Au cours de la décennie 90, la jeune République de Djibouti va traverser une période marquée par une profonde récession économique. Une baisse de l’aide internationale, un conflit dans le Nord et la gestion d’un afflux de réfugiés en provenance de la Somalie et de l’Éthiopie vont lourdement peser sur les maigres ressources  financières du pays. Le pays va également appliquer le programme d’ajustement structurel du FMI qui va avoir un coût social très élevé.

La crise économique va aussi avoir pour conséquence, malheureusement, de mettre un sévère coup d’arrêt aux efforts engagés pour la réalisation des droits des femmes à Djibouti.

Néanmoins, dans cette même décennie, des avancées vont être réalisées sur le plan juridique. La constitution de la République de Djibouti, entrée en vigueur le 15 septembre 1992, dans son article premier « assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction de langue, d’origine, de race, de sexe ou de religion. » L’article 10 du titre II va dans le même sens en disposant que « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. » La loi fondamentale du pays consacre ainsi l’égalité des droits entre les hommes et les femmes.

Adopté en 1995, le Code pénal djiboutien prévoit plusieurs dispositions qui condamnent les discriminations et les violences faites aux femmes.

En vertu de l’article 333 du code, « Les violences ayant entraîné une mutilation génitale sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 1000 000 F d’amende. »

Les articles 343 à 352 prévoient des peines d’emprisonnement et d’amendes ou de réclusion criminelle pouvant aller jusqu’à la perpétuité selon les différents types d’agressions sexuelles. Enfin, « Le proxénétisme est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 10 000 000 F d’amende » (article 394).

La République de Djibouti ratifie, le 12 décembre 1998, la Convention  sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). Cette étape est significative puisqu’il s’agit d’un engagement international à adopter des mesures « sans retard » en vue d’ « éliminer les discriminations à l’égard des femmes ».

L’évolution juridique est donc notable en matière de protection des droits des femmes au cours des années 90. Cependant, cela ne se traduit guère par une amélioration de la situation des femmes en République de Djibouti.

En effet, le contexte socioéconomique de l’époque n’est pas favorable à la mise en application immédiate des dispositions constitutionnelles et législatives relatives aux droits fondamentaux des femmes. Les efforts du gouvernement vont être dirigés d’une part vers la recherche de solutions pour mettre fin au conflit dans le Nord, et d’autre part vers la reconstruction de l’économie nationale.

Les femmes vont subir plus lourdement les conséquences de la détérioration de la situation économique. Elles ont moins de chance d’accéder à des emplois plus stables et mieux rémunérés. Victimes de l’exclusion sociale, elles occupent des emplois très précaires dans le secteur informel. Mais surtout, en contexte de pauvreté, le climat social et familial se dégradant, les violences faites aux femmes ont tendance à augmenter.

Abdallah Hersi