
Au tout début de 2025, je me suis retrouvé à écrire un article sur le Trumpisme. Ce phénomène politique étrange, né à la croisée de la droite et de la gauche américaines, quelque part entre le populisme et la désillusion démocratique, me hantait. Honnêtement, je tournais sans cesse autour d’une seule interrogation: que signifie réellement le Trumpisme ?

Aujourd’hui, la réponse m’apparaît, presque violemment : le Trumpisme, c’est le nom de la crise d’une civilisation. Un Occident qui doute de lui-même, de ses repères, de sa mémoire, voire de son avenir.
Ce n’est pas juste une idéologie, c’est un état d’esprit collectif. C’est la peur sourde du déclassement, cette angoisse identitaire d’un peuple persuadé qu’on lui retire le contrôle de son propre destin.
Ce n’est pas la haine brute qui anime ce mouvement, mais le ressentiment. Celui de cette Amérique blanche, rurale, ouvrière, religieuse, qui observe l’élite urbaine, mondialisée et progressiste, et se sent trahie. C’est la revanche des oubliés contre la parole des puissants, des petites villes contre les grandes métropoles, de l’expérience vécue contre les abstractions. Cette peur identitaire s’alimente d’un imaginaire qui tourne en boucle : celui du grand remplacement. Ce n’est pas seulement l’immigration, mais le sentiment d’être effacé – culturellement, symboliquement, économiquement. Ce n’est pas tant la présence de l’autre qui inquiète, que la disparition de soi-même.
Dès lors, le musulman, l’immigré, le réfugié deviennent le reflet déformé d’un Occident qui a perdu confiance en sa propre promesse. Mais la situation a évolué. Le Trumpisme post-Trump n’a plus besoin de son guide à la chevelure flamboyante. Il s’est affranchi, il est devenu numérique, radical, presque insaisissable.
On le retrouve autour de nouveaux visages comme Charlie Kirk (récemment assassiné), Tucker Carlson, Nick Fuentes. Une nouvelle galaxie pro-Trump et anti-Israël s’est formée, rompant avec l’ancien conservatisme américain, celui qui, jadis, soutenait Israël sans réserve.
Ces figures jeunes, connectées, charismatiques, s’adressent à une génération désabusée. Israël n’est plus, à leurs yeux, un bastion de l’Occident, mais le symbole du “système globaliste” qu’ils rejettent.
Sous couvert de “nationalisme évangélique, chrétien” et de “réalisme politique”, ils élaborent un discours identitaire décomplexé, où se mêlent religion et géopolitique: pourquoi risquer sa vie pour un pays qui n’est même pas le nôtre ? Ils se revendiquent parfois explicitement, parfois non comme les héritiers du mouvement “America First” des années 1940. Un isolationnisme pur et dur : priorité à l’Amérique, méfiance envers toute alliance extérieure.
Ce slogan, “America First”, repris par Trump, n’était pas qu’un cri de campagne. C’était le manifeste d’une nouvelle génération décidée à reprendre les rênes du pays. Et leur influence déborde largement des frontières américaines. Sur les réseaux sociaux, dans les podcasts, ils redéfinissent la droite mondiale: une droite méfiante, libertaire sur les mœurs mais autoritaire sur l’ordre, obsédée par la souveraineté nationale, hostile aux élites et fascinée par le choc des civilisations.
Là où Reagan rêvait d’une “shining city on a hill”, ils prêchent la forteresse assiégée : une nation blanche et chrétienne, barricadée face au chaos du monde. Mais réduire le Trumpisme à une simple réaction xénophobe serait passer à côté de l’essentiel.
Il incarne aussi le symptôme d’une Amérique lassée de la démocratie, qui ne croit plus en ses institutions, ses médias, la transparence électorale, ou le progrès. On assiste au retour du religieux dans la politique, du mythe dans la raison, du cri dans le débat public. Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement la montée d’un conservatisme agressif. C’est la transformation même de la démocratie, devenue émotionnelle, virale, numérique.
Le Trumpisme a ouvert une brèche : une politique où l’émotion l’emporte sur les intérêts, où “America First” a réveillé la jeunesse américaine.
Alors, qu’est-ce que le Trumpisme ? Aujourd’hui, c’est le nom d’un retour de flamme. Une droite américaine qui, après des années de doutes et de contradictions, retrouve enfin sa boussole. Autour d’elle, une jeunesse attentive, connectée, bien plus idéologique qu’on ne le croit, se découvre des repères : foi, nation, ordre, liberté. Là où les institutions vacillent et où le discours progressiste s’essouffle, cette génération affirme sans complexe sa vision.
Le Trumpisme, qu’on pensait réduit à la caricature, est devenu le cri d’un réveil politique: une Amérique qui cherche moins à s’inventer qu’à se ressaisir, persuadée d’avoir encore quelque chose à défendre et, peut-être, à reconquérir.
Said Mohamed Halato











































