Samedi soir, la nuit du Mawlid-Al-Nabi a illuminé les cœurs des Djiboutiens avec une ferveur et une dévotion qui transcendent le simple cadre religieux. Comme chaque année, des familles, des amis et des voisins se sont retrouvés, unis par une foi commune, pour célébrer la naissance du Prophète Muhamad (Paix et Bénédiction soient sur Lui). Ce moment de communion collective, ponctué de chants religieux et de récitations qui résonnent dans la nuit est une véritable expression de l’identité spirituelle du peuple djiboutien.
Chez nous, en effet, le Mawlid-Al-Nabi ne se résume pas à un simple événement festif. Il incarne une pratique historique, profondément ancrée dans les cœurs depuis des générations. C’est une soirée où le partage et la fraternité sont mis à l’honneur, où les tensions s’effacent pour laisser place à l’unité. Au-delà des divergences, c’est ce besoin viscéral de maintenir les liens qui unit la communauté autour de valeurs communes.
Il est vrai que pour certains la validité religieuse de cette célébration est loin d’être acquise. Ceux-là dénoncent une vénération du Prophète qui, à leurs yeux, frôle le sacrilège. Mettant en avant un souci de rigueur doctrinale, ces voix minoritaires estiment que l’Islam prohibe ce qu’ils perçoivent comme une forme d’idolâtrie. Leur argumentation, bien qu’entendable dans le débat religieux, ne peut éclipser la profondeur du lien qui unit les Djiboutiens au Mawlid-Al-Nabi.
Car, loin d’être une simple adulation du Prophète, cette fête est surtout un moyen de renforcer les valeurs humaines qui sont au cœur de notre société : la solidarité, l’entraide, et la foi commune. Le Mawlid-Al-Nabi est un écho des temps anciens, un rappel constant de la manière dont l’histoire, la culture et la religion s’entrelacent pour forger l’âme d’un peuple. En ce sens, il serait réducteur de limiter cette célébration à un débat théologique. Pour les Djiboutiens, le Mawlid-Al-Nabi est une mémoire vivante, une transmission d’héritages spirituels et culturels qui nourrissent notre présent et assurent une continuité entre les générations.
Il ne faut pas sous-estimer la valeur de ces moments de partage. À l’heure où tant de forces cherchent à diviser, à fragmenter, où les individualismes tendent à s’imposer, le Mawlid-Al-Nabi rappelle que la foi n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle se vit collectivement. Elle ne doit pas être perçue uniquement à travers le prisme des doctrines, mais également comme une manifestation concrète de ce qui fait de nous des êtres humains : notre capacité à aimer, à donner, à nous rassembler.
Bien que les chemins pour exprimer sa foi puissent différer, ce qui unit les Djiboutiens est bien plus fort que ce qui les sépare. Alors que les voix dissonantes se font entendre, il est de notre devoir, en tant que société, de défendre ces moments de rassemblement qui, depuis des siècles, façonnent notre identité, et symbolisent notre cohésion nationale. Il est primordial de préserver ces repères qui nous relient à notre Histoire et à notre foi. Ces repères qui, loin de s’opposer aux principes de l’Islam, en exalte les valeurs les plus nobles : l’amour du prochain, la gratitude et l’unité.
Le Mawlid-Al-Nabi, dans toute sa profondeur spirituelle, est l’un de ces repères.
IBRAHIM MIYIR ALI