Derrière ses lunettes rondes, calées sur la largeur de son visage, l’homme ressemble, au premier coup de regard, à un conférencier international tout droit venu d’une université californienne. Mais, détrompez-vous, il n’en est pas un. Natif de Djebel, un des plus vieux quartiers de la capitale djiboutienne, Moustapha Hassan Ahmed, père de famille, est un cadre de l’administration générale ; il est conseiller du ministre de l’agriculture. Sa passion : aider son prochain, surtout les jeunes diplômés de son quartier à la recherche d’emplois. Un défi énorme qu’il compte relever avec l’aide de ses amis. Tout au long de cet entretien, vous découvrirez l’organisation stratégique qu’il compte mettre sur pied pour réussir ce pari. « Il n’y a pas plus noble et plus juste que d’aider son voisin le plus proche, celui-là même qui est né et a grandi tout près de chez toi. Il faut cultiver cette approche et y croire », confie-t-il en sirotant son verre de café bien chaud. Entretien.
Faites-nous d’abord une brève présentation de votre personne.
Moustapha Hassan Ahmed : Je suis un fonctionnaire de l’Etat au parcours assez varié. Après une première expérience significative dans l’enseignement technique et secondaire (professeur en génie mécanique au lycée industriel et commercial), j’ai évolué vers l’enseignement supérieur en tant qu’enseignant assistant en génie industriel à l’Institut Universitaire de Technologie Industriel de Djibouti. Actuellement, je suis conseiller du ministre de l’Agriculture, de l’Eau, de la Pêche, de l’Elevage et des Ressources Halieutiques. Je suis donc un fonctionnaire de l’Etat.
Mais en plus d’être un fonctionnaire de l’Etat, vous êtes très actif dans le milieu social. Tenez, par exemple, vous aviez récemment organisé une rencontre inédite chez vous, dans votre quartier natal, Djebel. Quelle était son objectif ?
Il est vrai que je suis actif et très présent dans ce domaine, mais permettez-moi de souligner que mon action s’inscrit dans une dynamique de groupe, notamment dans notre quartier natal : Djebel. Si je reviens à votre question, il s’agissait d’une rencontre initiée en collaboration avec mes amis, en vue de réunir le temps d’un après-midi les cadres du quartier, nos jeunes diplômés à la recherche d’emplois et quelques invités externes. L’objet de cette rencontre de consultation et de réflexion prospective qui constitue la première étape d’un long processus était d’identifier et d’évaluer les besoins en accompagnement local (c’est-à-dire à l’échelle du quartier) de nos jeunes diplômés dans leur quête d’emplois.
Quand vous dites cadres, vous parlez de directeurs, députés, ministres, etc., issus du quartier ?
En fait, nous avons certes un ministre et un député, mais nous en sommes restés pour l’instant aux autres cadres de l’administration et du privé (directeurs, conseillers, etc.) Pourquoi alors avons-nous organisé cette réunion ? La problématique de l’emploi est une question prégnante à Djibouti et il ne s’agissait en aucun cas de proposer une solution miracle toute faite à nos jeunes. Effectivement, nous voulons qu’ils aient tous des jobs mais pour atteindre cet objectif, nous voulons d’abord identifier les mécanismes organisationnels à mettre en place localement afin que les cadres de ce quartier participent et s’impliquent davantage pour accompagner leurs jeunes diplômés dans leur recherche d’emploi.
C’est quoi des mécanismes organisationnels ?
Quand j’évoque « des mécanismes organisationnels », je fais allusion aux futures dispositions d’appui (des outils, supports, technique de travail, etc.) à nos jeunes diplômes du quartier.
L’insertion des jeunes est un parcours semé d’obstacles et ponctué d’étapes et non un état que l’on atteint une fois pour toutes. Ainsi comprendriez-vous que cette rencontre était une occasion de discuter avec les jeunes diplômés de notre quartier, connaitre leurs ambitions, comprendre leurs difficultés et leur redonner confiance en tant qu’ainés. Aussi en tant qu’intervenants étaient invités notamment à cette rencontre Mr Abdihakim Ismail Ibrahim (cadre de l’ANEFIP) et M. Abdourazack Osman (président de l’association des jeunes diplômés bénévoles du quartier 7 bis) qui ont respectivement présenté « un état de lieux des différentes dispositifs existant à l’échelle national et découlant de la politique nationale d’insertion des jeunes diplômes » et « l’expérience réussie et riche en capitalisation des connaissances de l’association des jeunes diplômés bénévole du quartier 7 bis ».
Pour toutes ces raisons, les dispositifs d’appui à l’insertion des jeunes proposent des services très variés, d’orientation, de conception et d’appui au projet professionnel, de mise en œuvre et d’accompagnement de ce projet, recherchant au-delà de la simple qualification technique du jeune, sa construction personnelle en tant qu’adulte autonome dans ses démarches vers la formation et l’emploi.
Avez-vous identifié des pistes pour aider et accompagner ces jeunes ?
Effectivement. Cette première rencontre nous a permis de dégager quelques pistes et actions de réponse qui seront articulées sur deux phases.
Ainsi, à courte terme, nous nous sommes accordés de :
– Constituer une base de données numériques
de l’ensemble des jeunes diplômes du quartier de Djebel
– Mettre rapidement à disposition des jeunes diplôme un espace de travail coopératif de proximité (un local et du matériels informatiques)
– Mettre en place une structure amicale regroupant l’ensemble des jeunes diplômes et des cadres de ce quartier
Ensuite, nous entamerons la seconde phase.
En quoi consiste donc cette seconde phase ?
Une fois que cette structure amicale dont la mission principale est de faciliter, d’améliorer et d’accompagner l’insertion professionnelle des jeunes diplômes du quartier sera créé la seconde phase qui consistera à décliner la stratégie de cette dernière à travers un programme d’actions réelles pour que cette amicale joue pleinement son rôle de futur acteur locale à la recherche d’emploi de nos jeunes.
Comme par exemple des activités de diagnostic et projet professionnel du jeune, de formations sur les techniques de recherche d’emploi et mise à disposition d’outils, de suivi et accompagnement des jeunes, d’animation d’un réseau d’anciens.
Et surtout de référencement, développement d’un réseau et orientation vers des dispositifs existants d’aide à la création d’entreprise. Notre pays, comme vous le savez, offre des larges opportunités pour encourager nos jeunes à se lancer dans les affaires et devenir ainsi créateur d’emploi. C’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement a mis en place le Centre de Leadership et de l’Entrepreneuriat (CLE) ou encore le Fond de Garantie partielle des Crédits de Djibouti (FGPCD).
Mais ils ne peuvent tout de même pas devenir tous des entrepreneurs ?
Ils ne peuvent pas non plus tous devenir des employés de l’Etat. A vrai dire, le but ultime de notre accompagnement n’est pas de les inciter à devenir ce qu’ils ne veulent pas. Notre seule volonté consiste à identifier toutes les opportunités qui leur sont offertes et à examiner toutes les pistes pouvant faciliter leur insertion professionnelle.
Entretien réalisé par AAD pour La Nation