En ratifiant l’Accord relatif à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, plus connu sous l’acronyme BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction), la République de Djibouti réaffirme son engagement en faveur de la préservation des océans et de la gouvernance internationale des biens communs. Ce pas décisif, acté par la promulgation de la loi n°181/AN/25/9ème L par le Président Ismaël Omar Guelleh, fait de Djibouti le 52e État à rejoindre ce cadre historique négocié sous l’égide des Nations Unies.

Adopté le 19 juin 2023 au siège de l’ONU, l’Accord BBNJ vient compléter la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) de 1982. Son objectif est clair : combler le vide juridique qui laissait jusqu’ici sans protection spécifique les vastes zones maritimes au-delà des juridictions nationales. La haute mer, qui couvre près de la moitié de la surface de la planète et constitue plus des deux tiers de l’océan mondial, échappait en effet à tout mécanisme de gestion intégré pour la biodiversité marine.

Face aux menaces croissantes – surexploitation, pollution plastique, acidification des océans, impacts du changement climatique – l’Accord BBNJ pose des principes concrets : la conservation et l’utilisation durable des ressources, le partage juste et équitable des avantages tirés des ressources génétiques marines, le transfert de technologies marines et le

Pour Djibouti, ce traité n’est pas qu’une formalité diplomatique. Comme l’a rappelé le Ministre de l’Environnement et du Développement Durable, Mohamed Abdoulkader Moussa Helem, lors de l’adoption de la loi à l’Assemblée nationale, cet accord ouvre une nouvelle dynamique. Elle permettra au pays de développer ses capacités scientifiques et techniques dans les domaines liés aux sciences de la mer et à la gouvernance des écosystèmes marins.

Dans la Corne de l’Afrique, Djibouti jouit d’une position géostratégique unique à l’entrée de la mer Rouge, un carrefour maritime mondial exposé à des défis environnementaux considérables. L’adoption de l’Accord BBNJ traduit la volonté des autorités djiboutiennes de protéger ce corridor vital tout en s’inscrivant dans une approche coopérative avec les autres États côtiers d’Afrique, qui bénéficieront également du transfert de technologies et du renforcement de capacités prévu par le traité.

Aires marines protégées et outils de gestion innovants

Parmi les leviers prévus par l’accord, figure la création d’outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées (AMP). Ces dispositifs permettront de désigner et gérer des zones écologiquement sensibles pour en garantir la conservation et, si possible, une exploitation raisonnée et compatible avec les objectifs de durabilité.

À l’échelle mondiale, la multiplication des AMP constitue l’un des moyens les plus efficaces pour enrayer l’érosion de la biodiversité marine et restaurer les écosystèmes dégradés. Pour Djibouti, la mise en œuvre de telles mesures pourrait contribuer à protéger ses récifs coralliens, ses mangroves et ses ressources halieutiques, tout en soutenant l’économie bleue nationale.

L’un des aspects les plus novateurs du BBNJ réside dans le partage des bénéfices issus de l’exploitation des ressources génétiques marines, souvent situées en haute mer et convoitées pour leurs applications pharmaceutiques, biotechnologiques ou industrielles. L’Accord consacre le principe selon lequel ces ressources, considérées comme patrimoine commun de l’humanité, doivent profiter équitablement à tous les États, notamment aux pays en développement.

Ce mécanisme doit non seulement permettre de corriger un déséquilibre historique – les États disposant de flottes et de technologies avancées exploitant les ressources sans contrepartie pour les autres – mais aussi financer des projets de recherche, des programmes de renforcement des capacités et d’accès aux données scientifiques.

Au-delà du partage des avantages, l’Accord insiste sur la coopération internationale en matière de recherche scientifique marine. Djibouti, qui développe depuis plusieurs années ses infrastructures portuaires et ses capacités de surveillance maritime, pourra renforcer sa coopération avec les universités, instituts et centres de recherche régionaux et internationaux. Le transfert de technologies marines et l’accès aux données numériques de séquençage figurent parmi les mesures concrètes destinées à garantir que les découvertes scientifiques ne restent pas l’apanage des seules puissances maritimes. La mise en place d’un Centre d’échange chargé de centraliser et diffuser les informations issues des activités de recherche contribuera à cette dynamique de partage ouvert.

Une approche inclusive et respectueuse des communautés locales

Autre dimension majeure : la reconnaissance des savoirs traditionnels des peuples autochtones et des communautés locales. Le traité prévoit que toute utilisation de ces connaissances dans la gestion des ressources génétiques marines doit se faire avec leur consentement libre, préalable et éclairé, dans le respect des droits culturels et environnementaux.

Pour Djibouti, où certaines communautés côtières vivent encore en étroite interaction avec l’océan, ce volet représente une opportunité de valoriser les pratiques de gestion traditionnelle des ressources marines et de les intégrer aux politiques publiques de conservation.

Reste un enjeu de taille : traduire ces principes ambitieux en actions concrètes. La mise en place de zones protégées, la surveillance des activités en haute mer, la gestion des impacts environnementaux, le suivi du partage des avantages : autant de chantiers nécessitant des moyens humains, techniques et financiers importants.

Le texte prévoit que les Parties, notamment les petits États insulaires et les pays côtiers d’Afrique, bénéficieront d’un soutien spécifique pour développer leurs capacités et surmonter les contraintes logistiques et technologiques qui freinent souvent l’application des accords internationaux.

Enfin, l’Accord BBNJ accorde une place essentielle à la transparence et au suivi. Les activités menées dans les zones hors juridiction devront faire l’objet de notifications, de rapports périodiques et d’évaluations d’impact environnemental. Cette exigence vise à garantir une gestion responsable et à prévenir tout usage non durable ou dommageable pour l’équilibre fragile des écosystèmes marins.

En ratifiant cet accord, Djibouti envoie un signal fort à la communauté internationale : celui d’un pays prêt à assumer sa part de responsabilité dans la protection de l’océan global, au-delà de ses eaux territoriales. En rejoignant le cercle des États qui façonnent une gouvernance plus juste et durable de la haute mer, Djibouti s’inscrit dans une dynamique où la solidarité Nord-Sud et la science ouverte deviennent les piliers d’une gestion partagée de la biodiversité, bien commun de l’humanité. En somme, l’adhésion de Djibouti à l’Accord BBNJ dépasse le cadre d’une simple ratification juridique. Elle incarne une vision : celle d’un État qui entend préserver ses intérêts tout en contribuant à la protection d’un patrimoine naturel commun, essentiel pour l’équilibre de la planète et les générations futures.