Dans la salle de conférence du siège du haut conseil islamique, situé dans le bâtiment abritant la mosquée ‘‘Al Rahma’’ au quartier 7 bis, a débuté mardi dernier une campagne intitulée ‘‘Khalas’’, à travers laquelle les leaders religieux de notre pays avertissent la population de la capitale et celles des régions de l’intérieur que désormais les mutilations génitales féminines ne seront plus jamais tolérées sur l’ensemble du territoire national. Ce programme s’inscrit dans le cadre du projet d’abandon de toutes formes d’excision mené depuis ces dernières années par le réseau des religieux ‘‘Shamikhat’’ sous la tutelle du ministère des affaires musulmanes, de la culture et des biens Waqfs (MAMCBW), en collaboration avec le bureau local du FNUAP.

Malgré les différents ateliers de sensibilisation sur les motifs infondés des mutilations génitales féminines et les instruments juridiques mis en place qui préconisent son éradication, la pratique de cette tradition stupide et ancienne, persiste encore dans certaines zones du pays.

Cette fois-ci, les leaders religieux du réseau ‘‘Shamikhat’’ comptent prévenir les habitants de la capitale et ceux des régions de l’intérieur que désormais les mutilations génitales féminines ne seront plus jamais tolérées sur l’ensemble du territoire national. Dans cette optique, les religieux de ce réseau, sous la tutelle du ministère des Affaires Musulmanes, de la Culture et des Biens Waqfs, en collaboration avec le bureau local du FNUAP, ont lancé le mardi 10 décembre dernier, une campagne intitulée ‘‘Khalas’’ qui signifie selon eux ‘‘jamais plus d’excision’’.

L’événement a réuni dans la salle de conférence du siège du haut conseil islamique l’ensemble du comité exécutif du réseau national ‘‘Shamikhat’’ dont le président de cette organisation, Cheick Abdourahman Mohamed Ali alias Cheick Abdourahman Shamsudin, la cheffe de service des programmes du MAMCBW, Zeinab Moussa Dawaleh, une déléguée du bureau local du FNUAP, en l’occurrence Soufrane Ahmed Mohamed, et une centaine de participants composés de prêcheurs, d’imams, de chefs d’établissement scolaires à caractère religieux  et des étudiants du collège ‘‘Al-Zad’’ de Djibouti. Lors de la cérémonie inaugurale, après un mot de bienvenue de la déléguée du bureau local du FNUAP, Soufrane Ahmed Mohamed, les différents orateurs qui se sont succédés ont tour à tour mis l’accent sur les méfaits des MGF, notamment la position de la religion musulmane face à cette torture infligée à nos filles. 

Le président du réseau national ‘‘Shamikhat’’, Cheikh Abdourahman Chamsoudin est formel sur ce point : «nous devrons combattre tout ce qui nuit à notre pays et à notre société. Or la circoncision féminine est une torture sans fondement religieux. Notre religion n’autorise ni ne justifie cette pratique barbare, nous devrons donc la combattre pour qu’elle soit totalement abolie de notre territoire ». Pour sa part, Dr Osman Houssein Houmed, qui s’est exprimé en afar, a tenu des propos similaires.

De son côté, la cheffe des programmes du MAMCBW, Zeinab Moussa Dawaleh a souligné que durant les deux jours de cette campagne, 200 personnes (hommes et femmes) sont visées pour dialoguer sur la problématique des MGF et la position de l’Islam.

En ce qui concerne les régions où cette campagne se déroulera également, Zeinab Moussa a indiqué que le réseau ‘‘Shamikhat’’ compte sensibiliser une cinquantaine d’individus par région et une dizaine d’associations de la société civile est identifiée pour cette action visant à abolir complètement les MGF de notre territoire national. 

La séance s’est clôturée par une série de questions posées par les étudiants du collège ‘‘Al-Zad’’ qui ont affiché un grand intérêt pour cette question.

Rappelons que cette campagne s’inscrit dans le cadre du programme conjoint MAMCBW/FNUAP pour l’accélération de l’abandon totale de toute forme d’excision.

Rachid Bayleh

«Nous devrons nous serrer  les coudes pour abolir une fois  pour toute la pratique  de MGF dans notre pays» 

Zeinab Moussa Dawaleh

Cheffe de service des programmes du MAMCBW

«Le ministère des affaires musulmanes est impliqué dans la lutte contre les Mutilations Génitales Féminines depuis 2008. Depuis sa création en 2016, le réseau ‘‘Shamikhat’’ ne désarme pas et poursuit ses programmes de sensibilisation pour faire cesser cette tradition stupide et ancienne. Afin d’élargir le consensus religieux, outre cette campagne ‘‘Khalas’’, il a organisé des dialogues interreligieux et a élaboré une déclaration publique pour obtenir un changement de comportement, de normes sociales, culturelles et religieuses au sein des communautés de Djibouti-ville et celles du milieu rural. Le réseau a également mené des discussions et a donné aussi bien aux leaders religieux du pays qu’aux membres de la société civile des réponses aux diverses questions axées sur la position de l’Islam quant à cette pratique néfaste. Actuellement nous avons identifié une dizaine d’associations avec lesquelles nous comptons d’ailleurs signer des conventions de partenariats avec, pour non seulement dénoncer les parents pratiquant ce genre de chirurgie à leurs enfants mais pour identifier également les matrones de cette pratique. Comme les imams sont souvent dans les mosquées et sont les plus proches de la population, nous devrons donc profiter de leur présence parmi nous, aujourd’hui dans la salle, pour dissuader les parents à abandonner cette pratique néfaste. Car en effet, certaines communautés croient encore que la pratique des MGF est fondée sur les préceptes religieux alors qu’il n’existe aucune preuve que les mutilations géniales féminines soient prescrites par l’Islam. Nous devrons donc, leaders religieux, imams, jeunes ou citoyens de la société civile, nous serrer les coudes pour abolir une fois pour toute la pratique de MGF de notre pays».

«Des lois interdisent la pratique de MGF dans notre pays et actuellement les décisions sont donc prises »

Cheick Abdourahman Mohamed Ali  alias Cheick Abdourahman Shamsudin, président du réseau ‘‘Shamikhat’’

«L’excision, cette coutume cruelle qui a fait souffrir dans leurs chairs plusieurs générations de nos femmes et de nos filles, perdure dans notre pays. Pourtant elle n’a aucun fondement religieux. Il n’existe ni verset ni sourate dans le Coran évoquant la pratique des MGF. ‘‘Ne fais pas de mal envers toi-même et ne fais de mal à personne’’, a déclaré notre prophète Muhammad (que la paix et la bénédiction soient sur lui), dans la majeure partie des pays du monde islamique, cette pratique n’existe pas. Nous demandons donc au peuple djiboutien d’épargner à vos filles le calvaire de l’excision et d’abandonner cette tradition pharaonique. Notre gouvernement et les leaders religieux du pays ont fait beaucoup d’efforts pour convaincre la population. Plusieurs ateliers de sensibilisation ont été organisés. Presque toutes les couches de la population djiboutienne ont été touchées. Des lois interdisent la pratique de MGF dans notre pays et actuellement les décisions sont donc prises. Les instigateurs et les complices de toute opération, non thérapeutique, qui implique ablation totale ou partielle et/ou blessures pratiquées sur les organes génitaux féminins, pour des raisons culturelles ou autres, seront punis de 5 ans d’emprisonnement ferme et de 1000 000 FD d’amende».

Propos recueillis par Rachid Bayleh