Une délégation d’experts BIE (Bureau International de l’Education) de l’UNESCO  a effectué entre le 23 et le 27 mai 2021 une mission d’exploration pour une éventuelle intégration des contenus de l’Histoire Générale de l’Afrique dans les curricula de notre système éducatif. La délégation composée de Mme Amapola ALAMA, de M. Mamadou NDOYE, ancien ministre de l’éducation de l’enseignement de Base du Sénégal et vice-président du comité scientifique pour l’Histoire Générale de l’Afrique, de M. Boubakar TALL et de Mohamed Lamine Diagne du siège de l’UNESCO à Paris, a travaillé durant 5 jours avec les professeurs d’histoire/géographie et l’équipe d’encadrement dont l’inspecteur M. Bachir Mohamed. Cette mission s’inscrit dans le cadre du plan de coopération MENFOP/UNESCO mis en place pour renforcer la collaboration entre le MENFOP et l’UNESCO.

Après la réunion de cadrage présidée par le SG du MENFOP, M. Mohamed Abdallah Mahyoub, à laquelle ont participé également le SG de la Commission Nationale pour l’UNESCO, M. Mohamed Moussa Yabeh, l’Inspectrice générale Mme Mouna Ismael Abdo et  M. Chehem Mohamed, l’inspecteur doyen d’HG, les experts ont donné, dans leur présentation, des détails sur la genèse de l’œuvre colossale  de 8 volumes intitulée « L’Histoire Générale de l’Afrique », écrite entre 1964 et 1999, les objectifs, les résultats attendus et les enjeux d’une telle œuvre censée donner des clés pour comprendre le monde, lire les événements de l’Antiquité aux événements les plus récents (Histoire contemporaine) mais avec « des lunettes africaines ».

Il est à souligner que 3 autres volumes sont en cours de finalisation qui complèteront les ouvrages existants. Le1er est rédigé pour mettre à jour les données devenues obsolètes eu égard à l’évolution du monde et aux changements inhérents à l’instabilité du vieux continent, le 2ème s’intéresse à l’apport de la diaspora africaine et le 3ème   est consacré aux défis multiformes auxquels est confrontée l’Afrique et aux opportunités offertes par cette dernière, bien que dénigrée, parfois  par ses propres fils. 

Pour situer l’œuvre dans son contexte, au sortir des indépendances, les historiens, les académiciens et les intellectuels africains, conscients de

« l’usurpation de l’histoire » de leur continent,  du regard euro centré sur les événements du continent, ont eu l’idée lumineuse mais surtout le courage de jeter les bases d’une entreprise complexe mais fort louable, celle de permettre aux africains de s’approprier leur histoire reléguée au rang de « légendes » , de valoriser leurs cultures longtemps dénigrées et mettre des digues contre le pilage de leurs richesses.

Cette entreprise puise sa justification dans une volonté de déconstruction d’un état d’esprit qui prévalait à cette époque qui consistait à nier l’existence d’une histoire africaine. La citation suivante de Trevor-Roper en dit long sur le déni assumé de l’inexistence d’une histoire africaine et par ricochet de ses cultures et traditions millénaires.

«  L’Afrique n’avait pas d’histoire avant l’exploration et la colonisation européennes. « Peut-être qu’à l’avenir, dit-il, il y aura une histoire de l’Afrique à enseigner, mais à présent, il n’y en a pas. Il y a seulement l’histoire des Européens en Afrique. »

Cette épopée, cette pérégrination intellectuelle a été rendue possible grâce à l’engagement fort et constant des dirigeants du continent, à travers les instances africaines, (l’Organisation de l’Unité Africaine et avec l’Union Africaine), qui ont saisi très vite les enjeux, à savoir la nécessité de faire bloc contre le regard euro centré des événements et de la marche du monde et de poser un regard neuf et surtout africain sur les événements qui ont rythmé la vie des africains. L’UNESCO a appuyé le travail depuis sa conception jusqu’à la publication et la diffusion des volumes et des autres supports.

Après la 1ère phase de conception et de rédaction des 8 volumes qui s’est achevée en 1999, la phase qui a débuté en 2009 et qui se poursuit a pour ambition de transposer didactiquement les contenus de ces ouvrages, véritables témoins de l’héritage commun des africains, qui restent indigestes et difficiles à assimiler pour les jeunes générations.

Mamadou NDOYE, le Vice-président du comité scientifique de l’HGA est revenu sur le cadre conceptuel du projet, le contexte très favorable qui a permis l’aboutissement de ce travail titanesque, les défis énormes qui ont été relevés et le nombre des spécialistes du continent et internationaux mobilisés. Il a insisté sur la nécessité de s’approprier notre passé, de se situer dans le présent et d’aborder l’avenir avec sérénité et détermination.

M. Mohamed Lamine Diagne, du siège de l’UNESCO de Paris, a, quant à lui, donné des détails sur les expériences d’autres pays comme le Kenya et sur les productions de l’UNESCO pour accompagner le processus de didactisation et de vulgarisation comme les unités d’apprentissage, le glossaire ou encore  les BD et les dessins animés  et ainsi déconstruire définitivement l’ontologie négative, à l’origine du complexe d’infériorité dont souffrent beaucoup.

Cette semaine riche en enseignements a permis également à l’équipe de professeurs d’HG de présenter son travail de conception de nouveaux programmes issus de la révision des curricula en cours au MENFOP et de l’utilisation des ouvrages de l’HGA qui sont utilisés, pour l’instant, comme source documentaire.

Rendez-vous est pris pour que le travail d’appropriation de l’œuvre se poursuive avant son éventuelle utilisation dans les programmes scolaires de l’enseignement de l’Histoire en République de Djibouti, utilisation certes bénéfique, mais qui doit cadrer avec les orientations institutionnelles et la philosophie de notre système éducatif.

Mohamed Moussa Yabeh

SG Commission Nationale UNESCO