Dans les rues de Djibouti-ville, le spectacle est devenu tristement banal. Entre les marchés, les écoles, les quartiers résidentiels et les grandes artères de la capitale, des meutes de chiens errants déambulent, livrés à eux-mêmes.
Même le centre-ville administratif n’est guère épargné. Sales, faméliques et parfois agressifs, ces animaux abandonnés sont les témoins d’une double faillite : celle de pouvoirs locaux démissionnaires et celle de citoyens indifférents à leur quotidien.
Ce fléau, loin d’être anodin, pèse lourdement sur la vie des habitants. Les témoignages se multiplient : enfants mordus sur le chemin de l’école, passants poursuivis à la nuit tombée, quartiers entiers en proie à l’insécurité à cause de la présence de ces chiens. Les risques sanitaires sont tout aussi préoccupants, car la rage est loin d’avoir disparu et la prolifération de ces animaux accroît la menace d’épidémies. Que dire aussi des nuisances sonores nocturnes, des poubelles éventrées et de l’image dégradée d’une capitale qui aspire pourtant à la modernité ?
Face à cette réalité criante, le silence de ceux censés veiller sur la quiétude et la propreté de la capitale est assourdissant. Où sont les services municipaux ? Où sont les campagnes de stérilisation, les centres de recueillement et les programmes de sensibilisation ? L’errance animale n’est pas une fatalité. Ailleurs, dans d’autres capitales africaines, des initiatives courageuses ont permis de reprendre le contrôle : réglementations strictes, partenariats avec des vétérinaires, mobilisation de la société civile pour des interventions ciblées.
Laisser les choses en l’état, c’est accepter une forme d’abandon collectif. C’est nier le droit à la sécurité des citoyens, en particulier des plus vulnérables — femmes, enfants, personnes âgées — et c’est entériner l’échec d’une gouvernance locale en matière de salubrité publique.
Il ne s’agit pas de stigmatiser ces animaux, qui sont souvent les premières victimes de l’irresponsabilité humaine. Il s’agit d’exiger des réponses concrètes, coordonnées et durables. Il est temps que les autorités municipales, les ministères concernés ainsi que les associations citoyennes unissent leurs forces. Car la ville de Djibouti ne peut se construire sur l’indifférence et l’improvisation.
Dans cette affaire, la vraie sauvagerie n’est peut-être pas celle des canidés… mais celle de notre inaction.