être réformé en toute urgence pour refléter les réalités mondiales actuelles, afin de rester pertinent et de maintenir sa légitimité. Ainsi, notre Mouvement doit faire tous les efforts visant à construire un nouveau monde où prévalent les valeurs de la démocratie, ainsi que la sécurité, la justice et la solidarité. En travaillant en vue de cet objectif, nous montrerons à quel point nous sommes fidèles à l’esprit des pères fondateurs de notre Mouvement, et nous gagnerons le respect des générations futures.

Nos pays sont confrontés à des défis colossaux et il est impératif de concentrer nos efforts et nos énergies afin que notre mouvement reste un puissant organe consultatif international, capable d’aider à faire de notre monde un endroit meilleur pour les prochaines générations.