La Conférence de réconciliation somalienne d’Arta constituait un évènement marquant pour de nombreuses personnes djiboutiennes, somaliennes et autres également. Un succès dans son organisation, son approche en matière de réconciliation.
Auteur des mémoires de la conférence d’Arta, Dr Nimaan Abdillahi Kaourah revient dans une interview qu’il a accordée à notre journal sur les tenants et aboutissants de l’écriture de cet ouvrage historique.
La Nation : Parlez-nous de votre parcours Dr. Nimaan.
Dr Nimaan Abdillahi Kaourah : Mon parcours n’est pas extraordinaire. J’ai fait un doctorat en Intelligence Artificielle adaptée à la parole. Mon thème était le deep learning appliqué à la reconnaissance vocale par les machines. J’ai publié de nombreux articles scientifiques internationaux que vous pouvez retrouver sur Google Scholar ou ResarchGate.
Professionnellement, j’ai été professeur puis cadre à la Chambre de Commerce et ensuite j’ai été Directeur de l’Institut des Sciences et des Nouvelles Technologies au CERD en 2002. En 2001, j’ai été promu Chevalier de l’Ordre National du 27 juin, suite à ma participation remarquée à la Conférence d’Arta. En 2013, j’ai été nommé Conseiller Technique du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Parallèlement à mes activités de Recherche, j’ai publié deux romans intitulé « OMTÊTE et Ubo » et « OMTÊTE, le monde s’effondre ». Et également un recueil de poèmes « HALGAN GOBANIMO » en hommage à ma mère Mako Chirdon Sougal, poète-indépendantiste (Que Dieu l’accueille dans son paradis Firdaws).
• Comment sont nées ces Mémoires de la Conférence d’Arta ? Quel a été le déclencheur pour vous lancer dans l’écriture de cet ouvrage historique ?
En fait, la Conférence d’Arta constituait un évènement marquant pour de nombreuses personnes Djiboutiennes, Somaliennes et autres également. Pour les personnes qui ont directement ou indirectement participé à cette conférence, des souvenirs inoubliables sont gravés dans leurs cœurs et leurs âmes et les accompagnerons à jamais. Le temps passe et ces évènements remontent déjà à 25 ans. Les enfants nés depuis cette date et ceux ou celles qui, à l’époque, étaient mineurs s’en souviennent très peu ou pas du tout, de ce qui s’était déroulé à Arta en l’an 2000.
De plus, il n’y a pas vraiment eu de livres ou de documents relatant cette période historique pour la Somalie et glorieuse pour Djibouti. Il n’y a pas eu non plus de cours ou d’études dans les lycées ou universités. C’était le silence absolu. Certes, des vidéos-archives réalisées par la RTD et certains médias somaliens sont les seuls témoignages existant sur le Net. Pourtant ce qui s’est passé à Arta était quelque chose qui dépassait l’entendement, de miraculeux, de divin. Ceux et celles qui avaient participé à cette Conférence le savent pertinemment et les grands de ce monde également comme l’avait déclaré à l’époque le Président Français Jacques Chirac « le petit État de l’Afrique de l’Est a réussi là où des grands et puissants pays ont échoués ». Ce qu’Ismaïl Omar Guelleh et Djibouti avaient réalisé était inimaginable, incroyable, extraordinaire. Et pourtant ils étaient démunis et n’avaient pas les moyens de leurs ambitions. Il s’agissait en fait d’un appui et d’une aide divine qui les avait portés jusqu’au bout.
Si je reviens sur le facteur déclencheur. Il y a 3 ans, un conflit avait éclaté entre deux clans en Somalie. Des vidéos circulaient sur Internet vociférant que le Président Ismaïl Omar Guelleh armait tel camp ou clan. Ces fausses informations étaient répétées tellement qu’elles apparaissaient comme « vérifiées » et « acquises ». Ismaïl Omar Guelleh et Djibouti avaient extrait la Somalie et les Somaliens du ventre d’une baleine. Le territoire somalien et la vie des Somaliens étaient très sérieusement en danger. Si le Président n’avait pas risqué sa présidence et sa vie pour secourir la Somalie, ceux et celles qui l’insultent aujourd’hui seraient dans une situation extrêmement dramatique. Djibouti et le Président Ismaïl Omar Guelleh prônent la paix et sont connus pour cela et n’ont ni la volonté, ni le temps pour répandre le sang. Au contraire, chaque personne tuée nous fait de la peine, comme s’il s’agissait de nos enfants. À l’époque j’avais parlé à certains responsables djiboutiens de la situation et de mon incompréhension. Par la suite, j’avais ressenti intérieurement et profondément que si le Président était traité de la sorte, c’était un peu de notre faute. Nous n’avions pas suffisamment témoigné sur ces réalisations et sur qui il était. Et, comme la nature a horreur du vide, c’était tout à fait prévisible que des personnes, animées par je ne sais quoi, affirment de telles sottises. Si vous ne témoignez pas sur ce que Dieu vous a montré clairement, d’autres à qui Dieu n’a rien montré «témoignerons » avec des mensonges et avec une grande vigueur. La question m’est donc revenue : Qu’as-tu fait, toi, pour éclairer les gens ? Rien. Certes, j’en parlais de temps en temps de la Conférence d’Arta autour de moi et avec le temps, de moins en moins. La question me revenait tout le temps : Qu’as-tu fait pour témoigner sur ce que Dieu t’a montré ?
Notre Président qui a tant fait pour les Djiboutiens, le minimum serait de dire et de témoigner sur ce qu’il a réalisé. On ne nous demande pas des financements, ni un dur labeur pour l’épauler, juste reconnaitre et témoigner véritablement sur ces réalisations. C’est le minimum. C’est un devoir. À partir de cet instant, j’ai entamé la rédaction de cet ouvrage. C’était il y a une année et demie.
Grâce à Allah, le livre est paru et je tiens à remercier chaleureusement le Président pour sa mansuétude en m’honorant de la rédaction de la préface de cet ouvrage. Quoi qu’advienne ce livre, ce geste suffit à sa reconnaissance.
• Avez-vous voulu faire passer un message à travers le récit de ces faits historiques ?
Je suis un croyant. Le monde a un sens pour moi et un Créateur. Ce que j’ai voulu faire passer comme message est la miséricorde de la part d’Allah pour le peuple Somali qui avait énormément souffert durant de longues années. Sans cette Miséricorde il n’y aurait pas du tout de Conférence d’Arta, ni de réussite. C’était Dieu qui avait voulu cela. Et nous en sommes reconnaissants et fiers pour la renaissance de la Somalie.
Je suis également fier que Dieu ait choisi Djibouti, sous la conduite éclairée et courageuse de Son Excellence Ismaïl Omar Guelleh pour réaliser ce travail. Et quelle belle réussite et quel succès ont-ils obtenus ! Djibouti, Arta, et le Président Ismaïl Omar Guelleh auront certainement une énorme récompense de la part du Seigneur de l’Univers. C’est principalement ce message de fierté, de paix et de réussite que j’ai voulu transmettre.
• Quels étaient les plus grands défis rencontrés lors de la Conférence, et comment ont-ile été surmontés ?
C’est une question difficile. À mon niveau, je n’avais pas la latitude adéquate pour pouvoir visualiser la situation dans son ensemble. Les problèmes visibles à notre niveau étaient des problèmes communs à tous les Somaliens, le clanisme. La répartition des Sièges du parlement, le choix du Président et de son gouvernement, etc. étaient les étapes les plus ardus. Par la discussion et les concertations et avec l’aide de Dieu, ils ont été dépassés.
Tout était difficile en fait. Grâce à Dieu, Djibouti a pu supporter cette Conférence historique et a finalement aboutit à une réussite éclatante.
• Y’a-t-il des anecdotes ou des moments marquants de la Conférence d’Arta que vous pourrez citer ?
Il n’y avait que cela. Tout était marquant. L’Histoire se déroulait sous nos yeux. Je relate beaucoup ces évènements dans cet ouvrage. Par exemple, un jour du mois d’août 2000, un notable somalien me remit une cassette audio contenant des poèmes à la gloire du Président, d’Arta et de Djibouti. Une des strophes disaient :
Ismaaciilaw maalintaan curano,
een calanka taagno
Ciyaaraha loola dareero, Buurtan Cidhifkeeda,
Culayskii reerahan ku dhacay, Caadilkaa garane
Carta gobol ugu deeq waa codsigii,
duubabkoo culusee
Le jour où nous hisserons le drapeau,
honorable Ismaïl
Et que les danses éclateront
sur les flancs de cette montagne
Seul Dieu sait ce qu’ont subi
les habitants de cette ville
Décrète Arta comme une région, c’est la lourde doléance des notables.
Le 09 juillet 2002, soit deux ans après le poème du notable somalien, la ville d’Arta avait été désignée capitale de la nouvelle région dénommée Arta. Quelle fut ma surprise en apprenant cette décision du conseil des ministres ! J’avais immédiatement repensé au poème et au notable somalien. La ville avait bénéficié des prières et des doléances des duubab (chefs de clans) et ugaas (chefs de clans) somaliens. Elle avait amplement et superbement méritée.
• À qui est destiné votre ouvrage ? Quel est son public ?
C’est un ouvrage tout public. Les collégiens, les lycéens, les étudiants peuvent aisément l’étudier et accéder à la prouesse réalisée par leur pays, Djibouti, dans le concert des nations. C’est également un livre souvenir, qui fait revivre les moments de doute, de peur et de gloire qu’avaient connus les participants à cette Conférence, les Somaliens de la diaspora et les habitants d’Arta et de Djibouti en général.
Je pense que cette Conférence brillera de plus en plus dans le futur et Djibouti, Arta et Ismaïl Omar Guelleh avec. Plus le temps passera et les Somaliens s’instruiront, plus ils comprendront dans quelle situation désespérée et catastrophique ils se trouvaient à cette période et comment la petite Djibouti et son brave et intelligent Président Ismaïl Omar Guelleh avaient adroitement et courageusement manœuvré pour les extraire du gouffre, sans combat et sans victimes. Ce miracle sera conté et étudié sous tous les angles des centaines d’années ou plus.
J’ai voulu laisser un petit témoignage, cet ouvrage, pour les futurs savants qui seront avides de ce qui s’était passé durant cette miraculeuse Conférence où des mères, des instituteurs, des poètes et des imams, insignifiants, inconnus et désarmés ont fait peur et fait fuir, avec la volonté et l’appui de Dieu, des milices et seigneurs de guerre hyper-armées.
D’ailleurs je préconise que tout soit écrit sur cette Conférence, des listes de personnes, de badges, de maisons, de vidéos, tout, tout, etc. Tout cela se vendra très cher comme le prédisait un notable somalien rencontré par votre Directeur de publication, Monsieur Kenedid à Arta, à l’époque. « Gardez vos badges, un jour, vos enfants les revendrons chèrement ! »
• Pouvez-vous nous parlez de vos projets d’avenir ? Avez-vous d’autres ouvrages en prévision ?
Pour le moment il serait primordial de traduire en langue somalie ce livre pour permettre aux lycéens et étudiants somaliens de plonger dans la célèbre conférence qui avait sauvé leur pays à Arta, en République de Djibouti, en l’an 2000.
Il serait préférable aussi de traduire en anglais cet ouvrage pour partager avec la planète ce miracle qui s’est déroulé à Djibouti en l’an 2000.Après cela, mon travail sera terminé, en tout cas pour ce qui concerne la Conférence d’Arta.
Parallèlement je poursuivrais la Recherche et les publications scientifiques. La toute dernière sera publiée à Paris en février 2025 inshallah.