Samedi 13 juin 2020, le Président de la République de Djibouti, Son Excellence Monsieur Ismaïl Omar, annonçait dans un Tweet la tenue, le lendemain, d’une réunion de consultation relançant la médiation et le dialogue interrompues entre le Somaliland et la Somalie. Le Tweet fit immédiatement effet sur les réseaux sociaux et l’ensemble du peuple somali, où qu’il soit, n’hésita pas à saluer avec beaucoup de louange l’initiative du président djiboutien. Et dès dimanche matin, 14 Juin 2020, les délégations attendues débarquent l’une après l’autre à l’Aéroport International de Djibouti. Ainsi, le Premier Ministre Djiboutien, Monsieur Abdoulkader Mohamed Kamil, accueilli tour à tour le Premier Ministre éthiopien, SEM Abye Ahmed, le Président du Somaliland, SEM Muse Biixi  et le Président de la Somalie, SEM Mohamed Abdullahi Mohamed. Avec le tapis rouge déroulé et un piquet d’honneur assorti, à l’aéroport et à la Présidence, l’accueil a été plus qu’honorable et très chaleureux. Réunir autour d’une même table deux présidents que la presse internationale qualifie de « frères ennemies » est une première et une véritable prouesse diplomatique dont le peuple djiboutien est fière !

Lors de l’ouverture donc, dimanche dernier, de la réunion de relance des pourparlers entre la Somalie et le Somaliland, présidé par le Président Ismaïl Omar Guelleh, le Chef de l’Etat djiboutien a mis en exergue l’importance que revêt une telle rencontre en espérant que les deux parties puissent avoir « des discussions fructueuses ». L’objectif ultime étant, selon le Président Djiboutien « de progresser sur les sujets pratiques de coopération avant d’entamer le côté politique ».

Pour mieux comprendre la situation, un léger retouren arrière s’avère nécessaire.

Au Nord, après la chute du Général Siad Barre en 1991, la paix et la réconciliation sont à l’honneur. En effet, il a suffit d’une seule conférence pour sceller l’engagement qui a permis d’enterrer la hache de guerre et de prendre ensemble la plus importante décision de leur vie : la proclamation unilatérale de la République de Somaliland et son territoire fixé dans les limites des frontières héritées de l’Empire Coloniale Britannique. Mais la reconstruction sera lente. Les premières années, les armes sont toujours en bandoulière et l’on a du mal à oublier le son des rafales et le bruit assourdissants des canons. Les habitudes du maquis ne se perdent pas facilement.

Des clashs intercommunautaires ont eut lieu mais ils restèrent sans trop de conséquences, le système de résolution des conflits étant jugé de performant. La seconde conférence nationale des Sages de l’histoire s’est tenue à Borama en 1993 et a permis : d’élire un nouveau président après le mandat  transitoire du gouvernement installé en 1991 et la mise en place de la première véritable constitution du pays.  

Tandis qu’au Sud, c’est l’escalade et le début d’une longue guerre civile. Pour acheminer l’aide humanitaire, les Nations Unies vont intervenir militairement dès avril 1991. Démarre alors les Opérations des Nations Unis en Somalie (ONUSOM). Déjà à cette époque, la République de Djibouti avait prit l’initiative de voler au secours du peuple somalien et d’organiser dans la capitale, la première conférence de réconciliation somalienne validant un gouvernement de transition.

Dès sa première participation à l’Assemblée Générale des Nations Unies, le Président Ismaïl Omar Guelleh redonne le ton et lance un appel à la communauté internationale pour voler à nouveau au secours du peuple somalien. Il promet de créer un tremplin pour la masse silencieuse et réussi, pour la première fois, à faire participer au dialogue des leaders de la société civile, des chefs de clans et des représentants des milieux d’affaire. Ce fut une réussite car, toutes les bases institutionnelles d’un Etat et son fonctionnement furent créées. De l’avis des observateurs internationaux qui suivent de près le dossier somalien, la Conférence d’Arta était de loin la mieux préparée, la mieux organisée tout en étant celle qui a accueilli le plus large panel de participant. Cette Conférence également avait mit sur pied le premier Gouvernement National de Transition à obtenir, depuis 1991, une très large reconnaissance internationale.  

Pendant trente ans, chacun ramera au milieu d’un océan agité et souvent, face à des vents contraires.

A Mogadiscio, le pouvoir fédéral a du mal à étendre son autorité sur l’ensemble d’un  territoire fragmenté par des structures régionales et instaurer la sécurité à cause des terroristes Al-Shebaab. Les forces armées de l’Amisom, composées de cinq pays dont Djibouti, prendront le relais des Nations Unies et combattent aux côtés des forces armées somaliennes pour instaurer la sécurité et la paix dans le but de restaurer l’autorité du l’Etat.

Pendant ce temps, Hargeisa consolidait son acquit et développait une démocratie saluée par tous les observateurs internationaux. Tout en se démenant pour plaider son cas sur la scène continentale et mondiale sans obtenir gain de cause ou que cela ne suscite le moindre intérêt. En effet, aucun pays à ce jour n’a accepté de lui offrir cette reconnaissance tant espérée et tant recherchée. Ont-ils usé des moyens diplomatiques nécessaires pour l’obtenir ? Certainement ! Ont-ils sût créer une chaîne de lobbies solides capables de préparer le terrain ? C’est moins sûr ! 

C’est dans ce contexte volontairement résumé que le Président de la République, SEM Ismaïl Omar Guelleh a voulu, encore une fois, apporter sa contribution en décidant d’inviter officiellement les présidents de la Somalie et du Somaliland pour les réunir autour d’une table et relancer avec éclats un dialogue rompu depuis Ankara. Ce qui en soit, représente une immense prouesse politique. Imaginez toute la gymnastique nécessaire pour calmer les esprits et ne pas éveiller les susceptibilités néfastes du passé. Il a fallu que le Président de la République fasse preuve d’une volonté de fer nourrie d’une profonde abnégation pour réussir cette virtuosité extrême qui a permit non seulement la tenue de cette réunion mais surtout, de voir les deux Présidents concernés assis côte-à-côte.

Ce fut  historique ! Même si chacun a dû camper sur sa position, un mur épais semble avoir été franchi. Et l’ambiance détendue des premiers clichés laisse augurer un lot d’espoir et des lendemains beaucoup plus prometteurs pour les deux pays. Muse Biixi a d’ailleurs déclaré dans son discours que la reprise des pourparlers « est un facteur important pour assurer un avenir plus durable dans l’accomplissement du devoir onéreux et digne pour construire une relation sûre, sécurisées et stables pour les peuples du Somaliland et de la Somalie ».

Quelle sera la solution finale qui contentera la Somalie et le Somaliland ?

Nul ne peut le prédire ! Cependant, tous ceux qui ont suivi l’évènement dimanche dernier, ont senti les tourbillons de ce vent nouveau qui soufflait autour de cette entrevue. La mise en scène concocté dégageait également une forte odeur de reconnaissance mutuelle des leaders des deux pays frères qui ont fortement salués l’initiative du Président Djiboutien et la nécessité d’instaurer une paix durable dans la Corne de l’Afrique.

Selon le Président Biixi, une seule action permettrait de refermer cette plaie béante que le Somaliland traîne derrière lui  et assurerait une guérison définitive et durable. Est-ce que le Président Mohamed Abdullah Mohamed a le pouvoir d’officialiser définitivement cette séparation en annonçant la reconnaissance du Somaliland dans les jours ou les mois à venir ? C’est quasi impossible sans l’influence des grands décideurs de ce monde. Est-ce que Muse Biixi peut unilatéralement faire marche arrière et engager le pays dans une voie de réunification ? Vu la réalité du terrain, c’est impensable. Mais alors, à quoi peut rimer cette réunion de consultation hyper médiatisée et soutenue par l’Union Africaine, l’Igad, les Etat-Unis et l’Union Européenne ? Certainement à renforcer la paix et la sécurité dans cette région de la Corne de l’Afrique en proie à d’interminables tensions et à instauration une politique de détente entre le Somaliland et la Somalie pour ouvrir une nouvelle ère de développement économique et sociale, faciliter l’acheminement de l’aide internationale, trouver une solution pour les redevances générées par les survols de l’espace aériens, promouvoir les investissements étrangers etc… C’est dans ce sens qu’il a été convenu de mettre en place un comité technique mixte basé à Djibouti, qui a pour mission d’élaborer des modalités de coopération dans ces domaines spécifiques avec pour consigne express de faire fît de toute interférence à caractère politique. Dans une allocution faite lundi matin, lors de la cérémonie d’ouverture des travaux de ce comité, le Président Ismaïl Omar Guelleh s’est dit confiant en l’aptitude des membres des deux parties que compose ce comité technique et en leur capacité d’adopter des solutions historiques, positives et durables dans l’intérêt de leurs peuples. En insistant, dans le cadre des débats, de faire preuve « d’ouverture d’esprit et de consensus ». Le Président de la République avait réaffirmé à cette occasion la volonté de Djibouti à œuvrer encore et toujours en faveur de la paix et de la fraternité des peuples somalis. Le comité technique, qui siègera à Djibouti tout au long du déroulement des travaux, s’est immédiatement attelé à la tâche et travaille depuis en toute sérénité. Le monde entier a salué cette initiative de paix et après un nombre incalculable d’échec et de déception, l’espoir est à nouveau permis !