Chef de service de chirurgie viscérale à l’hôpital Peltier, le docteur Souleiman Nour Ayeh dirige depuis un  an le Conseil National de l’Ordre des professions médicales de Djibouti. Une institution qui a été revitalisée et qui a pour mission de veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de dévouement indispensable à l’exercice des professions médicales. En organisant  des journées scientifiques, le Conseil s’attèle à mettre la communauté médicale djiboutienne au diapason des dernières avancées médicales et pharmaceutiques. « Nous faisons le plaidoyer pour une formation continue socle d’une santé de qualité et d’actualité pour notre population. », a-t-il déclaré en substance. Interview.

« Nous aspirons à construire jalon après jalon, un ordre fort et respectueux de nos lois »

La Nation : Docteur, vous êtes  le président du Conseil National de l’ordre des professions médicales de Djibouti, pouvez-vous nous présenter l’historique et les missions de cette institution?

Dr Souleiman Nour Ayeh : Le Conseil national des Professions médicales, a été créé très tôt après l’accession de notre pays à l’indépendance, le 25 janvier 1979, par la Loi n° 54/AN/79.

Il est composé de 11 membres à savoir 8 médecins, 2 pharmaciens et 1 médecin dentiste, choisi par suffrage universel direct, en assemblée générale et en présence d’un huissier.

Il a pour mission de veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de dévouement indispensable à l’exercice des professions médicales, et à l’observation par les intéressés des devoirs professionnels et des règles déontologiques. Il assure également la défense de l’honneur et de l’indépendance des professions médicales dont il est le représentant.

Longtemps en hibernation, le Conseil de l’ordre des professions médicales a été revitalisés ces dernières années…

hibernation, nous ne pensons pas. Il s’agissait en notre sens d’une étape idoine du projet d’avenir que nous bâtissons ensemble pour la profession. Le travail de maturation et de consolidation des acquis amorcés par nos prédécesseurs était une tâche ingrate, car peu médiatique, mais essentielle.  Le processus de modernisation de l’ordre entreprit par notre bureau est une continuité naturelle. Nous aspirons à construire jalon après jalon un ordre fort et respectueux de nos lois.

Donnez nous un aperçu des activités réalisées ?

Comme je viens de le dire dans la continuité de ce qui a été amorcé par nos prédécesseurs nous avons effectué un certain nombre d’activités que nous comptons poursuivre crescendo. 

En premier, nous avons essayé d’améliorer la visibilité de l’ordre. Pour cela, nous nous sommes attelés à ce que l’ordre ait un siège et un cadre de travail agréable et digne.

En principe chaque praticien dispose d’une carte professionnelle le liant à son lieu d’exercice. Cette dernière est malheureusement inutile hors de nos frontières. À l’instar des autres pays, il nous fallait un identifiant et une carte d’ordre médicale, plus reconnue et plus fédérateur, c’est aujourd’hui chose faite, chaque confrère peut disposer à sa guise de sa carte numérisé, identifiable par QR code, donc non falsifiable !

La création d’un site internet et d’un webmail pour l’ensemble des professionnels participent aussi à rendre l’ordre plus présent et visible.

Nous avons par la suite établi des outils de travail, notamment l’élaboration des fiches et des grilles d’évaluation des médecins, pharmaciens et dentistes qui soumettent leurs dossiers en vue d’une inscription à l’ordre, condition sine qua none pour exercer une profession médicale en RDD. Ces grilles sont impartiales, reproductibles et perfectibles. Nous les avons établis pour une évaluation objective des pairs et ce quel que soit le pays de provenance.

Nous avons également procédé à une mise à jour du tableau de l’ordre avec mise en place d’un archivage et d’une numérisation de la base des données de l’ordre.

Ceci nous a permis d’avoir une vue d’ensemble des différents professionnels médicaux selon la nationalité, le genre, le mode d’exercice (spécialistes ou généralistes), l’évolution des praticiens selon les années.

Au-delà de ses activités qui relèvent des missions dont doit s’acquitter l’ordre, nous réalisons une rencontre annuelle entre le bureau du conseil de l’ordre et l’ensemble des membres (anciens, jeunes et moins jeunes).

La dernière rencontre en date est celle du 22 Juin 2021.

C’est un cadre d’échange, l’occasion pour nous d’exposer notre bilan devant l’auditoire, d’écouter leurs critiques et planifier ensemble le futur. Des journées scientifiques sont aussi réalisées, l’opportunité pour nous de rassembler autour d’une table ou en séance plénière les ainés, des scientifiques de renom et des jeunes praticiens fraichement diplômés. Nous profitons de ces aubaines pour nous mettre la communauté médicale djiboutienne au diapason des dernières avancées médicales et pharmaceutiques.

Les préparatifs pour la prochaine journée sont d’ores et déjà lancés et l’événement est prévue pour le 19 et 20 janvier 2022.

Comment se porte la profession médicale ?  La qualité des soins et le respect des patients ?

Le pays n’a jamais eu autant des ressources humaines qualifiées que ces dernières années et la dynamique ne fera que croitre dans les années à venir. La création de la faculté de médecine de Djibouti a fortement contribué à ce que Djibouti renforce l’effectif de ses médecins.

Le plateau technique s’est étoffé de concert.

Des spécialités de plus en plus pointues sont présentes dans notre arsenal thérapeutique. Et cela c’est grâce à Dieu et à la vision du président de la République. On peut donc dire que la profession médicale se porte bien. Il faut la soutenir davantage pour qu’elle aille de l’avant.

La qualité des soins dépend fortement du plateau technique et de la formation des personnels engagés dans la prise en charge.C’est pourquoi, le Conseil en partenariat avec les autorités concernées est aux cotés des professionnels dans ce contexte mouvant. Nous faisons le plaidoyer pour une formation continue socle d’une santé de qualité et d’actualité pour notre population.

D’autre part, le respect des patients et l’observation des règles déontologiques n’est pas sujet à la discussion, c’est une obligation pour le professionnel et nous sommes convaincus qu’elle est au cœur des préoccupations de nos collègues.

Comment agit le Conseil sur le terrain ? Est-ce qu’il y a des difficultés que vous rencontrez pour vous acquitter de votre mission ?

Le conseil agit dans le cadre des dispositions qui lui sont fixés par la loi 213/AN/08/5ème L.À ce titre nous citerons trois terrains d’action:

– Il veille, conformément a l’article 26 de ladite loi à ce que tout praticien désireux exercer l’art médical sur le territoire soit inscrit au tableau de « l’ordre des professions médicales ».

Cette inscription survient après délibération plénière du conseil, au cours des réunions ordinaires bimensuelles.

Les dossiers des postulants sont examinés à travers les grilles d’évaluations préétablis mettant l’accent sur les prérequis indispensable à l’exercice de ces nobles vocations.

Ce « tamisage » n’a pas vocation à bloquer qui que ce soit, elle obéit avant tout à une volonté gouvernementale, celle de s’assurer de la compétence de ceux qui auront la charge de prodiguer les soins à nos compatriotes.

– Le conseil donne son avis sur les questions relatives à la pratique générale des professions médicales, soit sur mandat du ministère de la santé ou par initiative propre si des manquements grave à la déontologie sont constatés.

– Au ministère de la Santé, il apporte son concours  à l’élaboration et à l’exécution de la politique sanitaire.

S’agissant des difficultés, il faut savoir qu’être investi d’une missiontelle que de régir les professions médicales n’est pas une mince affaire, d’autant plus que notre rôle est à cheval entre l’administration central (les décideurs politiques) et les professionnels de santé envers qui nous avons des devoirs, il faut veiller à protéger la profession sans pour autant tomber dans « le syndicalisme ».

Aussi notre volonté d’appliquer stricto sensu des lois et règlements peut souvent heurter, surtout dans notre société ou le leitmotiv reste la philosophie du consensus et du compromis.

Pouvez-vous nous citer des exemples d’affaires ou de situations complexes que le Conseil a  résolue ?

Depuis l’indépendance, le nombre des médecins, pharmaciens et dentistes ayant intégré le marché du travail a été multiplié par cent vingt (120),nous sommes à l’aube de franchir le cap des 600 consœurs et confrères.C’est en soi une bonne chose pour le pays, mais cette situation soulève aussi la problématique des formations « non francophones » usuels, dès lors,se doter des « curricula de formation » standardisé était devenue une évidence.

Aujourd’hui les dossiers nous parviennent de tout horizon. Heureusement,nous sommes en mesure d’apprécier aisément la qualité des formations des requérants, peut importe le système dans lesquels ils ont été formés (francophones, arabophones, hispanophone, sinophone,etc…).

Nous effectuons également en continue la vérification de l’authenticité des documents (diplôme, attestations) fournis. Car nous mettons un point d’honneur à établir l’exactitude des informations présenté dans les curricula, toute manœuvre frauduleuse voit son commanditaire poursuivis devant les juridictions compétentes.

La pandémie du covid 19 a secoué le monde et notre pays n’est pas épargné. Comment votre organisation a participé à la lutte contre ce fléau ?

La pandémie mondiale de la Covid 19, a été éprouvante sur tous les plans. Aucun d’entre nous ne sort d’indemne de cette maladie. Permettez-moi d’avoir une pensée pieuse pour toutes ces personnes que nous avons perdues. Qu’Allah les accueille dans son paradis éternel Amine.

Je souhaite également rendre un hommage appuyé au Président de la République M. Ismaël Omar Guelleh pour avoir eu la sagesse d’instaurer des mesures précoces, certainement difficiles, mais surtout salutaires

Le conseil de l’ordre participe à l’effort national à travers ses membres du bureau engagés dans toutes les commissions impliquées dans la riposte et dans la vaccination. L’ordre intervient également à travers ses professionnelles qui dans les urgences, les centres de dépistages, les laboratoires et dans les unités de soins intensives s’ acquittent avec abnégation de leurs travails.

Nous profitons de cette tribune pour leur rendre un hommage mérité. Chers collègues, vous avez par votre dévouement et votre sens du sacrifice honoré la profession.

Comment le conseil a accueilli la nomination d’un Médecin à la tête du ministère de la sante ?

Nous nous réjouissons du choix porté par le Président de la République, en confiant ce département à l’un des nôtres. A travers le nouveau Ministre de la Santé, Dr Ahmed Robleh Abdilleh, c’est toute la profession qui est à l’honneur. Nous n’avons pas manqué de le féliciter et de lui affirmer notre parfaite collaboration. Nous sommes persuadés d’être à l’aube de la transsubstantiation positive du système de la santé.

Quel message voulez-vous lancer aux professionnels de la santé et au public ?

Aux professionnels de la santé, voilà quasiment un an que nous siégeons au conseil à la faveur d’un vote de nos confrères, cette confiance placée en nous par nos pairs nous honore et nous engage à mieux les servir.

Nous avons aujourd’hui amorcé la modernisation de notre institution tant dans l’aspect organisationnel que fonctionnel, ce cheminement se fera avec le concours de tout un chacun InshAllah.

Nous rappelons également que l’inscription à l’ordre est un préalable à l’exercice des professions médicales en République de Djibouti, selon les dispositions de la loi 213 en son article 26.

Au public, bien que méconnue auprès du grand public, les missions conférées à l’ordre font de lui un acteur clé de la santé publique.

Dans le pré carré de ses prérogatives, l’ordre ne ménagera aucun effort pour que la pratique médicale soit en phase avec le credo du conseil «moralité- probité -dévouement», elle défendra l’honneur et l’indépendance de nos professionnels, tout en se constituant comme tribune pour nos concitoyens.

La communication est le talon d’Achille de toute activité, accroitre la visibilité de notre ordre auprès de nos concitoyens est dans notre feuille de route.

À cet égard des spots de communication à l’intention du public, ainsi que des journées portes ouvertes seront réalisés dans les lycées de manière à conseiller, expliquer et orienter le choix de nos jeunes qui espèrent s’orienter vers les études de médecine, pharmacie et médecine dentaire.

A travers notre site web (www.ordremedical.dj) nous sommes ouverts a tous suggestions et critiques.

Un dernier mot. Le Covid est toujours d’actualité. Protégez -vous et protégez vos proches.

Interview réalisée par Kenedid Ibrahim Houssein