Face à l’aggravation de l’insécurité alimentaire et aux effets du changement climatique, le partenariat entre l’Inde et l’Afrique dans le domaine agricole prend une importance capitale. Bien que l’agriculture occupe 65 % de la population active africaine, sa contribution au PIB reste faible (15 %). Paradoxalement, l’Afrique importe chaque année pour environ 50 milliards de dollars de denrées alimentaires, une facture qui pourrait dépasser 100 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, notamment à cause de phénomènes climatiques extrêmes qui nuisent gravement aux rendements agricoles.

Pour répondre à ces défis, l’Union africaine (UA) et la Banque africaine de développement (BAD) ont mis en place des initiatives majeures telles que l’initiative « Nourrir l’Afrique », qui ambitionne de transformer l’agriculture en secteur dynamique, de valoriser les produits de base et de libérer un potentiel agroalimentaire de plus de 100 milliards de dollars. Elle vise aussi à sortir 320 millions de personnes de la faim. À cela s’ajoute le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) de l’Agenda 2063, qui promeut une gestion durable des ressources naturelles, l’accès aux marchés, l’augmentation de la disponibilité alimentaire et le progrès technologique.

Dans cette dynamique, l’Inde joue un rôle clé. Grâce à des accords bilatéraux, New Delhi soutient le développement agricole africain par des prêts concessionnels, des transferts de technologie, de la formation et des investissements privés. Des exemples concrets illustrent cette coopération : l’Angola a bénéficié d’une ligne de crédit de 23 millions de dollars pour acquérir des tracteurs et créer un centre d’incubation d’entreprises alimentaires ; le Zimbabwe a mis en place un parc technologique rural et un centre de formation ; le Lesotho et le Malawi ont reçu respectivement 5 et 1 million de dollars pour l’achat d’équipements agricoles et la création de centres de transformation.

Le secteur privé indien est également actif. Surface Wilmar, coentreprise entre la société indienne Midex Global Pvt. Ltd. et l’IDC du Zimbabwe, a investi 1,5 million de dollars pour construire une usine de production d’huile alimentaire, aujourd’hui la plus grande d’Afrique australe. Des géants comme ETG (Export Trading Group) sont présents dans plusieurs pays africains (Tanzanie, Kenya, Malawi, Mozambique, Nigéria, Afrique du Sud) pour développer les chaînes de valeur agricoles. D’autres entreprises comme Varun Beverages, Raha Cooking Oil ou Asian Tea Company investissent massivement dans la transformation agroalimentaire.

Par ailleurs, l’Inde s’engage aussi par l’aide humanitaire et la coopération trilatérale avec des acteurs internationaux tels que l’USAID, le DFID et la FAO. Lors de périodes de sécheresse, le Zimbabwe, le Malawi ou la RDC ont reçu des aides alimentaires et du matériel agricole. L’envoi d’experts agricoles au Lesotho pour renforcer la sécurité alimentaire et la planification de l’irrigation illustre également ce soutien technique.

L’autonomisation des femmes constitue une autre facette importante de cette collaboration. Des ONG indiennes, comme SEWA (Self-Employed Women’s Association), partagent leur expérience pour renforcer la résilience des femmes africaines en adaptant des modèles de développement rural éprouvés en Inde.

Avec une population en pleine croissance, le marché alimentaire africain pourrait atteindre 1000 milliards de dollars d’ici 2030 et la demande alimentaire pourrait doubler d’ici 2050. Le partenariat Inde-Afrique offre donc un potentiel immense pour développer la mécanisation, la transformation, l’irrigation et la recherche agricole. L’approche indienne dite « 3A » (technologies Abordables, Appropriées et Adaptables) apparaît comme une solution concrète pour relever ces défis, tout en intégrant les petits exploitants agricoles dans des chaînes de valeur modernes et en réduisant les pertes après récolte.

En unissant leurs efforts, l’Inde et l’Afrique peuvent exploiter pleinement ces opportunités, assurer la sécurité alimentaire et transformer l’agriculture en moteur de croissance durable pour des millions de personnes sur les deux continents.