Entretien avec Dr Mohamed Mahyoub Hatem

Depuis qu’il est à la retraite, le docteur Mohamed Mahyoub Hatem exerce la profession de coordinateur du Projet UGP/PARSS/AFD/OGPP auprès du ministère de la santé. Il nous a reçus dimanche dernier dans son bureau où il s’est prêté aimablement au petit jeu des questions-réponses et revient sur le parcours qu’il a effectué jusqu’à aujourd’hui.

La Nation : Parlez-nous de votre métier ?

Dr Mohamed Mahyoub Hatem : Je suis économiste de la santé. Cette spécialité est très rare de par le monde. Il s’agit d’appliquer la science économique dans le domaine de la santé, la planification, le développement du système sanitaire, la gestion des ressources humaines et financières, des comptes nationaux de la santé, etc.

Pourquoi avez-vous choisi de devenir économiste de la santé ?

J’ai choisi cette formation après avoir fait ma mémoire de maitrise en 1983 intitulé « La situation socio-économique et le choix de développement en République de Djibouti » où je me suis aperçu que le système sanitaire a besoin de se développer car le personnel formé dans le domaine de l’économie de la santé n’existait pas à l’époque.

Comment peut-on concilier l’économie et la santé en même temps?

Je me souviens en 1986 quand j’ai débuté au Ministère de la Santé un haut responsable m’a dit, à propos de ma formation : « Je vois la question de la santé et je comprends l’économie. Quelle est la relation entre ces deux disciplines?”

Je lui ai répondu que cette discipline est importante pour planifier le système sanitaire et pour mieux gérer les ressources humaines et financières en utilisant les données statistiques, j’étais le premier à mettre en place le système de recueil des données au Ministère de la Santé. En tant que spécialiste en statistiques épidémiologiques. J’étais nommé principal responsable de la mise en place du système de recueil des données au Ministère de la Santé de 1987 à 1990.

D’autre part à l’époque il n’y avait pas de plan national pour le système sanitaire. Le Premier plan, je l’ai fait avec la collaboration de Dr Sabri Belgacem Consultant Tunisien de l’OMS (“Projet d’un Plan National de Développement Sanitaire 1991 – 1995”. Djibouti, juin 1991.) Puis, avec l’équipe du Bureau CREDES sous financement  de la banque Mondiale dont j’étais le Chef de Projet et le Principal responsable de la mise en place du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2002-2006.

Quel avenir pour cette discipline « Economie de la santé » ?

J’ai formé des paramédicaux dès 1986 (infirmiers, sages-femmes, laborantins) au Centre de Formation du Personnel de la Santé de l’époque et de l’ISSS. Ces personnes occupent actuellement des postes importants au Ministère de la Santé. La formation en économie de la Santé leur a permis de bien planifier et de mieux gérer leurs directions.

De même, j’ai formé deux promotions en économie de la santé à l’Université de Djibouti comme Professeur vacataire à l’Université de Djibouti. Cours pour Master des étudiants en Droit et Economie de la Santé. D’Octobre 2013 à janvier 2014. Et d’Octobre 2014 à janvier 2016.

Ces jeunes ont été recrutés par la suite au Ministère de la Santé et au CNSS et d’autres continuent leurs études pour obtenir des doctorats dans ce domaine.

Cette discipline qui était ignorée longtemps, revient à la charge à cause des difficultés économiques que traversent certains pays, prend de l’ampleur dans les organisations mondiales à l’OMS, la Banque Mondiale et la Banque Islamique, etc.

Quel est votre regard sur la santé à Djibouti ?

La prise en charge sanitaire de la population prend de l’importance avec la mise en place de la Couverture Universelle. De même beaucoup des malades, difficiles à traiter à Djibouti, peuvent bénéficier des soins à l’extérieur.

D’autre part, la mise en place à Djibouti de l’Ecole de Médecine a favorisé l’augmentation des médecins dans le pays. Là où il y avait un médecin dans un centre de santé à Djibouti-ville ou dans les régions on en a trois. De même les nouveaux médecins ont permis aux anciens de partir se spécialiser à l’extérieur.

Je suis optimiste quant à l’amélioration de l’état de santé de la population. La santé de la population est la priorité du gouvernement.  

Parlez-nous un peu du Projet d’Appui au Renforcement du Système Sanitaire ou PARSS ?

En février 2021, une « feuille de route relative à la coopération au développement en République de Djibouti » a été signée. Le Ministre de la Santé, Dr. Ahmed RoblehAbdilleh, nommé en mai 2021, a sollicité l’appui de l’Agence Française de Développement (AFD).

En novembre 2021, une mission de la Division Santé et Protection sociale de l’AFD a pu identifier conjointement avec les autorités djiboutiennes les orientations prioritaires à donner à un futur projet financé par l’AFD.

La nécessité de maintenir une finalité du projet visant l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant qui est au cœur de la politique gouvernementale (« Vision Djibouti 2035 »), a été confirmée.

Le projet devrait contribuer à la mise en œuvre de la « Stratégie nationale pour l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale (SNARMMN) 2022-2026 »

Vous êtes également un passionné d’écriture, comment avez-vous concilié l’économie de la santé et l’écriture ?

Je suis parti du Hadith du Prophète Mouhammad (Paix et Bénédiction divines sur Lui) qui dit: ” « Quand le fils d’Adam meurt, ses œuvres s’arrêtent, sauf pour trois choses : – Une aumône continue, – Une science dont les gens tirent profit, – Un enfant vertueux qui invoque Allah pour lui. (Muslim 3084 et Abû Dâwûd 2494). C’est pourquoi je voudrai que mes livres servent pour mes semblables.

J’ai écrit deux livres en arabe, le premier s’intitule “La certitude dans le Saint Coran et les Hadiths du Prophète Mouhammad Paix et Bénédictions sur Lui” et le deuxième “La Palestine Promesse de Dieu ou celle de Balfour” (je suis en train de le traduire en français). Les autres livres en français sont :

“Les fondements socio-économiques de la planification le cas de la tuberculose en république de Djibouti”, “Le projet d’établissement de l’Hôpital Général Peltier”, “Dieu, la Science, le Saint Coran et l’athéisme”, “Essai sur l’économie de la santé islamique” traduit en plusieurs langues européennes (française, anglaise, allemande, russe, italienne, espagnole et portugaise) car c’est une discipline nouvelle, la première en son genre dans le monde et la “Divine planification”.

“L’économie de la santé islamique est une nouvelle discipline qui n’existe pas auparavant. J’ai parlé avec Dr MonzerKahf professeur d’économie islamique exerçant dans une université en Turquie et qui est un éminent économiste islamique. Il m’a dit qu’il n’est pas au courant de cette nouvelle discipline et c’est la première fois qu’il entend parler de ce nouveau concept.

J’ai fait beaucoup des recherches sur ce sujet, je n’ai pas vu la moindre étude sur cette discipline.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un intéressé par ce métier d’économie de la santé?

En fait, il y a différents niveaux : si la personne est étudiante et dans ce domaine je la conseille de poursuivre ses études. Si elle est professionnelle de la santé, elle peut lire des manuels d’économie de la santé ou de se recycler dans les structures chargées de la formation de cette discipline, c’est le cas de l’ISSS actuellement.

En tout cas, je la conseillerai de gérer les ressources rares, publiques et aides internationales à bon escient qui sont sous sa responsabilité et de les utiliser à bon escient pour améliorer la qualité de la santé de la population.

Propos recueillis par Souber

BIO EXPRESS

Conseiller technique du Ministre de la Santé du 1er mars 1993 au 1er septembre 2016, date de son départ à la retraite. Dr Mohamed Mahyoub Hatem a été nommé Chef de Projet Santé -Banque Mondiale le 23 juin 1993. Ensuite, chef de Projet Santé Banque Islamique de Développement le 12 juillet 1994.  En juin 2000, il a été désigné par décret présidentiel comme membre du Comité de Suivi des travaux de la table ronde du Koweït.

Enseignant vacataire en économie du Pôle Universitaire de Djibouti année universitaire 2000-2001. DEUG Droit 1ère année. Directeur Administratif et Financier de l’Unité de Gestion de Projet du Ministère de la Santé financée par la Banque Mondiale le 15.02.2002. Membre de l’équipe des Conseillers régionaux de l’OMS sur le développement de système de santé de septembre 2002 à septembre 2006. Président du Comité de pilotage pour l’élaboration du projet d’établissement de l’Hôpital Général Peltier octobre 2007.

Directeur par intérim de l’Institut Supérieur des Sciences de la Santé de septembre 2009 à mars 2010. Responsable du Système d’Informations Sanitaires de mars 2010 à novembre 2011. Membre du Comité de Pilotage de la Santé au sein de l’Organisation de Coopération Islamique (OCI) en novembre 2011. Professeur vacataire à l’Université de Djibouti pour les étudiants en Master Droit et économie de la santé.