Il est vrai que le confinement total est certainement l’une des mesures les plus efficaces pour empêcher la propagation du virus. Néanmoins, il nous faut replacer cette crise sanitaire (hautement préoccupante) dans son contexte.
Avec une population économiquement fragile, vivant de revenus quotidiens limités, avec souvent une seule source de revenu pour le foyer entier, peut-on exiger un confinement total strict sans risquer de paupériser davantage les foyers les plus précaires et les fragiliser encore plus ? Je dis « fragiliser » et « paupériser » qui ne sont que des euphémismes car en réalité, cette mesure si elle était strictement appliquée dans les conditions actuelles pourrait voir s’effondrer et affamer des milliers de familles.
Que dire aux conducteurs de bajaj/bus, à la vendeuse ambulante, au chauffeur de taxi, au pousseur de brouettes, à la vendeuse des beignets devant les écoles, etc. ? Ceux-là même dont les activités journalières conditionnent le lendemain ?
Dilemme socio-économique.
La véritable question est avant tout de réfléchir aux mécanismes de solidarité sociale que notre pays peut mettre en place pour protéger les plus fragiles d’entre nous et leur permettre de se protéger comme il se doit. Pour cette crise mais également pour toutes celles à venir afin que risquer sa santé ou garantir sa subsistance ne soit plus un dilemme qui s’impose.
Une caisse de solidarité pour les foyers les plus fragiles ? Une assurance volontaire pour les petits entrepreneurs et auto entrepreneurs ? Un fond social d’urgence pour les crises sanitaires, catastrophes naturelles, etc. ? En attendant, les théories économiques disent que les individus font des choix rationnels, n’est-ce pas ?
L’équation sera donc très simple pour cette immense catégorie de la population : « Probabilité d’être affecté par Covid 19 VS probabilité de ne rien avoir à manger à J+10 d’un Confinement total ? » Je vous laisse deviner le résultat.
Entrepreneuriat de subsistance VS entrepreneuriat de croissance.
Afin de sortir de ce dilemme, il sera primordial de travailler à l’émergence et la vulgarisation de l’entrepreneuriat de croissance par opposition à l’entrepreneuriat de subsistance. En effet, il s’agit de permettre aux petits entrepreneurs et auto entrepreneurs de créer des activités génératrices de revenus avec une vision sur le long-terme. Il s’agit d’activités dont les revenus ne couvriront pas seulement les besoins quotidiens et qui permettront de sécuriser une manne financière (mensuelle par exemple) plus confortable.
Là où l’entrepreneuriat le plus répandu à Djibouti et en Afrique en général est un entrepreneuriat de subsistance basé sur des activités génératrices de revenus immédiats mais sans aucune garantie sur le long-terme ni marge permettant de se projeter ou de faire face à des imprévus (comme la crise actuelle). Pour cela, il faut accompagner, former, et outiller les primo-entrepreneurs et les auto entrepreneurs actuels à la mise en place de stratégie pour développer une activité stable, rentable et profitable. De plus, un effort colossal devra être réalisé pour vulgariser les outils de l’entrepreneuriat d’abord par leur diffusion à grande échelle, ensuite par leur déclinaison en « français facile » puis en langues locales et enfin par leur enseignement pendant le cursus scolaire.
C’est le moment pour nous de penser le modèle économique et social performant, équitable et inclusif dont Djibouti a besoin. Restons optimistes et constructifs et surtout voyons au-delà de ces moments troubles pour commencer à préparer « l’après » car nous devrons et allons ressortir plus forts de cette tempête.
« Un optimiste sait qu’il n’est pas à l’abri de la tempête mais il est convaincu qu’aucune tempête ne pourra le submerger ». Prenez soin de vous et de vos proches.
Mohamed Guireh Galab