Cernée par des géants de centaines de milliers, voire de millions de kilomètres carrés, Djibouti semble minuscule avec ses 23 mille km2. Peuplé d’à peine un million d’habitants, notre pays ne fait pas non plus le poids démographiquement face à ses voisins. Voilà le discours bien rodé que nous entendons souvent. En revanche, ce que beaucoup savent moins, c’est la place monumentale que tient Djibouti dans le jeu mondial des rivalités géopolitiques.

À l’heure où les routes maritimes deviennent des lignes de front silencieuses, la République de Djibouti incarne l’un des derniers bastions de stabilité et d’influence stratégique. Juché sur la Corne de l’Afrique, elle s’impose aujourd’hui comme un pivot géostratégique incontournable et courtisé par les plus grandes puissances militaires du globe.

Djibouti contrôle (avec le Yémen) l’entrée du détroit de Bab el-Mandeb, ce goulet par lequel transite plus de 12 % du commerce maritime mondial. Notre « petit » pays veille ainsi sur l’une des artères vitales de la mondialisation. Ce couloir maritime entre la mer Rouge et l’océan Indien est bien plus qu’un simple passage de cargos: c’est un théâtre où s’affrontent des intérêts énergétiques, militaires et numériques. Car sous ses eaux transitent non seulement les hydrocarbures, mais aussi les flux de données, via des câbles sous-marins concentrant plus de 90 % de la capacité de liaison entre l’Europe et l’Asie.

Cette centralité géographique confère à Djibouti un rôle unique : celui de sentinelle planétaire. La présence simultanée de forces militaires étrangères pas toujours alliées – fait sans équivalent dans le monde – témoigne de l’importance vitale accordée à notre « caillou ». Et loin d’être un terrain passif d’affrontements par procuration, Djibouti a su faire de cette position un levier diplomatique et un vecteur de développement. Cette diversification assumée des partenariats, orchestrée depuis 1999 par le président Ismaël Omar Guelleh, illustre une diplomatie pragmatique et lucide : ne dépendre de personne pour mieux compter pour tous.

Il serait cependant naïf de réduire Djibouti à un simple poste d’observation international. En accueillant ces puissances militaires, le pays renforce aussi sa sécurité intérieure, tout en bénéficiant de transferts de savoir-faire, de revenus substantiels et d’un appui en cas de crise, comme en témoignent les nombreuses coopérations militaires et les opérations d’évacuation ou d’aide humanitaire récentes. Autrement dit, Djibouti n’est pas un spectateur, mais un acteur, parfois discret mais toujours central, de la stabilité régionale.

À ceux qui doutent encore du rôle des

«petits» États dans les grandes équations géopolitiques, Djibouti oppose une leçon magistrale : la carte importe autant que la volonté. Et sur cette carte, Djibouti est devenu bien plus qu’un pays : une clé.

Loin d’être seulement au carrefour des routes maritimes, nous sommes au cœur de l’équilibre mondial