L’endométriose est une maladie méconnue des professionnels de santé, trop souvent sous-diagnostiquée et assez mal prise en charge. Cela conduit à une errance constatée des patientes, qui peut durer plusieurs années avant la détermination d’un diagnostic, le traitement de la douleur ou l’assistance à la procréation. Pour en savoir plus nous avons tendu le micro à Docteur Waberi Fatah Djama, gynécologue obstétricien.
La Nation : Qu’est-ce-que l’endométriose ?
Docteur Waberi Fatah Djama : C’est une maladie gynécologique fréquente mais encore mal connue. Elle est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Différents organes peuvent être touchés. La plus connue est l’endométriose pelvienne.
Quelles sont ses symptômes ?
Les plus fréquents symptômes sont les douleurs. Des douleurs (dysménorrhée) qui viennent pendant et après les règles, douleurs pendant les rapports sexuels (dyspareunie), douleurs pelviennes fréquentes, défécation douloureuse, difficulté pour uriner (dysurie), abdominales (ombilicales), douleurs pelviennes pouvant irradier jusque dans la jambe (cruralgie), etc.
Comment cette maladie est-elle diagnostiquée ?
Le diagnostic est difficile mais il y’a l’échographie qui permet de visualiser les organes internes du petit bassin et d’identifier le plus souvent les éventuels kystes d’endométriose siégeant sur les ovaires. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui peut aider à identifier les foyers d’endométriose qui se développent par exemple dans les ligaments de soutien de l’utérus ou dans la paroi musculaire utérine (adénomyose) et dans les autres organes du ventre (vessie, colon). Dans le cas d’une endométriose, l’IRM permet de détecter des kystes, des nodules ou des lésions.
Cependant, la méthode de référence pour le diagnostic de l’endométriose est l’examen direct de la cavité abdominale à l’aide d’un endoscope (examen appelé laparoscopie). Il s’agit d’une technique chirurgicale, mini-invasive, car elle permet à la fois le diagnostic (visualisation des lésions et prélèvement des biopsies) et de réaliser des interventions chirurgicales curatives assez poussées. Elle consiste à introduire, via un petit tube qui passe par le nombril, une petite caméra et différents instruments (incisions de 5 à 10 mm).
La laparotomie est encore utilisée mais il s’agit d’un acte chirurgical complet qui consiste à ouvrir l’abdomen par une grande incision verticale ou horizontale afin d’accéder à la cavité abdominale. Longtemps utilisée dans le cadre du traitement chirurgical de l’endométriose, la laparotomie a progressivement cédé la place à la cœlioscopie. D’autres examens peuvent être prescrits pour explorer plus spécifiquement diverses portions des intestins, des voies urinaires ou même du thorax.
Peut-on guérir de l’endométriose ? Est-ce une maladie grave ?
Il n’existe pas aujourd’hui de traitements définitifs de l’endométriose, même si l’hormonothérapie et/ou la chirurgie peuvent endiguer l’évolution de cette maladie durant plusieurs années selon les cas.
Si dans de rares cas d’endométriose à un stade infime, une femme peut vivre sans aucun traitement particulier, la plupart du temps un suivi médical au long cours est nécessaire, même pour une endométriose superficielle. L’endométriose diminue et disparaît généralement après la ménopause, mais doit tout de même être surveillée surtout quand des traitements hormonaux de substitution sont mis en place à la ménopause.
En fait, l’endométriose est une maladie hormono dépendante… il convient donc de priver l’organisme de l’hormone qui va nourrir les cellules d’endomètre : l’oestrogène. Aujourd’hui, les spécialistes s’accordent pour dire que le traitement de base consiste à empêcher la survenue des règles : c’est la mise en aménorrhée (absence de règles qui n’a rien à voir avec la ménopause artificielle). Pourquoi supprimer les règles ? Car les lésions d’endométrioses disséminées sur les organes vont saigner en même temps que les règles et créer de micros hémorragies dans le ventre. Ainsi, donner une pilule en continu ou poser un stérilet libérant des hormones permet à certaines femmes de ne plus souffrir et de vivre normalement.
Lorsque cela ne suffit pas, il convient d’entamer des cures de ménopause artificielle (injection d’analogues de la GN-Rh) plus ou moins longues que l’on prendra soin de doubler d’une “add back therapy” pour pallier les effets secondaires liés à la ménopause (douleurs osseuses, bouffées de chaleur, sécheresse de la peau, trouble de l’humeur…). Il s’agit de réintroduire un peu d’œstrogène, sous contrôle médical, pour éviter une privation trop brutale pour l’organisme.
Ce traitement met en ménopause artificielle car il supprime l’ovulation directement au niveau de l’hypophyse. Ce médicament n’est pas disponible à Djibouti mais dans certains pays c’est l’assurance maladie qui paye ce traitement.
L’endométriose n’est pas une maladie mortelle, mais c’est une des premières causes d’infertilité féminine. Il existe une quantité infinie de nuances dans la maladie. Certaines femmes auront une forme pas trop agressive, elles pourront avoir des enfants, et ne souffriront pas particulièrement.
Avez-vous déjà diagnostiqué cette maladie chez une patiente djiboutienne ?
Oui, on voit beaucoup de femmes qui ont des kystes endométriosiques. J’ai même trouvé des kystes endométriosiques sur les seins mais je n’ai vu qu’une seule femme qui avait un récidive.
En tout cas, je dirai que même si cette maladie n’est pas grave, il est préférable de consulter un gynécologue quand vous ressentez des douleurs surtout après les règles.
Propos recueillis par Asma Kayd