Dans l’interview qui suit, l’ambassadeur de la République arabe d’Egypte à Djibouti M.Houssam Eldine Réda nous fait le point sur la conférence de Sharm El Sheikh  sur le changement climatique (COP27). Selon lui le défi climatique est un défi mondial et la meilleure façon de le relever c’est à travers l’effort multilatéral.

La Nation : L’Egypte a organisé la conférence  COP 27. Quel jugement portez-vous sur cet événement au sommet et sur quels grands résultats a-t-elle abouti ?

Houssam Eldine Réda : Tout d’abord, j’aimerais vous remercier pour cette rencontre avec votre Journal La Nation. Avant de répondre à votre question, j’aimerais mettre l’accent sur l’importance des conférences COP. COP en est à sa 27ème session, et traduit l’engagement et la détermination de tous à relever les défis des changements climatiques. Durant cette année, nous avons vu la vulnérabilité du monde, avec notamment la sécheresse en Afrique, spécialement les trois dernières années dans cette partie de la corne d’Afrique où l’on a ressenti de plein fouet les effets du réchauffement climatique. Ces défis coïncident avec une période particulièrement difficile dans l’histoire de l’humanité où la pandémie de COVID a ravagé nos normes de vie et les effets adverses du conflit en Ukraine à savoir l’augmentation du prix de l’énergie, le retour du charbon pour produire de l’électricité nous ont mis au pied du mur. Tout cela nous a fait perdre de vue l’espoir et la nécessité de réaliser nos objectifs de maintenir à 1,5 degré le taux de réchauffement climatique pour assurer la survie des êtres humains dans le futur.

Pour revenir à votre question, l’Egypte est le premier pays africain et arabe à accueillir la COP. Ce grand honneur nous a poussé à choisir la cité de la paix, et maintenant nous avons de l’espoir et  Sharm el Sheikh comme cité hôte de cet évènement mondial. A ce titre, permettez-moi de vous dire que selon les statistiques officielles c’est le plus grand événement multilatéral de l’histoire, avec une présence physique de plus de quarante-neuf mille personnes. Cela témoigne aussi de l’importance de la COP en ce qu’elle mobilise l’humanité toute entière. Nous avons eu la présence et je cite de plus de  cent vingt chefs d’État en plus des chefs d’organisations mondiales. Sur ce point, je suis ravi de dire que la participation de S.E. le président de la République, M. Ismaïl Omar Guelleh,  qui représente la voix la plus respectée de la Corne d’Afrique, a été fort appréciée de notre part ainsi que son allocution de grande importance et relevance à la communauté internationale. Et nous nous félicitons qu’il ait pu faire le voyage pour participer et contribuer si fortement au  succès et au résultat bien connu  de la  COP 27.

On peut maintenant aborder  les résultats qui ont  été atteints lors de cette conférence.  Les principaux défis  sont connus. Concernant  la question sur les effets du changement climatique,  quels sont les résultats concrets de cette conférence  par rapport au COP précédentes ?

Les résultats concrets par rapport au COP précédentes, c’est que la COP   est le prolongement d’un combat qui vise à bâtir sur la base des résultats précédents et de ce qui a déjà été accompli. Il ne s’agit pas de tout réinventer ni de changer ce qui a déjà été fait mais d’assurer comme ordre primordial la continuation des efforts. Parce que l’un des objectifs de la COP est de remédier aux dommages que l’Homme a fait subir à la nature, et donc de corriger les effets dévastateurs de centaines d’années d’industrialisations à outrance avec son corollaire de pollution. C’est donc un effort continu qui doit produire des résultats. Il y a des événements clés dans cette perspective. L’agrément de Paris et les réunions précédentes jusqu’à la 26e COP sont des piliers clés pour bâtir un futur commun. Je peux vous assurer d’ores et déjà  que l’Egypte qui préside actuellement la COP a saisi cette opportunité et elle s’assure de marcher sur le bon chemin, elle et les autres pays du monde. Donc nous sommes assurés de garder les résultats  des 26 COP précédentes et aussi de l’agrément de Paris. 

Par ailleurs, je peux dire que nous avons gardé en mémoire les différents enjeux entre l’Afrique et les pays en voie de développement et les pays développés qui ont profité de l’industrialisation à outrance. Les aspirations et les rêves des pays d’Afrique et de tous ceux qui sont en voie de développement sont légitimes et doivent être respectés malgré les nouveaux gardes fous à cette industrialisation sans limites. Aujourd’hui, les ressources varient et nous devons aboutir à un minimum de développement en Afrique pour pouvoir appliquer les nouvelles règles de l’industrie, parce que c’est ce qui a été fait par les autres pays a eu une incidence effroyable en termes de pollution malgré les gains en termes de PIB. Donc il y a déséquilibre et nous devons y remédier. Un acquis primordial et un très grand succès c’est de monter les fonds pour les pertes et les dommages qui doivent aider les pays qui ont souffert des désastres et les effets néfastes du changement climatique. Je vais vous dire que nous avons d’ores et déjà des contributions de plusieurs pays et on en attend encore plus. Ça c’est un sujet et un domaine clé qui a démarré à Sharm el-Sheikh.

Je saisi cette opportunité pour vous rappeler de la fameuse équation : 20 pays sont en cause dans 80 % de la pollution mondiale alors que le reste du monde émet seulement les 20% de pollution restant pour vous prouver la grandeur de cette initiative, et ça vous donne une idée de l’âpreté des négociations car il fallait rapprocher des intérêts opposés voire conflictuels mais nous y sommes arrivés à force de courage et de volonté !  Et ça, c’était un acquis qui a été fort, sauvegardé durant Sharm-El-Sheikh

L’un des autres grands acquis c’est la sauvegarde du droit et des aspirations des pays en voie de développement. Parce que la COP recouvre  un aspect climatique mais son volet principal c’est l’économie et notre façon de vivre et de consommer. Donc, c’est un large rayon qu’il faut balayer. Dans cet esprit nous avons pu adopter le programme de mitigation. On va suivre les progrès de ce programme et on va voir où cela peut nous mener pour parvenir à l’objectif de 1.5 degrés de réchauffement climatique à l’horizon 2050.

Par ailleurs, nous avons eu six  tables rondes durant la COP 27. Nous avons évoqué le système d’alimentation et surtout l’ambition d’une transition juste entre les énergies vertes du futur et surtout de l’hydrogène vert, l’accès à l’eau, la stabilité des communautés affectées par le changement climatique, etc. Les chefs d’État ont eu une discussion et ont tenu des propos clairs sur ces sujets qui vont tous dans la bonne direction. Nous avons eu seize initiatives présidentielles émanant de l’Egypte comme présidente de la  COP, pour essayer de traiter des sujets primordiaux dont notamment : la sauvegarde des acquis de l’agrément de Paris sans réserve ni retrait des promesses qui ont été faites, mais aussi solliciter et convaincre les institutions de développement et de financement à faciliter l’accès pour le financement climatique, l’adoption de l’agenda de Sheikh el- Sheikh pour l’adaptation climatique. Plus généralement, la COP 27 de Sharm-el Sheikh  a couvert des sujets allant de l’énergie aux financements et à la détection en avance, la transition équitable et juste, la diminution des émissions de l’effet de serre, la sauvegarde des océans et des forêts, le travail avec les champions du climat.  Ce sont les grands acquis et résultats que nous avons eu à Sharm-el-Sheikh. Je vous le redis, le défi climatique est un défi mondial et la meilleure façon de relever ce défi c’est à travers l’effort multilatéral.

Quelle vision portez-vous sur le futur, comment sera le monde et parviendra-t-on aux objectifs que l’on s’est fixés ?

C’est une très bonne question. L’un des acquis dont je vous ai parlé c’est  l’importance cardinale d’adhérer au travail multilatéral pour pouvoir aboutir à nos objectifs communs. Et on retourne ici à l’équation de 20 pays produisant 80 pourcent de la pollution mondiale, si l’un de ces pays n’adhère pas que peut-on y faire ? Comment on va s’y prendre pour construire un monde plus juste et plus équilibré ? Est-ce que c’est un  but difficile ? Certainement et c’est pour le futur de l’humanité que nous allons donner le meilleur de nous-mêmes pour les générations futures. Donc on doit préserver le désir collectif d’aboutir à ce but.

Monsieur l’ambassadeur, nous sommes au terme de notre entretien, est ce qu’il y a un message que vous voulez faire passer ?

 Certainement, cette conférence est  arrivée à un moment difficile où l’on ne pouvait pas faire un pas en arrière ni un pas de côté,  spécialement avec  l’envolée des prix de l’énergie. Nous devons maintenir la flamme et la volonté de continuer sur le droit chemin pour le bien de l’humanité. C’est un message qui nous porte à l’optimisme, c’est un message qui nous force à être plus conscient qu’on est comme être humains seul devant les défis et que la question du climat est une question existentielle ! L’Afrique subit les effets des changements climatiques plus que tous les autres continents.

Nous devons donc rester connectés et unis pour préserver notre continent. Nous devons tous persévérer, tous faire les efforts et croire dans cet objectif qui reste tout à fait à notre portée. C’est mon message, continuons d’y croire et de travailler pour que les pays donateurs tiennent toutes leurs promesses. Quand on fait la promesse de financer un programme et qu’on peut, on doit le faire ! Les promesses que l’on n’honore pas ce n’est pas quelque chose qui va seulement nous affecter, ça affecte tout le monde !

Interview réalisée par Kenedid Ibrahim Houssein