Mohamed Ibrahim Warsama alias Hadrawi, l’homme qui avait donné vie et souffle à la langue somalie au point que celle-ci fait corps aujourd’hui avec son nom – on parle ainsi de la langue de Hadrawi -, n’est plus. Difficile de résumer ici le parcours d’un homme qui, disons-le, avait ceci de particulier qu’il était multiple.

Comment décrire en effet les différentes facettes d’une vie si éparpillée qu’elle confronte à l’impossibilité de rassembler toutes les pièces du puzzle? Qu’écrire pour dire Hadrawi le poète, Hadrawi le philosophe, Hadrawi le chercheur, Hadrawi le linguiste, Hadrawi le militant ?

Essayons d’être simple si tant est que cela peut nous permettre d’éviter de nous perdre dans les méandres d’une existence entièrement dédiée à l’art poétique, au combat pour la liberté, à la conscientisation sur les enjeux liés à la préservation de l’héritage traditionnel et culturel du peuple somali, au dialogue des cultures, à la survie de l’esprit critique face à la montée des nationalismes teintés de chauvinisme parfois xénophobe.

De l’enseignant à l’université de Lafoole au poète dont les chants langoureux ont traversé le temps en marquant les esprits au fil des générations au militant en rébellion ouverte contre le régime totalitaire de Syad Barreh, du philosophe aux accents d’existentialiste au sommet de son art à l’anthropologue éclairé, la nature de touche-à-tout de Hadrawi se révèle à l’aune de son œuvre d’une grandeur exceptionnelle échappant aux catégorisations et aux définitions.

S’il est une chose qui suscite encore aujourd’hui l’unanimité chez les Somalis, c’est bien l’admiration à Hadrawi. Et à son œuvre devenue patrimoine commun de Djibouti à Mogadiscio en passant par Jig-Jiga et Hargeisa. Autant dire que sa disparition représente une très grande perte.

Nous prions le Seigneur de lui réserver une place parmi les vertueux. Ina Lilahi Wa Ina Ileyhi Rajuun !

Isman Omar