Sommes-nous arrivés au point de saturation en matière d’immigration? Le récent communiqué du ministère de l’Intérieur, en tout cas, le laisse supposer. En annonçant des opérations de refoulement des étrangers en situation irrégulière, le gouvernement fait savoir qu’il fait face à un défi migratoire qui, à terme, pourrait affecter l’équilibre économique, social, et sécuritaire du pays. Pourtant, cette réponse ferme doit aussi être envisagée à la lumière d’une approche humaine, qui tienne compte de la complexité de la migration et de la situation des personnes concernées.

Le ministre de l’Intérieur a raison de souligner les pressions que l’immigration irrégulière fait peser sur les infrastructures de la République de Djibouti. Des flux migratoires non contrôlés peuvent en effet surcharger les systèmes de santé et d’éducation, entraver les efforts de développement national et ainsi accentuer les tensions sociales. La sécurité et la stabilité de la nation doivent être protégées, et cela implique parfois des mesures difficiles. Le gouvernement a certes la responsabilité de garantir la sécurité de ses citoyens. Mais il doit aussi assurer une gestion rationnelle et efficace de l’immigration.

Car il faut reconnaître que, derrière les chiffres et les statistiques, se trouvent des êtres humains, souvent contraints de fuir des situations de guerre, de pauvreté ou de désespoir. En affirmant la nécessité d’opérations de régulation, le gouvernement est en même temps conscient de cette autre nécessité de protéger les droits fondamentaux de ces personnes. La mise en place d’un comité mixte, avec la participation des représentants de l’ambassade d’Éthiopie, montre que la dimension humaine n’est pas écartée de ces actions. En supervisant les opérations sur le terrain, ce comité s’assurera que celles-ci se déroulent dans le respect des lois et des accords internationaux.

Cette initiative de coopération bilatérale avec l’Éthiopie témoigne de la volonté claire du gouvernement djiboutien d’aborder cette question de manière concertée et responsable. Il ne s’agit pas uniquement à « rafler » et refouler ceux qui sont en situation irrégulière, mais aussi d’établir un processus d’enregistrement des travailleurs domestiques présents sur le territoire. Ainsi, loin de vouloir ériger des barrières, de s’isoler des autres, notre pays cherche à mettre en place des solutions fiables pour encadrer la migration légale et protéger les droits des travailleurs.

Le succès de ces opérations dépendra largement de la manière dont elles seront mises en œuvre. Pour être pleinement efficaces, elles doivent bien entendu exclure tout excès ou abus, d’où qu’il vienne. La fermeté nécessaire ne signifie pas répression aveugle, elle doit être accompagnée d’une méthode réfléchie, où l’humanité et la justice ont toute leur place. Djibouti a toujours été un carrefour de cultures et de civilisations, et cette tradition historique d’ouverture et d’accueil ne doit en aucun cas être abîmée.

Ne nous y trompons pas : notre pays se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. En agissant de la sorte face à l’immigration irrégulière, le gouvernement entend assumer ses responsabilités relatives à la sécurité nationale et au maintien de l’équilibre fragile de notre pays. Les défis sont considérables, mais en adoptant la bonne approche, nous montrerons l’exemple à une région souvent confrontée aux mêmes enjeux.

Cette bonne approche, c’est de concilier sécurité et humanité, fermeté et compassion. Parce qu’au fond, le véritable équilibre d’une société repose sur sa capacité à protéger non seulement ses frontières, mais aussi la dignité de tous ceux qui la traversent.