C’est en substance ce qu’à déclarer le Président Guelleh lors du forum dans le cadre du 32ème Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP), instance dévolue à la promotion de la bonne gouvernance dans le Continent noir auquel il assisté par visioconférence. Nous vous reproduisons ci-dessous l’intégralité de l’intervention du chef de l’Etat.

Je souhaiterais de prime abord, présenter mes sincères félicitations à notre frère Julus Maada Bio, Président de la République Sœur de la Sierra Léone et Président du Forum Africain d’Évaluation par les Pairs.

Je voudrais, également, le féliciter pour sa proposition, entérinée lors du Forum des Chefs et de gouvernement à la 16e session extraordinaire de l’Assemblée de l’UA, qui vise à nous concentrer sur les défis des changements anticonstitutionnels des gouvernements afin d’en faire, à juste titre, le thème de la 3ème édition du rapport sur la gouvernance en Afrique. 

Sous votre leadership, Monsieur le Président, notre Forum continue à remplir son mandat avec succès et ne cesse de franchir de nouvelles étapes. La gouvernance en Afrique s’est améliorée, telle qu’illustrée par l’adhésion de nouveaux pays au MAEP.

Je saisis, enfin, cette occasion pour remercier, encore une fois, la Mission de revue ciblée conduite par l’Honorable Fatima Karadja, le panel et le secrétariat du Maep ainsi que les partenaires stratégiques. Leurs nombreuses contributions et leur soutien, complétés par les commentaires de mon gouvernement, ont permis la production de ce rapport d’évaluation ciblée relatif à la décentralisation budgétaire qui est devant vous aujourd’hui.

Vous le savez déjà, la décentralisation budgétaire ayant été identifiée comme un défi à relever dans mon pays, avait fait l’objet de la première mission de revue ciblée de notre organe et cela, en janvier 2019.

Découlant d’une volonté politique clairement affichée, la décentralisation n’est point, vous en conviendrez avec moi, une démarche ponctuelle, mais plutôt un long processus destiné à approfondir la dynamique de la bonne gouvernance, de la démocratisation et du développement local.

C’est pourquoi, avant de s’engager sur la voie de la décentralisation budgétaire, bien de préalables indispensables ont dû être mis en œuvre. En effet, dès les premières heures de l’indépendance, la loi constitutionnelle puis l’ordonnance n°77.60 du 23 Novembre 1977 prévoyaient la création de « municipalités et des communautés populaires de base » qui disposaient d’une autonomie administrative et financière. Ensuite, la constitution de septembre 1992, en ses articles 85, 86 et 87, a engagé le processus de décentralisation.

A mon accession à la magistrature suprême, j’ai lancé la première phase dudit processus. Pour ce faire, nous avons instauré un ministère délégué chargé de la décentralisation, qui s’appuyant sur un cadre stratégique de mise en œuvre des processus de décentralisation, a immédiatement procédé à la création des instances locales de gestion appelées « conseils régionaux provisoires ». Dans l’optique de renforcer l’ancrage institutionnel de la décentralisation, nous avons, en 2002, 2005, 2006 et 2011, adopté plusieurs lois portant respectivement sur la décentralisation et le statut des régions, sur le statut spécial de la ville de Djibouti et enfin sur le transfert et la répartition de compétences entre l’État et les Collectivités Territoriales. Un Décret relatif aux Pouvoirs des Préfets a complété ce dispositif institutionnel déjà mis en place.

Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, nous avons organisé des élections régionales et communales en 2006. Cette date historique a marqué une étape importante et décisive dans l’enracinement du processus de décentralisation à Djibouti.  Depuis, des élections régionales et communales sont organisées tous les 5 ans notamment en 2012, en 2017 et en 2022. A l’issue de ces dernières, un certain nombre de compétences, jadis détenues par les représentants de l’État, ont été transférées aux collectivités locales. Il s’agit, entre autres, de l’État civil, des voiries, de la gestion des marchés, de la gestion des cantines scolaires ainsi que la gestion du domaine public etc…

En outre, afin d’assurer à un large éventail de la population l’accès à des services publics, l’État a progressivement déconcentré les services techniques suivants tels que l’éducation, la santé, la promotion du genre, l’ANEFIP, les affaires sociales ou encore l’agriculture, l’Élevage et la Pêche.

Le succès de toutes les avancées que je viens de vous énumérer nous a encouragés à franchir encore une nouvelle étape, celle de la décentralisation budgétaire.

En plus des ressources financières déjà transférées par l’État, nous avons donné aux régions la possibilité de collecter des ressources fiscales et parafiscales à travers la loi des finances de 2017 ; nous avons, également, transféré au profit des régions la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la patente de la classe 9 et 10.

Dans cet optique et en vue d’accompagner les transferts opérés, l’État a, tout d’abord, procédé à une déconcentration de ses services fiscaux à travers l’ouverture des centres régionaux des impôts dans les 5 régions de l’intérieur. Il a, ensuite, mis à la disposition de l’exécutif des régions des agents expérimentés pour établir les recettes.

Il y a lieu de noter que préalablement à la mise en place desdits centres, un recensement de la matière imposable des impôts transférés a été réalisé par les services fiscaux centraux de l’État au niveau de chaque région.

Dés 2018, toutes les régions ont donc pu effectuer des opérations de collecte des impôts taxes.

A cet égard, nous nous réjouissons de constater que la possibilité offerte aux régions de collecter des ressources fiscales et parafiscales leur a été bénéfique. Elles ont, effectivement, vu leurs ressources propres augmenter du fait de l’accroissement des revenus tirés de la matière imposable. Ces ressources sont appelées à devenir de plus en plus importantes au fur et à mesure que le potentiel économique des régions sera valorisé et que la gamme des taxes à collecter sera élargie.

Je dois dire que ce processus a été largement facilité par l’adoption du plan de développement régional (PDR) en 2017. Ce dernier a été le fruit d’un large processus participatif auquel toutes les forces vives de la région ont été associées afin d’avoir une vision partagée des grandes orientations stratégiques du développement de la région pour la période 2021-2025. Il a une triple fonction, notamment une fonction de “réappropriation, une fonction de “restructuration et, une fonction de “référence .Enfin, nous avons doté chaque région d’un PDR quinquennal (2021-2025), adopté par le conseil régional et validé par le préfet de la région.

Les PDR s’inscrivent, par ailleurs, dans la Stratégie de la Croissance Accélérée et de la Promotion de l’Emploi-SCAPE 2015-2019, le premier instrument pour l’opérationnalisation de la “Vision Djibouti 2035”. Ils sont repris et contextualisé dans le nouveau plan de développement 2020-2024 ‘DJIBOUTI-ICI’.

Bien entendu, les défis à relever ne manquent pas.

Je citerai, notamment, des pesanteurs culturelles et administratives auxquelles la décentralisation est confrontée. Les capacités institutionnelles, administratives, humaines et financières des collectivités territoriales sont, également, à renforcer, tout comme la communication en vue d’une meilleure appropriation et participation de l’ensemble des parties prenantes au processus de décentralisation.

Pour conclure, je peux vous assurer que la décentralisation et le transfert des compétences et des ressources vers les collectivités territoriales restent une priorité de la politique de mon gouvernement afin de créer les conditions d’un développement durable et harmonieux sur l’ensemble du territoire national.

A ce sujet, les recommandations de la Mission de revue ciblée sur la décentralisation tout comme celles qui seront issues de ce forum sont les bienvenues et seront mises en œuvre.