Le 19 août est la journée mondiale de la photographie. A cette occasion nous vous présentons la naissance de cette technique qui a révolutionné le monde.
La photographie est présente partout aujourd’hui dans les domaines de la science, de la publicité, des médias d’actualité, de la propagande ou simplement de notre vie personnelle, avec les souvenirs de nos vacances ou nos selfies. Il est bien difficile d’imaginer un monde sans. Pourtant il y a 200 ans, elle n’existait pas. Pendant la période entre les deux Napoléons, dans la première moitié du XIXe siècle, des expériences sont imaginées en France et en Angleterre. Lorsque le neveu de Napoléon Ier, Louis-Napoléon, devient empereur des Français en 1852, la photographie est en train de faire sa propre petite révolution.
Qu’est-ce que la photographie ?
Le mot « photographie » signifie littéralement « dessin avec de la lumière ». Le mot aurait été inventé par le scientifique britannique Sir John Herschel en 1839 à partir des mots grecs phôs (génitif: phôtos) signifiant «lumière» et graphê signifiant «dessin ou écriture». La technologie qui a conduit à l’invention de la photographie combine deux sciences distinctes : l’optique, avec la convergence des rayons lumineux pour former une image à l’intérieur d’une caméra, et la chimie, pour permettre à cette image d’être capturée et enregistrée en permanence sur un support photosensible (sensible à la lumière).
Dès la Renaissance (aux XIVe et XVIe siècles), les artistes utilisent une sorte de « caméra » primitive appelée camera obscura (expression latine signifiant « chambre sombre » et qui a donné notre mot actuel « caméra »). Cette camera obscura leur permet de dessiner d’après nature de manière plus précise.
Le phénomène naturel qui en est la base avait déjà été observé pendant des centaines (voire des milliers) d’années : on place un objet ou une scène devant une boîte fermée (donc dans le noir) percée juste d’un petit trou ; par l’action de la lumière pénétrant par ce trou, le reflet de l’objet ou de la scène se crée naturellement sous forme d’image inversée dans le fond de la boîte. [Image] Mais la camera obscura permet de visionner cette image seulement en temps réel. Pour « l’enregistrer » en permanence, les artistes dessinent à la main l’image à l’intérieur de la caméra.
Premières expériences photographiques
Vers 1800, l’Anglais Thomas Wedgwood réussit à produire une image, en négatif et en noir et blanc, à l’intérieur d’une camera obscura et à la fixer sur du papier et du cuir blanc traités au nitrate d’argent. Ce produit chimique est connu depuis le Moyen Âge pour s’obscurcir naturellement lorsqu’il est exposé à la lumière. Cependant, Wedgwood n’est pas en mesure de conserver définitivement l’image : ses parties plus claires finissent aussi par s’assombrir après plusieurs minutes. Sa découverte est rapportée dans un journal scientifique en 1802 par un chimiste, Humphry Davy, dans un article qui sera traduit en français.
En 1816, le Français Nicéphore Nièpce réussit à capturer de petites images de camera obscura sur du papier traité au chlorure d’argent, un autre produit chimique sensible à la lumière. Cependant, comme Wedgwood, il ne parvient pas non plus à préserver ses images. Il se met donc à expérimenter d’autres substances sensibles à la lumière et, en 1822, il invente un procédé qu’il nomme « héliographie » (des mots qui viennent ici encore du grec et qui signifient « dessin du soleil »). Nièpce développe son procédé entre 1826 et 1827, et réussit à faire la première photographie qui puisse être conservée. Elle montre une fenêtre à Le Gras (Saint-Loup-de-Varennes, Saône-et-Loire) , sur un support de plaque d’étain revêtue de bitume dilué dans de l’huile de lavande. Le temps d’exposition (temps de pose) de la photo a probablement été de… plusieurs jours !
Quelques années plus tard, Nièpce s’associe à Louis Daguerre pour améliorer le procédé d’héliographie à l’aide d’une résine plus sensible à la lumière et d’un meilleur traitement de l’image après exposition. À la mort de Nièpce en 1833, Daguerre découvre une nouvelle technique : il remplace le produit chimique photosensible de nitrate d’argent par de l’iodure d’argent. Il améliore également les délais d’exposition, qui étaient jusqu’ici de plusieurs heures, lorsqu’il constate que l’image capturée en quelques minutes, encore invisible, peut être révélée plus tard, après des bains de vapeurs de mercure. Daguerre vient d’inventer le développement des photos.
Le 7 janvier 1839, la découverte de Daguerre est présentée lors d’une réunion de l’Académie des Sciences. Devant l’importance de cette invention, le gouvernement décide de donner à Daguerre un salaire à vie s’il renonce à faire breveter cette méthode et la laisse libre d’être utilisée par tous.
Le daguerréotype, comme on finit par appeler ce nouveau procédé, est un succès immédiat, en partie parce qu’il n’est pas très cher. En quelques années, des studios de photographie se répandent dans Paris puis dans le monde entier. Désormais, les classes moyennes peuvent commander des portraits, usage qui était réservé à une certaine élite quand seule la peinture permettait, jusqu’alors, de se faire représenter.
En 1835, alors que Daguerre perfectionne son procédé, l’Anglais William Fox Talbot produit une technique similaire pour obtenir des images photographiques négatives, mais utilise le papier comme support. Cette méthode exige toujours un temps d’exposition important, au moins une heure. Après avoir pris connaissance des découvertes de Daguerre sur le développement photographique, Talbot applique la méthode du bain de vapeurs de mercure à ses photographies sur papier. Le négatif translucide qu’il obtient, bien que moins détaillé que le daguerréotype, présente d’autres avantages : il peut être utilisé plusieurs fois pour produire plusieurs copies positives. Talbot vient d’inventer les « doubles » de photos. En 1841, il rend public ses résultats. Désormais on appellera ces nouveaux clichés « talbotypes » ou, plus généralement, « calotypes » (du grec kalos, beau, et tupos, impression ou empreinte.) Ce processus d’impression négatif-positif restera la base de la reproduction photographique tout au long des XIXe et XXe siècles, jusqu’à l’invention de la photographie numérique.
Jetez un œil à une vidéo du processus calotype : c’est en anglais !
En France, cette nouvelle technologie est parfois mal accueillie, surtout par les peintres qui y voient une menace pour leur art. Le caricaturiste Honoré Daumier, par exemple, n’hésite pas à se moquer des photographes les plus célèbres et de leurs clients. Le poète et critique d’art Charles Baudelaire voit dans la photographie la manifestation du narcissisme de la société moderne : « La société immonde s’est précipitée comme un seul Narcisse pour contempler son image banale sur le métal ». Aucun doute, il aurait détesté les selfies! Mais tous les artistes ne sont pas forcément hostiles à la photographie : certains devinent le potentiel de créativité du nouveau média, comme Gustave Le Gray. Ce peintre de formation fonde ses propres studios de portraits, où il photographie ses amis et sa famille mais aussi des clients notables et célèbres. Il enseigne également la technique photographique qu’il contribue à améliorer. En 1848, il s’aperçoit que l’application de cire sur le papier des négatifs permet d’obtenir plus de détails sur le tirage. En 1850, il invente un processus de négatif en verre connu sous le nom de « collodion humide » (qui sera perfectionné par l’Anglais Frederick Scott Archer). Cette méthode allie la précision du daguerréotype à la reproductibilité du calotype.
Gustave Le Gray est le premier photographe officiel d’un chef d’État français: Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, président en 1848 puis empereur à partir de 1852. Comme d’autres monarques (la reine Victoria d’Angleterre, par exemple), Louis-Napoléon se rend rapidement compte que la photographie permet d’humaniser sa souveraineté et de se rapprocher de ses compatriotes. Il est également sensible au fait que les photographies peuvent être reproduites en grand nombre et sous divers formats, en cartes de visite de poche ou en estampes plus luxueuses : quelle diffusion et quelle publicité dans tout l’Empire !
Missions scientifiques et reportages photographiques
La photographie n’est pas utilisée que pour le portrait. Les services des photographes sont demandés afin de documenter toutes sortes de sujets à des fins scientifiques. Napoléon III lui-même a initié certains de ces projets : la mission héliographique, par exemple, a pour but est de photographier tous les édifices historiques français en péril. L’Empereur commande également des rapports illustrés de photographies sur le nouveau camp militaire à Châlons. Il fait aussi venir des photographes durant la guerre de Crimée pour suivre les troupes françaises engagées contre la Russie. Le reportage photographique et le reportage de guerre sont nés !
Avant l’invention de la photographie, les actualités et les nouvelles sont rapportées principalement par l’écriture ou parfois par des estampes ou des peintures. Ce n’est qu’en 1848, au moment de la chute de la monarchie de Juillet, que l’on produit une photographie d’un événement en cours : la barricade de la rue Saint-Maur (25-26 juin). Elle sera largement reproduite et diffusée. Cette photographie est la première photographie historique de France.