Les flots d’immigrants clandestins en provenance de l’Ethiopie voisine et circulant sur la RN1 ont pris des proportions alarmantes au cours de ce  mois béni de ramadan.

Déjà, auparavant, pas un seul jour de l’année ne se passe sans que des candidats à la recherche d’une vie meilleure loin de leur terre natale ne circulent à travers les différentes parties des régions de notre pays.

Croyant que tous s’arrêteront dans la capitale, Djibouti, certains compatriotes se demandent : Quand Djibouti se remplira ? En répétant en langue locale : « Djibouti Moucwayne » littéralement traduit veut dire : « Djibouti à la grande capacité d’accueil  des populations flottantes ».

D’autres leur répliquent : « Tous ne s’arrêteront pas dans notre pays. Djibouti n’est qu’un point de passage  vers leur destination tant convoitée ».  

                   

Voyage sans provisions     

Des migrants souvent adolescents ou âgés de moins de 30 ans  marchent par petit groupe de cinq à huit souvent la nuit tombée.. Mais il n’est  pas rare de les  croiser durant la journée en route vers Djibouti dans le secteur du Grand-Barra. Equipés tous d’une seule bouteille d’eau comme provision de voyage. Pour eux, l’essentiel étant de ne pas mourir de soif dans l’immédiat avant d’atteindre leur destination finale, les pays du Golfe ou Djibouti même, semble-t-il. La peur de traverser un pays inconnu les tenaille en permanence. Malgré la fatigue, la faim et le manque d’hygiène qui les terrassent, rien ne semble venir à bout de leur détermination. Cette volonté farouche qui les anime est inébranlable. Elle les a mis en route à pied dans un voyage à haut risque et surtout sans provisions. Au poste frontalier de Guélileh et au Grand-Barra, des agents de l’Organisation Internationale des Migrants (OIM) sont postés et tentent de les recenser, apparemment ceux qu’ils croisent dans leur passage.

Durant ce mois béni de ramadan, ils reconnaissent que le nombre des migrants clandestins a visiblement augmenté.

Parfois, certains d’entre eux se trompent de route, il est possible de les voir traverser la ville d’Ali-Sabieh. Ils ne demandent qu’à boire et manger. Une fois bien rassasiés, ils reprennent le chemin de leur rêve. S’exprimant en leur langue, en oromo,  ils te questionnent. On ne comprend que les mots prononcés : « Tadjourah, Obock ». Certainement, ils veulent rejoindre une de ces villes côtières au nord du pays pour embarquer vers les pays tant rêvés, Arabie-Saoudite ou les émirats de la péninsule arabique.

Souffrance humaine. En cette période caniculaire de début de saison chaude, certains d’entre eux sont effrayés par cette chaleur infernale du pays à traverser. Comme Chimalis, âgé de moins de vingt ans, qui attend sous l’arbre d’un acacia au bord de la RN1 avec ses compagnons d’infortune que le soleil s’incline davantage pour continuer leur voyage.

Venus d’une des zones agricoles sises aux  confins des hauts plateaux de leur pays, l’Abyssinie, ces immigrants sont loin de la fraicheur habituelle de leur quotidien. Ils affirment avoir piétiné  onze jours et onze nuits consécutifs pour en arriver là.

A la question : où allez-vous ? Ils répondent tous vouloir se rendre dans la péninsule arabique. Pourquoi ?  Pour travailler là-bas et  se faire plus tard une vie meilleure dans leur village d’origine. Ni la guerre au Yémen ni la souffrance humaine ne les dissuadent à rester au bercail.

Qui vous a dit que dans ce pays du golfe ou à Djibouti, il y a beaucoup d’argent à gagner facilement ?

Probablement, un mythe est fixé dans leur pensée. La réussite de certains de leurs  aînés qui s’étaient installés à Djibouti ou dans les pays du golfe au cours des années 80 et 90

Une de leur compatriote installée sur la terre des assajogs depuis très longtemps reconnait avec conviction  ainsi: la réussite de leurs aînés les incite à se jeter sur les routes dangereuses de l’immigration clandestine.

Bizarre ou paradoxe, il n’est pas impossible de croiser sur la RN1 quelques uns d’entre eux circulant en sens inverse et tentant de retourner en Ethiopie toujours en piétinant.

Toutefois, Chimalis et ses amis affirment qu’au cours du mois de jeûne de ramadan les frontières des pays tant rêvés ne sont pas du tout surveillées.

Encore une hypothèse plausible qui explique leur nombre croissant en cette période actuelle.

Ali Ladieh