Le vibrant discours du président de la république de Djibouti, Ismaïl Omar Guelleh, prononcé à l’ouverture de la réunion du haut comité de l’UA sur la Libye qui a eu lieu jeudi dernier au Congo Brazzaville. Une importante allocution dans laquelle le chef de l’Etat djiboutien rappelle en substance que « le peuple frère libyen qui souffre nous attend » et que notre devise nous dicte que « les problèmes africains doivent être résolus par les Africains ».

De notre envoyé spécial à Brazzaville, Abdourazak Ali Diraneh

((Dès le tout début de la crise en Libye, l’Afrique a été marginalisée et mise à l’écart de tout pourparler. On dit que la nature a horreur du vide et nous, Africains, avons laissé la place à une pluralité d’intervenants extérieurs au continent pensant que c’était une solution. C’est triste mais c’est une réalité à laquelle nous devons faire face. Néanmoins, ces interventions ont montré leurs limites aujourd’hui — Pire ! La crise n’a fait que s’aggraver et la souffrance du peuple libyen perdure à ce jour.  L’Afrique a élaboré une architecture selon laquelle les problèmes africains doivent être résolus par les Africains ; tel a toujours été notre devise. Toutefois, il ya une évidence qui s’impose : la volonté de paix et l’engagement des parties libyennes constituent le moteur de toute solution durable afin de rétablir la paix de Tripoli, à Benghazi, en passant par Tobrouk. Il est donc temps que nous examinions ensemble avec les parties libyennes et les états voisins, qui eux aussi sont touchés, afin  de trouver une sortie de crise pacifique qui met fin à ce processus infernal et tragique. Toutefois, l’harmonisation des positions  des uns et des autres doit se faire au sein des organes de l’Union, notamment le Conseil de Paix et Sécurité et la Conférence des Chefs d’Etats sur la base des principes et valeurs de notre organisation.

« Les problèmes africains doivent  être résolus par les Africains » Ismaïl Omar Guelleh, président de la République

La vision africaine du règlement de cette crise se décline, selon nous, en trois points :

– Un cessez le feu ;

– Le  strict respect de l’embargo sur les armes ;

– Des concertations nationales suivies d’élections libres et transparentes.

Cette approche repose sur les principes du protocole établissant le conseil de paix et sécurité, notamment le règlement pacifique des disputes et conflits ainsi que la non-ingérence dans les affaires internes d’un Etat membre.

Ensuite, il est indispensable que nous définissions la stratégie par laquelle nous souhaitons mettre en œuvre cette position africaine. Il s’agit notamment des modalités de coordination et de coopération avec l’Organisation des Nations Unies, les Etats voisins – notamment dans le cadre du processus de Nouakchott – et les partenaires internationaux. 

Par ailleurs, il est nécessaire que nous nous accordions sur les leviers de notre engagement pour la paix et la sécurité, afin de parer aux cas où certains acteurs ne respectent pas les principes susmentionnés.

Enfin, nous devons ajuster le dispositif institutionnel sur place non seulement afin de mettre en œuvre ladite position africaine, mais également en vue de la confirmer. Pour cela, il faut que le dispositif déployé soit optimal et évite toute redondance avec un processus de prise de décision clair à chaque échelon : c’est-à-dire de l’envoyé spécial de l’Union Africaine, au panel de haut niveau, au Conseil de Paix et Sécurité et enfin à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.

Le peuple frère libyen qui souffre nous attend

Par ailleurs, il est impératif que les acteurs africains déployés bénéficient des ressources adéquates – humaines comme financières – et de mécanismes flexibles dans le cadre des règlements de l’Union. L’affirmation d’une position africaine sur la crise libyenne ne se fera pas sans un coût financier conséquent.

Alors que le Fonds sur la Paix sera bien opérationnel, je voudrais proposer que le financement d’une mission politique de l’Union Africaine pour la Libye constitue le premier terrain de son opérationnalisation. D’une part, cela attestera de notre détermination auprès des acteurs libyens et des partenaires internationaux. D’autre part, ce serait la meilleure illustration de notre engagement pour une solution politique à cette crise qui affecte l’ensemble de la région sahélo-saharienne.

Le monde nous observe. L’Afrique nous regarde. Mais surtout le peuple frère libyen qui souffre nous attend. Huit ans après le déclenchement de la crise libyenne, nous n’avons plus d’excuse. Nous sommes témoins chaque jour des conséquences et des avatars de la crise libyenne dans plusieurs pays frères,  notamment le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et le Soudan. La crédibilité de notre architecture de paix et sécurité dépend de notre volonté collective d’y apporter des solutions idoines et efficaces)).