
Mohamed Said Seif,
chef de projet du « Plaidoyer sur les politiques et projets numériques »
Le siège de l’ONG Bender Djedid a abrité le 5 juin 2024 une cérémonie dédiée à la « Restitution du plaidoyer sur les politiques et projets numériques » sous le thème évocateur « Le numérique, un levier de développement pour la société civile de Djibouti ». Une cérémonie qui marque en effet l’achèvement d’un travail ardu effectué depuis mars 2023 par l’ONG Bender Djedid avec la société civile djiboutienne, en collaboration avec Initiatives Climat, dans le cadre d’un programme initié et financé par l’Union européenne, et visant en finalité à aboutir sur des recommandations identifiant les services numériques répondant aux besoins de la société civile de Djibouti et constituant un vibrant plaidoyer en direction des autorités djiboutiennes concernées. Pour en savoir plus, nous avons tendu le micro à
M. Mohamed Said Seif, chef de projet du plaidoyer sur les politiques et projets numériques.
La Nation : Comment a été organisée la mobilisation de la société civile ?
M. Mohamed Said Seif : Au terme d’un appel à candidatures, l’Union Européenne bailleur du projet : « Plaidoyer sur les politiques et projets numériques » a sélectionné Bender-Djedid qui a présenté le meilleur dossier. Mais pas que cela. Bender-Djedid dispose de l’expérience et de l’expertise pour porter un tel projet. Elle l’avait déjà prouvé dans plusieurs projets de cette envergure.
Enfin, c’est une ONG reconnue par la société civile et les autorités de Djibouti pour son engagement humanitaire historique. Elle a porté le projet avec brio et souffle puisqu’il s’est étalé sur quinze mois. Elle a rassemblé nombre d’Organisations représentatives de la Société Civile pendant toute la durée. La mobilisation de la Société civile a été une réelle réussite. Nous avions pratiquement le même nombre de participants du premier atelier le 13 mars 2023 au dernier le 18 avril 2024. Chose plus intéressante, il y avait la même passion dans les débats du début à la fin.
Comment a été organisée la concertation du groupe de travail ?
En tout, nous avons eu dix réunions du groupe de travail. En effet, dès le départ, le Groupe de travail a pris conscience que l’apport du numérique se distinguait clairement des autres outils par l’importance de ses impacts et de ses interdépendances avec les modes d’organisation. Aussi, la construction du plaidoyer ne devait en aucun cas commencer par le choix d’outils et de solutions techniques, ni même chercher à transposer, sans réflexion préalable, des expériences venant d’ailleurs.
Les OSC du Groupe de travail se sont donc d’abord interrogées sur leurs difficultés d’organisation : pour atteindre leurs objectifs, pour conduire leurs projets et pour développer des partenariats entre elles d’une part, et avec les autorités et les bailleurs de fonds, d’autre part. Ce n’est que dans un second temps qu’elles ont réfléchi aux services et aux solutions numériques nécessaires pour accompagner leurs mutations.
Même si la plupart des programmes d’aide au développement des bailleurs de fonds s’appuient sur des analyses préalables rigoureuses sur le contexte et les problématiques à résoudre, ils ne produisent pas toujours les effets et les retours sur investissements escomptés.
Une des raisons incriminées par les OSC porte sur la conception trop administrative et “top-down”, (c’est-à-dire conçus du haut vers le bas) des cahiers des charges de ces programmes. Pour éviter ce risque d’échec, nous avons choisi de privilégier l’approche Bottom up, qui sollicite l’avis de la base.
Cette crainte, partagée dès le départ par le Groupe de travail, a conduit ses membres à demander aux experts qui les ont accompagnés durant ce projet de les aider à formaliser de manière plus opérationnelle leurs recommandations.
Qu’elles ont été les résultats de cette mobilisation ?
Cinquante heures de travaux, de débats et de réflexions ont abouti à la production d’un document de soixante-huit pages consignant un ensemble de recommandations à destination des autorités et des bailleurs de fonds pour faire que le numérique contribue à renforcer efficacement les capacités d’action des organisations de la société civile (OSC) de Djibouti. Parmi ces recommandations trois sont essentielles :
Premièrement : Développer une plateforme multiservices pour les organisations de la société civile. Cette plateforme aura pour vocation de rendre plus visible la dynamique de la société civile dans son ensemble. Les Autorités et les bailleurs pourront mieux mobiliser la société civile pour mettre en œuvre leurs programmes.
Deuxièmement : La mise en place dans un premier temps de six espaces numériques citoyens, cinq dans les régions de les chefs-lieux des régions et un dans la capitale, destiné aux OSCs et à leurs publics.
Troisièmement : La mise en place d’une académie numérique citoyenne. Il s’agit d’offrir de meilleurs conditions techniques d’accès au numérique. L’importance du rôle des OSC dans la solidarité, l’éducation et le développement de Djibouti justifie des mesures spécifiques de la part des pouvoirs publics pour répondre aux difficultés matérielles d’accès au numérique auxquelles les OSC sont confrontées. Par ailleurs, l’équipement informatique des OSC doit être amélioré, grâce notamment à un partenariat avec les grandes entreprises.
Comment peut-on trouver les résultats de ces travaux?
L’intégralité du rapport du plaidoyer se trouve sur le lien suivant : https://drive.google.com/file/d/10Yj5jfz6ByuJ6GoSEWBaTP_Pivjbt8d0/view
Ce rapport n’est que le début d’un long parcours pour la Société Civile. Elle doit tout mettre en œuvre pour transformer les recommandations y figurant en plan d’action. Elle ne peut le faire qu’avec le soutien des bailleurs de fonds et des Autorités. La démarche de la Société civile s’inscrit parfaitement dans la vision Djibouti 2035 et conformément à la volonté du Président de la République. Dans le Décret Nº2021-114/PRE datant de mai 2021 de son Excellence, Monsieur le Président de la République, et portant création du Ministère de l’Economie Numérique et de l’Innovation : il est écrit : « il est clair que l’avenir sera digital, ceux qui ne prendront pas le train de la digitalisation seront très vite distancés et largués du train de la mondialisation ». Ce projet est une petite contribution à la réalisation de cette volonté.