Le 33ème Sommet de l’Assemblée Générale de l’Union Africaine, réunissant les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres, a été clôturé hier, lundi 10 Février 2020. Et durant deux jours, même si l’absence de certains chefs d’Etat s’est fait remarquée, Addis-Abeba fut le centre d’intérêt de tout un continent. Le rideau retombant comme toujours sur des lots d’espoir et d’amertume. Et l’objet du désarroi qui fut apparent durant la Conférence n’est autre que la paix. Tout au long des interventions, et face à cette préoccupation principale qui semble insoluble, les dirigeants africains n’ont cessé, deux jours durant, d’affirmer leur volonté de trouver une solution définitive qui soit en mesure d’instaurer la paix et la stabilité sur un Continent qui a beaucoup souffert. En effet, depuis les premières années d’indépendance à ce jour, l’Afrique reste minée par des conflits ravageurs et meurtriers qui entravent gravement à son développement. Pourtant, à quelques exceptions près, les guerres de frontières opposants des pays voisins y sont plutôt rares. Il n’en est pas moins le théâtre d’évènements tragiques amplifiés par la passivité générale de l’opinion internationale. Et ceci, en dépit de l’extrême gravité de certains d’entre eux et des lourdes menaces qu’ils font peser sur des populations civiles innocentes.
Face à la raison, la fatalité l’emporte et alimente l’irrationalité. Le Continent Africain semble à jamais poursuivi et persécuté par des démons sans pitié. Lorsque ces démons sanguinaires ne sont autres que ses propres fils, l’incompréhension devient totale.
A ce jour, plus de cinq millions de morts sont à déplorer dans cette Afrique contemporaine sous développée, sous alimentée et où l’on meurt encore par manque de nourriture et de soins. C’est dans cette situation de précarité que le président en exercice, l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, a passé le témoin. Laissant à son successeur, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, qui présidera la destinée de l’UA pour cette année 2020, un lourd héritage dominé par des dossiers non résolus comme celui de la Libye ou du terrorisme.
C’est dans ce contexte que le Président de la République de Djibouti, Son Excellence Monsieur Ismaïl Omar Guelleh, a plaidé pour l’essentiel en faveur de cette paix qui continue de traumatiser les esprits et a déclaré dans son discours que «Faire taire les armes en Afrique n’est pas un choix mais un impératif ».
Les pays, a insisté le Président, ont besoin de développements sociaux-économiques fiables pour subvenir aux besoins cruciaux d’une population qui ne cesse de croître. Mais, pour être réalisés, de tels programmes ont besoins de paix, de sécurité et de stabilité. Alors comment faire taire les armes ? Car, en matière de paix et de sécurité, l’Union Africaine ne s’est jamais donné les moyens de ses ambitions. Le financement de toutes les activités du Conseil Paix et Sécurité, quelle que soit la zone d’intervention, dépend à ce jour de la bonne volonté de bailleurs de fonds étrangers au Continent.
Les premières lueurs d’espoir viennent donc de cette attention particulière accordée désormais au Conseil Paix et Sécurité : l’organe décisionnel permanent de l’Union Africaine pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Un Conseil qui va bénéficier, selon les prévisions, d’un financement apporté dans son intégralité par les pays membres de l’Union, garanti par des contributions obligatoires et dont la dotation est fixée à 400 millions de dollars. Ce fonds, destiné entièrement aux opérations de soutien à la paix, assurera surtout une indépendance certaine de l’Union Africaine qui lui facilitera la mise en place et la conduite de son propre programme de paix et de sécurité sur la base de ses propres évaluations des problèmes.
Au cours de son intervention à la tribune, Moussa Faki Mahamat a déclaré : « Nous n’avons presque plus de conflit inter-états sur le continent ». Pour le président de la Commission de l’UA, le terrorisme, les guerres communautaires et les luttes intestines alimentées par la politique, à l’image de la Somalie, du Sud-Soudan, Cameroun et de la Libye, restent les principales menaces qu’il faut combattre avec courage et persévérance. En clair, trouver d’autres moyens pour « construire la paix autrement, en mettant en œuvre des solutions innovantes qui relativisent la solution militaire et le tout dans la solidarité. Selon le Président de la Commission de l’UA, « des solutions africaines doivent être trouvées aux problèmes africains », ne cachant pas en amont du sommet, l’échec de l’engagement pris par l’UA en 2013 de “mettre un terme à toutes les guerres en Afrique d’ici à 2020”. Sur des dossiers comme celui de la Libye, l’UA semble à l’écart et s’est officiellement plainte auprès de l’ONU d’être systématiquement ignorée. Et malgré la division de l’UA sur ce dossier brulant, les rangs africains semblent se resserrer pour prendre l’initiative et faire aboutir le forum de réconciliation proposée fin janvier lors d’un sommet organisé par le comité de l’UA sur la Libye. D’ailleurs, c’est le Secrétaire des Nations Unies, Antonio Guterres, qui a appelé samedi dernier l’UA à prendre un rôle plus important sur le dossier libyen et a rassuré le lendemain qu’un “nouveau cadre de coopération” entre l’UA et l’ONU a été établi à ce sujet. Malgré tout, et à cause des enjeux, le fossé sur la question reste énorme.
La Zone de Libre Echange Continental Africaine (ZLECAF), lancé officiellement au sommet de Niamey au mois de juillet dernier, a été également au centre des discussions. Ce marché, qui pèse 1,2 milliard de consommateurs, est prévu pour s’ouvrir au mois de juillet prochain. Certaines modalités continues cependant d’être négociées sans aboutir vers un consensus final. Cette zone de libre-échange, dès sa mise en route, couvrira l’ensemble du continent africain et regroupera d’une part la zone tripartite de libre-échange (le Marché commun de l’Afrique orientale et australe « COMESA », la Communauté d’Afrique de l’Est « CAE » et la Communauté de développement d’Afrique australe « SADC », et d’autre part la Communauté économique des États de l’Afrique centrale « CEEAC », la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest « CEDEAO », l’Union du Maghreb arabe et la Communauté des États sahélo-sahariens. L’objectif du projet étant d’intégrer à terme l’ensemble des 55 États de l’Union africaine au sein de la Zlecaf.
Mise en suspend en 2019, l’ambitieux projet de réforme de l’organisation a été également à l’ordre du jour. Une réforme dont le but est de rendre plus efficace le fonctionnement administratif de l’organisation tout en réduisant considérablement son côté budgétivore. Mais surtout, cette réforme concerne le système de financement de l’UA qui dépend fortement du financement des bailleurs de fonds pour gérer ses programmes et ses activités puisque plus de 40 % des États membres ne versent pas leurs contributions annuelles ; et qu’il est toujours difficile de mettre en œuvre le prélèvement de 0,2 % sur les importations et permettre à l’Union africaine d’assurer son autofinancement à long terme. Il est donc tout-à-fait normal que l’UA reste à la merci de ses bailleurs de fonds. La réforme a du pain sur la planche. Elle doit impliquer les Etats à participer intégralement au processus d’établissement du budget de l’UA. Selon l’Organisation, il n’existe aucune « règles d’or définissant des principes clairs de gestion financière et de responsabilisation dans les Statuts et le Règlement financier de la Commission de l’Union africaine ». Pire encore, la Commission ne dispose pas non plus d’un «mécanisme solide de contrôle et de responsabilisation » pour s’assurer que les ressources sont utilisées de manière « efficace et prudente ».
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, dans son discours de clôture de la Conférence a exposé l’orientation de son action pour ce mandat et déclaré que l’UA «concentrerait son travail dans la résolution des conflits et la mise en œuvre de la Zlecaf», convoquant à ce sujet un sommet spécial pour le mois de mai. “Nous allons concentrer notre travail sur la résolution des conflits”, a dit Cyril Ramaphosa, dont le successeur en 2021 à la tête de l’UA sera le président congolais, Félix Tshisekedi.
L’Union Africaine doit prouver sa maturité et se prendre en charge pour être plus crédible et assurer librement toutes ses activités au programme depuis des décennies. Il doit également se racheter pour regagner la confiance d’une population africaine complètement démunie et laissée pour compte. Une population fatiguée et las d’entendre chaque année les mêmes refrains.
Savoir sur l’Union Africaine
La Conférence
La Conférence des chefs d’État et de gouvernement est l’organe suprême de prise de décision et de définition des politiques de l’Union africaine (UA). Elle est composée des chefs d’État et de gouvernement de tous les États membres. Elle définit les politiques de l’UA, fixe ses priorités, adopte son programme annuel et assure le contrôle de la mise en œuvre de ses politiques et décisions.
En outre, la Conférence :
– Elit le président et le vice-président de la Commission de l’UA (CUA)
– Nomme les commissaires de la Commission et détermine leurs fonctions et leurs mandats ;
– Accepte l’adhésion de nouveaux membres au sein de lʼUA ;
– Adopte le budget de l’UA ;
– Prend des décisions sur les questions majeures concernant lʼUA ;
– Amende l’Acte constitutif conformément aux procédures établies ;
– Interprète l’Acte constitutif ;
– Approuve la structure, les attributions et les règlements de la Commission de lʼUA;
– Détermine la structure, les attributions, les pouvoirs, la composition et l’organisation du Conseil exécutif.
La Conférence peut créer tout comité, groupe de travail ou commission qu’elle juge nécessaire. Elle peut également déléguer ses pouvoirs et fonctions à tout autre organe de l’Union africaine, le cas échéant.
Les réunions
Conformément aux dispositions de l’Acte Constitutif de l’UA, la Conférence se réunissait en session ordinaire une fois par an. Lors du sommet de 2004, la Conférence a décidé de tenir deux sessions ordinaires par an en janvier et en juin ou juillet de chaque année. La Conférence peut également se réunir en session extraordinaire à la demande d’un État membre, sous réserve de l’accord de la majorité des deux tiers des États membres.
Dans le cadre des réformes institutionnelles de l’Union africaine, la Conférence a convenu en janvier 2017 de tenir un sommet ordinaire annuellement et des sessions extraordinaires, le cas échéant. En lieu et place du Sommet de juin ou juillet, le Bureau de la Conférence tiendra une réunion de coordination avec les Communautés économiques régionales (CER), avec la participation des présidents des CER, de la Commission de l’UA et des mécanismes régionaux.
Représentations, Invités
La Conférence a également décidé que des acteurs externes ne pourraient être invités aux Sommets qu’à titre exceptionnel et pour un objectif spécifique, et que les chefs d’États ne sauraient être représentés aux Sommets par des autorités d’un rang inférieur à celui d’un vice-président, d’un premier ministre ou leur équivalent. Par la suite, il a été proposé de rabaisser le niveau de participation aux Sommets et y accueillir, dans certaines circonstances, les ministres des Affaires étrangères.
Quorum
Le quorum est constitué des deux tiers des États membres de l’UA pour toute session de la Conférence. La Conférence prend ses décisions par consensus ou à défaut, à la majorité des deux tiers des États membres (Acte constitutif, article 7). Les questions de procédure, y compris pour déterminer si une question porte ou non sur la procédure, sont prises à la majorité simple.
Le quorum est constitué des deux tiers des États membres de l’UA pour toute session de la Conférence. La Conférence prend ses décisions par consensus ou à défaut, à la majorité des deux tiers des États membres (Acte constitutif, article 7). Les questions de procédure, y compris pour déterminer si une question porte ou non sur la procédure, sont prises à la majorité simple.
(Source UA)