
Face aux défis climatiques et alimentaires qui pèsent sur la Corne de l’Afrique, Djibouti fait le pari du numérique pour renforcer la résilience de son agriculture et moderniser son appareil productif. Sous le haut patronage du ministre de l’Agriculture, de l’Eau, de la Pêche, de l’Élevage et des Ressources halieutiques, M. Mohamed Ahmed Awaleh, un atelier de lancement du Projet pilote de services agricoles numériques s’est tenu dimanche 5 octobre à l’hôtel Delight Premium, en présence de nombreux acteurs nationaux et internationaux du développement rural.

Organisé en partenariat avec la Banque africaine de développement (BAD) et l’Alliance Bioversity International & CIAT, ce projet baptisé BREFONS-Djibouti ambitionne d’introduire des outils numériques innovants pour améliorer la diffusion de l’information agricole, l’accès aux conseils techniques et la gestion durable des ressources naturelles.
Pendant trois jours, chercheurs, techniciens, organisations paysannes, représentants des collectivités et acteurs du secteur privé se sont réunis pour partager leurs expériences, échanger leurs points de vue et tracer ensemble la feuille de route d’une transformation agricole fondée sur la technologie et la connaissance.
Dans son allocution d’ouverture, le ministre Mohamed Ahmed Awaleh a rappelé les difficultés structurelles qui freinent le développement du secteur rural à Djibouti : stress hydrique permanent, pluviométrie faible et irrégulière, sécheresses répétées, érosion des sols et épisodes d’inondations dévastateurs. Ces contraintes, a-t-il souligné, menacent directement la sécurité alimentaire et la stabilité des revenus des ménages ruraux.
« Notre pays connaît un stress hydrique structurel et une disponibilité limitée des terres irrigables. Les coûts logistiques et les dépendances aux importations alimentaires pèsent lourdement sur nos filières. Il est donc impératif d’agir pour rendre notre agriculture plus résiliente, plus productive et plus inclusive », a-t-il déclaré devant une assistance attentive.
Le ministre a salué la pertinence du projet BREFONS, qui, selon lui, apporte une réponse concrète et pragmatique aux besoins des producteurs djiboutiens. L’initiative prévoit en effet de mettre à la disposition des agriculteurs et éleveurs des services d’information et de conseil accessibles via les téléphones mobiles, en plusieurs langues locales (afar, somali, arabe et français simple). Ces services incluent des vidéos de vulgarisation, des messages SMS, des plateformes interactives et des outils de réponse vocale. Au total, au moins 150 producteurs – dont 40 % de femmes – seront accompagnés directement dans le cadre de cette phase pilote. Des ateliers de co-création permettront de garantir la pertinence des messages diffusés, tandis qu’une feuille de route sera élaborée pour assurer la mise à l’échelle et la durabilité financière des solutions testées.

Le numérique au service du monde rural
Pour le ministre Mohamed Ahmed Awaleh, le numérique ne doit pas être vu comme une fin en soi, mais comme un levier au service de la décision et de la performance collective. « Il ne s’agit pas de technologie pour la technologie. Le numérique doit être un outil public au service de l’intérêt général, un instrument pour éclairer les choix des producteurs, optimiser la ressource en eau, sécuriser les récoltes, réduire les pertes et améliorer durablement les revenus », a-t-il insisté.
Il a également indiqué que le projet BREFONS sera expérimenté dans les régions d’Ali Sabieh et de Tadjourah, deux zones où coexistent les systèmes pastoraux et agropastoraux. Ces zones serviront de laboratoires d’apprentissage avant une éventuelle extension du dispositif à l’échelle nationale.
Le ministre a conclu son intervention en remerciant la Banque africaine de développement pour son appui financier, l’Alliance Bioversity International & CIAT pour son expertise technique, ainsi que le secrétaire général du ministère et ses équipes pour leur engagement constant. Il a aussi tenu à saluer les producteurs, productrices et agroéleveurs, « premiers destinataires et véritables acteurs de cette transformation agricole ».
Le représentant de l’Alliance Bioversity International & CIAT, M. Issa Ouedraogo, a, pour sa part, rappelé la vocation de son organisation à soutenir des solutions innovantes en matière d’agriculture intelligente face au climat.
« L’Alliance s’engage à mobiliser son expertise internationale en synergie avec les acteurs nationaux et locaux, pour que Djibouti devienne une référence régionale en matière d’agriculture numérique et de gestion intelligente du climat », a-t-il affirmé.
Il a précisé que Djibouti fait partie des pays prioritaires pour l’Alliance Bioversity-CIAT, qui a déjà élaboré une stratégie d’accompagnement alignée sur les grandes politiques publiques nationales, notamment la Vision Djibouti 2035. Ce document stratégique, véritable boussole du développement national, place la sécurité alimentaire, la durabilité environnementale et la croissance inclusive au cœur de l’action publique.
M. Ouedraogo a également évoqué d’autres cadres d’orientation tels que le Programme National d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNIASAN), qui vise à renforcer la résilience climatique et à promouvoir une agriculture économe en eau. Il a cité le Plan Stratégique Pays du Programme Alimentaire Mondial (2020-2024), orienté vers l’objectif « Faim Zéro », ainsi que la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE), qui met l’accent sur le développement rural et l’emploi des jeunes.
L’intervenant a conclu en remerciant le gouvernement djiboutien, la BAD et l’ensemble des institutions partenaires pour leur engagement et leur confiance. « Le succès de cette initiative dépendra de notre capacité collective à associer innovation, inclusion et ancrage local », a-t-il souligné.
Une dynamique d’avenir pour l’agriculture djiboutienne
L’atelier, qui se poursuivra pendant trois jours, permettra de préciser les modalités techniques et opérationnelles du projet. Des sessions de travail réuniront les experts de l’Alliance Bioversity-CIAT, les cadres du ministère, les représentants des collectivités régionales et les organisations paysannes, afin de co-construire des solutions adaptées au contexte djiboutien.
Pour les participants, cette initiative marque un tournant. Dans un environnement souvent hostile, où chaque goutte d’eau compte et où les cycles de production sont fragiles, l’accès à une information fiable et à des conseils ciblés peut faire la différence. L’ambition affichée est de créer un modèle d’agriculture connectée, capable d’anticiper les aléas, de réduire les risques et d’ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour les communautés rurales. La transition numérique du secteur agricole, amorcée avec ce projet pilote, s’inscrit plus largement dans la vision du gouvernement de Djibouti, qui entend faire du numérique un moteur transversal du développement économique. Qu’il s’agisse de santé, d’éducation, de commerce ou d’agriculture, le pays multiplie les initiatives pour adapter ses politiques publiques à l’ère digitale.
Le projet BREFONS-Djibouti, par son approche participative et inclusive, illustre parfaitement cette dynamique : utiliser la technologie non comme un gadget, mais comme un outil d’émancipation, d’efficacité et de durabilité.
Avec ce programme novateur, Djibouti trace sa voie vers une agriculture intelligente et connectée, à la fois plus compétitive et plus résiliente face aux effets du changement climatique. En alliant innovation technologique et savoir-faire local, le pays confirme sa volonté d’entrer de plain-pied dans la modernité agricole, au service de la souveraineté alimentaire et du développement durable.
Djibril Abdi Ali