Si on examine un corpus fourni de contes somalis on remarque aisément que les personnages masculins sont aussi nombreux que les personnages féminins. On pourrait classer ces personnages masculins en deux catégories :

• Les personnages valorisés et qui sont souvent parés de qualités même si certains ont quelques défauts mineurs. Ils sont valorisés et possèdent quelques-unes des valeurs mis en exergue chez les nomades somalis : la générosité, l’endurance, l’hospitalité, la défense des faibles, l’intrépidité le courage et l’art oratoire qui permet de se tirer parfois d’une situation difficile. Un proverbe somali ne dit-il pas «tolkaa ha ku gabee ee afka yu  ku gabin » qu’on pourrait traduire par « tes proches peuvent te trahir, mais pas ta bouche ».

• Les personnages dévalorisés : ce sont des personnages dotés d’un ou plusieurs défauts graves tels que l’égoïsme, l’avarice, la paresse, l’orgueil. Ces types de personnages sont confrontés souvent à des déboires qui vont crescendo dans les péripéties successives du récit.

Avant même que le conte ne soit narré on a l’habitude dans les contes somalis de commencer par ce préambule :

« Sheekoy, Sheeko        « Un conte, un conte

Sheeko xariira                 un conte doux comme la soie

Shilin baa dhustay          une tique a peté

Goofanaa sheegaya       un faon l’a dénoncée

Sheekh baa naag lee     un marabout est marié

                                             à une femme

Allah ha u daayo”           qu’Allah la garde »

Et comme on s’en aperçoit aisément, le premier personnage masculin rencontré est un cheikh ou un marabout. Ce personnage qu’on rencontre à l’intérieur des contes aussi a un statut ambigu et il fait partie dans la société nomade somalie de ce qu’on appelle « bir magaydo » qui sont les personnes à préserver en cas de guerre.N’a-t-on pas l’habitude de dire en brousse lorsqu’on arrive dans un campement – « Qui habite ce campement ? ». Et la réponse habituelle en de telles circonstances est de dire :

« Des enfants, des femmes et un marabout ! »

Vu ainsi, le marabout n’est pas tout à faitconsidéré comme un homme à part entière car il ne peut pas faire la guerre ! Considérons maintenant les deux catégories bien distinctes de personnages masculins.

Dans la première catégorie, celle des personnagesvalorisés on peut classer : le roi, le sultan, le chef de clan et le guerrier car dans la société nomade somali la première qualité d’un homme c’est d’êtreun guerrier capable de mener des razzias ou de défendre le troupeau de son campement.

Dans la seconde catégorie c’à dire celle des personnages dévalorisés on y range : le poltron dont le prototype est Igal Shidaal. Ce sont aussi les sots, sots qui sont mis par exemple en scène dans le conte « les trois sots ». Dans ce conte, une mère infortunée dont le campement est attaqué par des brigands cachent ses trois fils sots dans des broussailles en leur recommandant de ne point sortir tant que l’ennemi est dans les parages. Malheureusement n’ayant pas écouté les conseils de leur mère, ils se mettront l’un après l’autre à découvert et seront égorgés sur le champ par les brigands. Rangeons enfin dans cette catégorie, l’homme aveuglée par l’orgueil.  On pourrait prendre comme illustration de ce personnage orgueilleux : la série de conte sur Ina xagaa dheere (le fils de xagaa dheere) dont l’impiété va le conduire jusqu’ à défier Dieu. En effet voyant une partie de son troupeau de bovins malades, il partagea ses bêtes en deux et les mit dans deux enclos différents. Dans le premier enclos, il parqua les bêtes à Dieu et dans l’autre les bêtes qu’il se réservait. Regardant le Ciel il s’adressa à Dieu : « voilà tes bêtes,traite-les comme tu le souhaites mais ne touche pas aux miennes qui sont placées dans le deuxième enclos ».

Et un matin, le Créateur le punit de sa mécréance en collant sa langue sur une pierre posée, dans le ruisseau où il se désaltérait ! Cependant, miséricordieux, Allah ne le laissa pas dans cette position et décolla sa langue de la pierre. Loin de remercier Dieu et de revenir de son impiété, il prononça ses paroles que tous les nomades somalis connaissent: « si on se tait, on n’arrêtera de décimer le troupeau, et si on ose parler on nous colle un caillou sur la langue !»

Mohamed Aden