Au lendemain de leur élimination lors des séries qualificatives du 5000 mètres, les athlètes djiboutiens Mouhyadin Abdi et Mohamed Ismail, alias Fatah, sont restés silencieux, l’esprit lourd après avoir pris connaissance d’un article critique paru dans le quotidien La Nation. Le titre « Comment expliquer la débandade de nos deux athlètes à l’épreuve des 5000m ? » continue de résonner dans leurs têtes. Un mot en particulier, « débandade», leur semble trop dur, presque injuste. La controverse suscitée par cet article a enflammé les réseaux sociaux, divisant l’opinion publique en deux camps. Reportage.

C’est ici, dans le village olympique de Seine-Saint-Denis, une petite ville éphémère sortie de terre pour ces Jeux, qu’athlètes et entraineurs partagent leur quotidien depuis plus d’une vingtaine de jours. En ce vendredi, au pied de leur bâtiment, les deux jeunes athlètes djiboutiens, entourés de leur staff, oscillent entre la défiance et la déception. Fatah, pourtant champion d’Afrique en titre, est visiblement marqué. « C’était ma première participation aux Jeux Olympiques », murmure-t-il, les yeux rivés sur le sol. « Je savais que ce serait difficile, mais je n’avais pas anticipé cette pression… et maintenant, lire que c’était une “débandade”, c’est dur ».

Mouhyadin, plus réservé, tente de mettre des mots sur son état d’esprit. « Je comprends que les attentes étaient élevées, mais il faut aussi comprendre que c’est notre première fois à ce niveau. Nous avons donné tout ce que nous pouvions sur la piste », confie le jeune Mouhiyadine.

Pour lui, l’article publié par La Nation a accentué un sentiment d’échec déjà difficile à gérer. « On a besoin de soutien, pas d’être abattus par des mots qui nous font nous sentir encore plus petits ».

Les encadreurs en soutien

Aïcha Ali Garad, présidente du Comité Olympique Djiboutien, adopte un ton protecteur envers ses athlètes. “Participer aux Jeux Olympiques est déjà une immense réussite en soi. Certes, ils n’ont pas remporté leur série, mais ce sont des expériences comme celles-ci qui forgent de futurs champions », souligne Aïcha, membre du comité exécutif du CIO.

Pour elle, les critiques, même constructives, doivent être mesurées. « Le terme “débandade” me paraît exagéré. Nous devons être prudents dans nos choix de mots, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes athlètes qui sont encore en train d’apprendre et de grandir ».

Elle insiste sur l’importance du soutien moral et exprime sa profonde gratitude envers le président Guelleh, sans l’appui duquel nos athlètes n’auraient jamais eu la chance de participer à ces Jeux Olympiques. «Ils ont besoin d’encouragements pour continuer à se surpasser. Un article tel que celui de La Nation, s’il manque d’équilibre, peut saper leur motivation. Nous devons également réfléchir à l’impact de ces mots sur les futurs athlètes, ceux qui, en voyant cela, pourraient douter de leur capacité à affronter la critique ».

Polémique sur les réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux, la réaction à cet article a été immédiate et divisée. D’un côté, certains ont dénoncé la sévérité des termes employés, soulignant l’impact psychologique que de telles critiques peuvent avoir sur de jeunes sportifs. « NON ! Je ne suis d’accord avec cet article à Charge. NON ! Nos athlètes ne sont pas nuls. Bien Au contraire, ils disposent d’un potentiel exceptionnel. La preuve est qu’ils sont déjà détenteurs de titre continental ou international », fustige le ministre Ilyas Moussa Dawaleh.

« Nos athlètes méritent qu’on les traite mieux et avec tout le respect qui se doit. Je suis très effaré par le contenu de l’article de La Nation ainsi que par le ton employé », s’indigne de son côté Alexis Mohamed.

« Dire que c’est ‘une déception pour tout un peuple’ est extrêmement lourd à porter pour deux jeunes à leur premier JO. Où est la reconnaissance des efforts qu’ils ont consentis ? », s’interroge un autre internaute.

Dans les rues de Djibouti, Mohamed Ahmed, employé de banque, fustige lui aussi son désarroi : « Ces jeunes méritent notre respect, pas des critiques qui les démoralisent. Oui, il est important de parler des erreurs et des points à améliorer, mais il faut aussi reconnaître qu’ils ont concouru contre les meilleurs du monde et que c’était leur première fois. La critique doit être constructive, pas destructrice. »

À l’opposé, d’autres voix se sont élevées pour féliciter l’auteur pour avoir traité le sujet avec une rigueur journalistique. « À mon avis, c’est l’un des meilleurs papiers journalistiques que j’ai pu lire ces derniers temps dans La Nation », commente Ibrahim Miyir Ali, éditorialiste politique. « L’intention du journaliste n’était pas de dénigrer nos athlètes mais d’ouvrir un débat constructif sur les moyens d’améliorer le soutien qui leur est apporté, tant sur le plan physique que mental.»

Une leçon pour l’avenir

L’attention se tourne désormais vers Ibrahim Hassan, dit Ogass, qui portera les espoirs du pays lors du marathon du 10 août. Un dernier sursaut pour Djibouti dans ces Jeux, mais aussi une chance pour montrer que, malgré les revers, la détermination demeure intacte.

Au-delà de la performance, c’est une leçon d’humanité qui se dégage de cette expérience. Les athlètes sont avant tout des jeunes en quête d’expérience, de réussite, et de soutien.

Leurs échecs ne sont pas des défaites, mais des étapes d’un long parcours semé d’embuches. Leurs rêves ne devraient en aucun cas être brisés par des mots, mais portés par la force d’une nation qui croit en eux, aujourd’hui et demain.