« Le Royaume du Maroc et la République de Djibouti ont récemment mis en place un conseil d’affaires, pour définir les besoins et les opportunités économiques qu’offrent les deux pays »

Le Chargé d’affaires de la chancellerie du Royaume du Maroc dans notre pays, M. Mbarek Haddaoui, nous a accordé, un entretien à travers lequel, il nous fait part de l’excellence de la coopération bilatérale que Djibouti et son pays ont tissé depuis l’établissement de leurs relations diplomatiques, le 14 mars 1978. Grand ami de Djibouti, le diplomate marocain nous révèle la ferme condamnation de son pays, de l’acte terroriste qui a frappé notre pays la nuit du 6 au 7 octobre 2022. En ce qui concerne les échanges commerciaux entre les deux pays, M. Haddaoui, nous apprend que « le Maroc et Djibouti ont mis en place un Conseil d’affaires, pour définir les besoins et les opportunités économiques qu’offrent des deux pays».

Entretien…

La République de Djibouti et le Royaume du Maroc entretiennent 44 ans de relations fraternelles et amicales basées sur le respect mutuel. Quel bilan en tirez-vous actuellement?

Avant de répondre à vos questions, je voudrais d’abord réitérer la ferme condamnation par le Maroc de l’acte terroriste, lâche et vilain, qui a été perpétré contre l’armée djiboutienne dans la région de Tadjourah. Mon pays soutient Djibouti dans sa lutte contre le groupe terroriste qui a commis cet attentat inacceptable et inhumain. Comme vous le savez, mon pays a souffert, dans les années 70 et 80, des atrocités du terrorisme, et est actuellement l’objet dans nos provinces du sud, de menaces terroristes d’un groupe terroriste séparatiste.

Pour revenir à vos questions, il est important de rappeler que la République de Djibouti et le Royaume du Maroc ont établi des relations diplomatiques en mars1978, soit moins d’une année après l’indépendance de Djibouti. Depuis, les deux pays entretiennent d’excellentes relations fraternelles, basées sur les principes du respect mutuel, de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale, de la non-ingérence et du soutien réciproque.

Outre les valeurs culturelles et religieuses, qui unissent nos populations, nos deux pays partagent de nombreuses similitudes, partant de leurs positions stratégiques sur des voies maritimes par où passent une grande partie du commerce international.

Dans le domaine de la sécurité, ils sont des exceptions dans leurs régions respectives. Ce sont deux pays stables, dans des régions tourmentées. Ils sont des oasis de sécurité où règnent la paix et la quiétude. Ils ne cessent d’enregistrer une croissance économique considérable, même s’ils sont situés dans des zones agitées, instables et conflictuelles. Et cela grâce à la sagesse et la clairvoyance des leaders des deux pays, en l’occurrence Sa Majesté le Roi Mohamed VI et son Excellence le Président Ismail Omar Guelleh.

Dans le domaine politique, nos deux pays ont opté, dès leurs indépendances, pour la voie du multipartisme et celui du libéralisme économique, au moment où d’autres pays avaient choisi le parti unique et l’économie dirigée, grâce aux leaders visionnaires des deux pays ; feu Hassan Gouled et feu Hassan II.

Enfin, nous sommes aussi deux pays ayant une civilisation millénaire, une histoire très ancienne et une culture riche et diversifiée.

En ce qui concerne, l’historique des relations de coopération entre nos deux pays, elles ont été entreprises avant même l’ouverture des deux Ambassades, puisque immédiatement après l’indépendance de Djibouti, le Maroc a envoyé ses professeurs pour renforcer l’éducation djiboutienne et combler ainsi le vide causé par le retrait des cadres français. Le Maroc a également répondu présent quand Djibouti avait besoin de former ses médecins et ses cadres de santé. Un grand nombre des médecins djiboutiens,  civils et militaires, ont fait et continuent à faire leur formation ou spécialisation au Maroc.  

D’ailleurs, le Maroc continue à former les militaires djiboutiens, que ce soit ici à Djibouti, par les instructeurs marocains qui se trouvent à l’AMIA d’Arta, ou dans les différentes académies militaires du Royaume.

Rappelons, dans ce cadre, que la première femme pilote dans l’histoire militaire de Djibouti a été formée au Maroc. Permettez-moi d’ajouter aussi que le Maroc accorde annuellement 160 bourses aux étudiants djiboutiens, pour leur formation et qualification dans divers domaines.

Bref, le bilan de ces 44 années de relations de coopérations entre la République de Djibouti et le Royaume du Maroc est largement positif.

A part, le renforcement du capital humain dans divers secteurs de développement, quels sont les autres domaines de coopération qu’entretiennent la nation djiboutienne et le Royaume chérifien du Maroc ?

Outre le renforcement du capital humain, il existe une coopération entre les deux pays dans des domaines multiples et diversifiés, tels que la décentralisation, la promotion et la protection des investissements, les affaires religieuses, la justice, l’enseignement supérieur, la formation professionnelle, le secteur bancaire, le BTP…etc.

Notons à ce propos la présence à Djibouti d’une banque marocaine, la BOA, l’une des principales banques du pays, en termes de chiffres d’affaires et d’emploi, ainsi que deux sociétés marocaines, SOMAGEC et FEPCO, l’une pour la réalisation d’une jetée maritime et d’un terminal pétrolier à Damerjog et l’autre pour la rénovation de l’Aéroport de Djibouti et l’aménagement de 165 hectares à Balbala.

L’ouverture des deux Ambassades est venue renforcer la coopération et la coordination des actions communes. Dans ce cadre, il convient de rappeler que, depuis mon arrivée à Djibouti, en septembre 2020, six Ministres djiboutiens ont effectué des  visites de travail au Maroc, et signé avec leurs homologues marocains plusieurs accords de coopérations dans des domaines clés, tels que les affaires religieuses, la Décentralisation, la Justice, l’Enseignement supérieur, l’Economie et Finances, l’Equipement et le Transport maritime.

Quelles sont les perspectives d’avenir de cette relation qui s’est notamment accentuée au cours de ces dix dernières années ?  

Les perspectives d’avenir sont prometteuses, car la République de Djibouti et le Royaume du Maroc envisagent actuellement d’élargir et d’étendre leur coopération à d’autres secteurs pouvant être profitables pour les deux pays, comme les énergies renouvelables, l’agriculture, la pêche maritime, le tourisme. La politique tracée par le gouvernement djiboutien, notamment la Vision 2035 et Djibouti ICI, constitue une grande opportunité pour les sociétés et les entreprises marocaines, à qui j’adresse, au passage, un appel pour qu’ils viennent investir à Djibouti, notamment les petites et moyennes entreprises qui, d’ailleurs, offrent plus d’avantages, en termes d’emploi pour les jeunes djiboutiens.

Les échanges commerciaux entre les deux pays sont actuellement très modestes. Quels sont les projets en perspective prévus pour combler cette lacune ?

Certes, les échanges commerciaux entre nos deux pays sont modestes et ne reflètent pas l’excellence de leurs relations politiques. La seule explication de cette lacune, à mon avis, c’est l’éloignement géographique des deux pays et leurs focalisation sur des marchés différents, à savoir l’éthiopien pour Djibouti et celui l’européen pour le Maroc. Mais, il est désormais temps pour les deux pays de changer de cap. D’ailleurs, les produits marocains, notamment agricoles, arrivent déjà sur les marchés de l’Afrique subsaharienne, notamment l’Afrique de l’Ouest et centrale. Compte tenu de sa position géographique très stratégique, et vu le développement de ses services portuaires, Djibouti pourrait, dans un avenir proche, constituer une plateforme pour les produits marocains destinés aux marchés de l’Afrique de l’Est, dont celui du COMESA (environ 450 millions de consommateurs).

La coopération sud-sud que suit le Maroc, notamment en Afrique, depuis l’intronisation de Sa Majesté le Roi, accorde une importance particulière à cette zone ; la preuve en est les différentes visites royales dans les pays de la région (Ethiopie, Soudan du sud, Tanzanie, Zambie… etc.), lesquelles visites ont donné naissance à des projets structurants. En somme, la Chancellerie marocaine à Djibouti est consciente de ce constat et œuvre pour le corriger, dans les années à venir, par l’ouverture de lignes maritime et aérienne entre les deux pays.

D’ailleurs, les premiers pas dans ce sens ont été déjà franchis, avec la signature en 2017 d’un accord sur les services aériens. Dans le domaine du transport maritime, les deux pays viennent de signer, le 14 novembre dernier, un accord pour une éventuelle mise en place d’une ligne maritime.

Dans ce même sillage, le Président de la Chambre de Commerce, M. Youssouf Moussa Dawaleh, s’est entretenu au cours d’une visite de travail au Maroc, les 19 et 20 octobre écoulé, avec le président de la Confédération Générale des Entreprises Marocaines (CGEM).

Les deux pays ont également mis en place un Conseil d’Affaires et ont désigné leurs Présidents respectifs. Il appartient donc maintenant aux deux Parties d’organiser un Forum Economique et des B to B, pour définir les besoins, les opportunités et les avantages qu’offre l’économie de chaque pays.

Il convient de souligner également que le Ministre djiboutien de l’économie et des finances, M. Ilyas Moussa Dawaleh, et son homologue marocaine, Mme Nadia Fettah Alaoui, ont signé, juillet dernier, à Rabat, un Accord relatif à la promotion et à la protection réciproques des investissements. Un autre projet d’accord sur la non double imposition et la lutte contre la fraude fiscale est en cours de négociation. Ces deux accords, une fois mis en œuvre, contribueront certainement au renforcement des relations économiques et commerciales entre les deux pays. Ils encourageront surtout les investisseurs marocains à venir profiter des opportunités économiques existantes à Djibouti.

 Propos recueillis par Rachid Bayleh