« Notre objectif est de faire progresser les connaissances et les compétences dans le domaine des épidémiologies, (…) et d’entreprendre des actions intersectorielles susceptibles d’améliorer l’état de santé et le bien-être de la population »

Après un diplôme de Doctorat en médecine générale en 2008, Dr. Farhan Ali Mohamed a occupé plusieurs postes de responsabilité au sein du ministère de la santé dont notamment dans les services des urgences des hôpitaux de la capitale, du centre médical hospitalier d’Arta et de plusieurs centres de santé communautaire. Homme de terrain, il a contribué durant sa vie professionnelle à l’amélioration de l’accès aux soins de santé dans les zones éloignées et d’accès difficiles. Il a participé aussi à l’élaboration des plans nationaux stratégiques de la santé, à la redynamisation du système de surveillance des maladies évitables et a été également coordinateur du programme élargi de vaccination et celui de la lutte contre la tuberculose avant d’être nommé en décembre 2019, directeur général par intérim de l’institut national de la santé publique de Djibouti. De nature modeste et mesuré,  Dr. Farhan Ali a bien voulu répondre à nos questions, pour nous donner des détails sur les missions de ce service peut connu par les djiboutiens. Dans cette interview, le docteur a bien voulu nous faire part du rôle de son institution dans le cadre de la lutte contre la pandémie du COVID-19 et le protocole concernant la toilette mortuaire de gestion des dépouilles des des décès  victimes de la maladie de ce virus.  Entretien….

La Nation : Quelles sont les domaines d’intervention de l’INSPD ?

FAM : Comme vous le savez, l’Institut National de Santé Publique de Djibouti (INSPD) est une institution du ministère de la santé dont l’objectif est de faire progresser les connaissances et les compétences dans le domaine des épidémiologies, de proposer des stratégies en cas d’épidémie ou de pandémie,  d’entreprendre des actions intersectorielles susceptibles d’améliorer l’état de santé et le bien-être de la population. En ce sens, nous luttons non seulement contre les insectes qui nuisent la santé de nos concitoyens comme par exemple les mouches et les moustiques en organisant durant les saisons de leurs proliférations des campagnes de pulvérisations d’insecticides, comme celle que nous avons organisé récemment dans la capitale et dans les régions de l’intérieur de notre pays; mais nous participons également au recueil, au traitement et à la diffusion des données sur l’état de santé de la population à des fins épidémiologiques, en s’appuyant notamment sur les observatoires régionaux de santé et des correspondants publics et privés constituant le réseau national de santé publique. L’INSPD est aussi chargé de rassembler, analyser et actualiser les connaissances sur les risques sanitaires, leurs causes et leur évolution; de détecter les facteurs de risque susceptibles d’altérer la santé de la population; d’étudier et de répertorier, pour chaque type de risque, les populations les plus menacées. II contribue également à la gestion des situations de crise sanitaire, l’évaluation de l’impact des stratégies vaccinales, la surveillance des infections alimentaires et parasitaires, en coopération avec le département concerné. Concernant la santé environnementale, l’INSPD contrôle l’hygiène des produits destinés à la consommation humaine, la participation à la prévention et la lutte contre les effets des inondations et les pollutions de l’atmosphère, des sols et des mers. Nous veillons également à la salubrité de l’assainissement. Pour ce qui est du règlement sanitaire international, dont nous avons la charge d’assurer son application, nous délivrons non seulement des carnets de vaccination internationale aux voyageurs djiboutiens mais nous mettons en place des équipes de notre institution pour contrôler au niveau des différents points d’entrée du pays, la validité des carnets de vaccinations et de les vacciner, les voyageurs qui arrivent dans notre pays.    

Et dans le cadre de la lutte contre l’actuelle pandémie du COVID-19, quel est le rôle de votre institution ?

Dans notre mission de suivi de toute épidémie se déclarant aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, nous avons, dès les premiers jours de la détection du COVID-19 en Chine, adopté des mesures visant à protéger notre population contre une contamination venant de l’extérieur. En ce sens, nous avons mis en place au niveau des frontières terrestres, aériennes et maritimes de notre pays, des sites de quarantaine et de contrôle sanitaire. Dans le cadre proprement dit, de la lutte contre la propagation du COVID-19 dans notre pays, nous avons la charge du ‘‘design’’ des mesures de prévention au sein des structures sanitaires, des activités de désinfections de lieux publiques et des sites en charge des malades du COVID-19, le suivi des passagers des vols à risque et ceux des rapatriements, la gestion des déchets médicaux à risque et celle des enterrements des victimes du COVID-19

En ce qui concerne les enterrements des victimes du COVID-19, quel est le protocole prévu dans ce cas ?

 La dépouille de la victime est prise en charge par des agents revêtus des équipements de protection individuelle. Ces agents collectent tous les éléments qui étaient en contact avec la victime, c’est-à-dire, les vêtements, les draps, le coussin, …etc, pour les placer dans la filière des déchets à risque infectieux. Il procède par la suite à la toilette mortuaire. Le rituel du lavage du corps doit être supervisé par l’équipe de gestion de décès. La personne chargée du lavage de la dépouille est équipée d’une protection complète et étanche à l’eau. Les équipements de protection individuelle (tenue complète) doivent être portés pendant toute la procédure jusqu’à ce que la dépouille soit mise dans le sac mortuaire. Nous admettons la présence active d’un ou deux membres désignés par la famille, et nous l’équipons comme le personnel en charge du rituel lavage. Le corps après lavage est placé par la suite dans le drap mortuaire puis dans un sac mortuaire étanche et hermétiquement clos. Puis dans un autre sac mortuaire et pour finir dans un cercueil. L’équipe de gestion de l’enterrement doit veiller à ce qu’il soit rapide et sécurisé. Le corps doit être enterré à la profondeur habituelle dans un endroit surveillé et sécurisé du cimetière.

Nous procédons par la suite à la désinfection du local de lavage de la dépouille, du chariot de transfert et du véhicule qui a servi le transfert de la dépouille jusqu’au cimetière. Tous les objets appartenant au défunt sont à leurs tour désinfectés et/ou incinérés (habits souliers, babouches, chapeau, porte feuille en cuir etc.)

Un mot pour conclure ?

La santé publique est une priorité pour le gouvernement et plus encore pour le ministère de la santé. Parmi les déterminants de la santé publique, l’effort collectif et individuel pour trouver les moyens les plus opportuns d’anticiper sur les évènements est un maillon très important. C’est pour cela que la population joue un grand rôle dans la surveillance, l’alerte et la déclaration des maladies. Mais aussi ce sont des acteurs clés dans le développement des stratégies de la santé publique et c’est avec l’implication et la participation active de la population que nous pouvons tous ensemble réussir, à vaincre et à lutter surtout contre les maladies infectieuses y compris celles causées par les vecteurs comme les moustiques. L’hygiène est fondamentale dans nos quotidiens et de nos modes de vies. Il faudrait que la population s’implique à l’hygiène individuelle et collective pour éviter la formation des poubelles et des gites larvaires, essentielles dans le cycle de production et de prolifération des moustiques et des mouches. Concernant la lutte contre la pandémie du COVID 19, la population doit assumer sa responsabilité, car même si nous sommes en période de déconfinement, le virus est toujours là, donc il ne faut pas négliger l’application des gestes barrières, le port de masque est aussi très important ainsi que la distanciation d’au moins 1 mètre et demie. En cas de symptômes, restez en isolement surtout éviter de vous rapprocher aux personnes fragiles et vulnérables, telles que les personnes âgées et les personnes vivant avec des maladies chroniques.

Interview réalisée par Rachid Bayleh