Un homme en treillis militaire, à la main un texte, lit devant un auditoire scolaire. Il a abandonné son équipement militaire le temps d’un échange avec des élèves avides de connaissances, le temps d’une lecture, le temps d’un voyage gratuit, non moins sensationnel qu’un tour de manège de Fan City ou ce qu’il en reste. Ca se passe à Dikhil.

L’image étonne, interpelle, interroge notre rapport à la lecture, à l’écrit, au savoir, nous autres adultes. Surtout lorsque nous exigeons que notre progéniture a un rapport privilégié à la lecture, cette nourriture de l’âme saine. Pour certains, l’image passe inaperçue, pour eux c’est un non-événement. Encore un coup de com, comme ils en ont l’habitude, susurrent les plus sceptiques.

L’intention de cet homme en uniforme de participer à sa manière à la fête de la lecture instaurée par le MENFOP pour donner le goût de lire aux enfants, est manifeste. Il s’est joint aux équipes pédagogiques et aux organisateurs de cet événement scolaire. Le rapprochement n’est pas aisé à faire pour le djiboutien lambda. Pour peu que le lecteur ait suivi l’actualité menfopienne ces derniers mois, établir le lien sera, pour lui, plus simple.

Dans cette quête résolue de la qualité des enseignements/apprentissages, érigée en priorité des priorités, passer par la lecture et sa promotion s’est avéré une évidence. Les efforts du ministère axés sur la lecture, son enseignement et sa promotion sont considérables et découlent d’une véritable stratégie concertée et solide qui s’inscrit dans une certaine continuité. La nouveauté est à chercher du côté de la démarche et de la volonté de mettre chacun des acteurs de l’école devant ses responsabilités. Garder la lecture dans la sphère limitée de l’établissement serait une erreur. C’est pourquoi, la nouvelle stratégie du ministère de l’Education Nationale et de la formation professionnelle pour améliorer significativement les résultats de nos élèves et pour transmettre le virus de la lecture aux élèves repose entre autre sur l’implication de la communauté éducative à cette problématique qui s’implose de plus en plus comme une problématique centrale, d’où le thème de l’année : Lire en famille.

Cette 2ème édition de la semaine de la Fête de la Lecture a été marquée par une forte participation des usagers de l’école pour montrer l’exemple et ainsi réduire autant que faire se peut la distance entre les élèves et le monde du livre. L’objectif étant que nos élèves franchissent le pas et aillent à la rencontre du livre. Parfois, au détour d’une conversation à bâtons rompus, tu découvres un auteur, une histoire et tu vas au bout de l’intrigue. Parfois, il suffit de traverser la rue pour pénétrer dans le monde certes imaginaire mais ô combien parlant et intrigant des livres.

Les 26 lettres de l’alphabet restent l’huile qui fait tourner l’engrenage « Littérature ». Seuls leurs agencements diffèrent et le sens est altéré.

Encore une fois, les écrivains étaient au rendez-vous pour partager avec nos élèves. Qu’est ce qu’écrire, si ce n’est donner, partager, tendre la main, se dévoiler, se mettre à nu pour reprendre les expressions de Jaylani, poète et journaliste de Mayotte, un des 12 auteurs invités cette année, qui a accepté de faire des milliers de kilomètres pour rencontrer nos élèves, partager son amour et sa fascination pour les mots, ses interrogations sur le monde et notre rapport à l’Autre, les efforts que nous devons faire sur nous-mêmes pour nous rendre meilleurs, cultiver le bien, connaître nos semblables même si nous avons l’impression que tout nous sépare, contrer l’économique et la compétition par le partage, l’empathie, le respect, la modération et la nuance. Le poète-journaliste a découvert Djibouti à travers la fenêtre de la littérature. Chapeau à nos auteurs ! C’est un touriste de gagné, un ambassadeur de la littérature djiboutienne et un ami désintéressé de découvert pour nous et pour nos élèves. Les écrivains djiboutiens, des plus connus aux écrivains en herbe, les Chehem Watta, Omar Youssouf, Souad Kassim, Moussa Souleiman, Choukri Osman, Ahmed Mohamed Issa ou encore Souhaib, pour ne citer que ceux là, tous ont conté, raconté, lu des extraits de leurs œuvres, échangé avec leur auditoire et initié nos petits anges à l’écriture, parfois sous l’arbre et sur des nattes. Nos « ingénieurs de l’âme » ont permis à nos élèves de mettre des visages sur des œuvres.

La fête de la lecture, ce fut aussi des échanges à distance avec J.D.PENEL, un ami de Djibouti et amoureux de la lecture qui a influé à son niveau sur des trajectoires professionnelles d’un nombre important de professionnels de l’éducation.

Les établissements s’étaient préparés à cette semaine littéraire en amont et les prestations de certains clubs ont été remarquées et remarquables. Du comédien de 10 ans aux slameurs en passant par les élèves à besoins spéciaux décidés de faire mauvaise fortune bon cœur, les rencontres ont été aussi chaleureuses qu’intéressantes.

Des étoiles pleins les yeux, les élèves, eux aussi, ont donné. Leurs joies, leurs sourires, leur émerveillement ont arraché des rires et des fous rires aux auteurs et ont éclairé de leur éclat les coins sombres des bibliothèques.

Le mérite de cette belle aventure revient au ministre qui s’impose de plus en plus comme le ministre de la LECTURE, Son Excellence Moustapha Mohamed Mohamoud. La lecture n’a jamais été aussi valorisée dans notre pays.

Mohamed Moussa Yabeh

Conseiller technique au MENFOP et secrétaire général de la commission de l’UNESCO à Djibouti