
A la tête d’une délégation de cinq personnes du Fonds monétaire international (FMI), forte de cinq experts, Stephane Roudet a effectué une mission à Djibouti dans le cadre des consultations régulières au titre de l’Article IV. Dans l’interview qui suit, il nous livre les tenants et aboutissants de cette mission du FMI à Djibouti.
« Accélérer les reformes pour améliorer le climat des affaires »
M. Roudet, pouvez-vous nous expliquer tout d’abord ce qu’est l’article IV ?
L’article IV est une situation d’évaluation de la situation économique et financière du pays en l’occurrence Djibouti ainsi que des politiques économiques et des réformes structurelles qui sont mises en œuvre par les autorités djiboutiennes. C’est un exercice qui a lieu en principe tous les ans et que nous conduisons avec tous nos pays membres. Mes collègues et moi-même sommes ici à la fin d’une mission de deux semaines au cours de laquelle nous avons eu des échanges interactifs avec beaucoup d’interlocuteurs pour effectuer cette évaluation.
Vous avez rencontré les principaux responsables avec lesquels vous avez travaillé. Quelles sont les recommandations que vous avez formulées ?
Nous avons rencontré ce matin les autorités pour discuter des conclusions principales de l’exercice. On a quelques points clés que je peux vous faire part. Le premier est : grâce à des investissements importants dans les secteurs des infrastructures portuaires et ferroviaires. Tous ces investissements représentent des opportunités importantes pour la croissance et le développement de Djibouti. Cela dit, ce sont des financements qui ont été mis en place par la dette laquelle a beaucoup augmenté ces dernières années. Et d’autres part la croissance, qui a été assez forte, n’a pas été suffisamment inclusive et n’a pas généré suffisamment d’emplois et de réduction de la pauvreté. Nos recommandations pour les autorités djiboutiennes ont été organisées en deux grandes catégories : les politiques à mettre en œuvre pour gérer cette question de la dette et remettre la dette sur une trajectoire viable.
Et les politiques à mettre en œuvre pour accélérer la croissance. Passer par une croissance qui a été tirée par le secteur public à une croissance à une croissance qui est tirée par le secteur privé et qui soit plus génératrice d’emplois et de réduction de la pauvreté. Pour ce qui est de la dette, il y a plusieurs types de recommandations, notamment renforcer la supervision des entreprises publiques qui portent une grande partie de cette dette. D’améliorer et de s’assurer de l’efficacité et de la rentabilité des grands projets qui ont été mis en œuvre. De prendre des mesures au niveau du budget pour générer de l’espace budgétaire. On sait à Djibouti on a des régimes dérogatoires des dépenses fiscales importantes qui sont une source potentielle de ressources à moyen terme pour améliorer la situation de la dette mais pour aussi pour générer plus d’espace pour les dépenses et réduire la pauvreté. En ce qui concerne le développement du secteur privé, en reconnaissant les efforts qui ont été faits dans ce domaine, nous recommandons au gouvernement d’accélérer les réformes pour améliorer le climat des affaires, rendre Djibouti plus attractif pour les investisseurs potentiels.
Cela demande aussi de réformer le secteur des télécommunications, de l’électricité afin de réduire le coût et améliorer la compétitivité de l’économie. Tout en améliorant la bonne gouvernance en matière de gestion des finances, en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux , de lutte et prévention contre la corruption pour asseoir cette amélioration du climat des affaires.
Concernant la croissance de l’économie djiboutienne, quelles sont vos prévisions ?
En matière de croissance, nos prévisions indiquent qu’il y a un ralentissement. Actuellement à Djibouti, on passe à un taux de 9.5% entre 2014 et 2016. Cette croissance était tirée par des investissements publics massifs notamment le projet de chemin de fer, le projet d’adduction d’eau. A partir du moment que ces projets arrivent à leur terme la croissance ralentit un peu. Nous projetons une croissance de 6.5 % cette année et qui se stabilisera à 6% à moyen terme. Ça reste une croissance solide qui est basée sur des hypothèses d’investissements privés et de croissance de l’exportation mais aussi d’avancée en matière de réforme de la part des autorités.
Cette croissance est –elle inclusive ?
La question d’inclusivité de cette croissance est très importante et a été au centre de nos discussions dans le cadre de nos discussions de l’article IV. Pour qu’elle soit plus inclusive il y a plusieurs dimensions en matière de réforme de politique.
On a parlé de la gouvernance qui est un aspect important et la redistribution des fruits de la croissance sont des aspects très liés à l’amélioration de la croissance. Mais également la réforme du secteur éducatif pour les cursus que font les jeunes à l’école soient en phase avec les besoins en qualifications des investisseurs et des entreprises pour que cette croissance crée des emplois pour les Djiboutiens.
Propos recueillis par Kenedid Ibrahim