L’UNESCO œuvre, depuis plus de quarante ans, aux côtés de l’Union Internationale des Sciences géologiques (UISG) pour mobiliser la coopération mondiale dans le domaine des Sciences de la Terre par le biais du Programme international de géosciences. Ce programme est une plate-forme regroupant des scientifiques du monde entier dans le but de faire reculer les frontières du savoir. Le programme international de géosciences (PIG) de l’UNESCO appuie financièrement quelques projets scientifiques par an qui sont évalués par des pairs dans un processus de révision pour une durée de vie de 5 ans.

En d’autres termes, l’UNESCO va choisir de financer seulement quelques projets scientifiques parmi les dizaines de projets scientifiques que soumettent les scientifiques du monde entier. Par conséquent, le PIG est un programme de financement des projets scientifique très compétitif de l’UNESCO.

Les équipes de recherche de l’Institut des Sciences de la Terre (IST) du CERD ont soumis au PIG un projet scientifique portant sur l’étude du système d’aquifères de la région d’Ali-Sabieh. Le projet des équipes de recherche de l’IST a été sélectionné dans le cadre du cycle de projets de recherche PIG-UNESCO 2020-2025. Ce projet est intitulé PIG 689 – Une meilleure gestion de l’aquifère d’Ali-Sabieh.

Ce projet de recherche scientifique a pour objectif d’étudier la recharge du système d’aquifères de la région d’Ali-Sabieh. D’autre part, les processus géochimiques qui contrôlent les fortes teneurs en sulfates et nitrates des eaux souterraines de cette région seront étudiés. Les résultats de cette étude permettra une meilleure gestion des aquifères d’Ali-Sabieh.

Les concentrations des ions sulfates (~1700 mg/l) et nitrates (~200 mg/l) des eaux souterraines de la région d’Ali-Sabieh dépassent largement les normes de potabilité des eaux de l’OMS (400 mg/l pour les sulfates et 50 mg/l pour les nitrates). Les fortes teneurs en nitrates des eaux souterraines de la région d’Ali-Sabieh dépassent le seuil pour causer le Méthémoglobinémie ou maladie du “bébé bleu”. Les nitrates, par eux-mêmes, sont peu toxiques puisque leur seul effet est diurétique. C’est leur transformation en nitrites et composés nitrosés qui peuvent provoquer des problèmes de santé.

En effet, sous l’action des nitrites, l’hémoglobine se transforme en méthémoglobine qui bloque le transport de l’oxygène. Les tissus deviennent alors bleu, d’où le nom donné à la maladie. Si le risque chez l’adulte est très faible, il n’en est pas de même chez le nourrisson de moins de six mois. Ceux-ci sont plus exposés en raison de l’acidité de leur estomac qui contient une flore favorisant la transformation des nitrates en nitrites ou de la transformation facile de l’hémoglobine fœtale en méthémoglobine. En d’autres termes, la consommation des eaux à fortes teneurs en nitrates comme celles d’Ali-Sabieh sont à prohiber pour les bébés.

L’apport en sulfates par l’eau ne doit pas être supérieur à celui du lait maternel qui sert de référence. La teneur en sulfates dans le lait maternel se situe en moyenne à 140 mg/L. Dans ces conditions, il a été proposé de retenir le taux maximum de 140 mg/L de sulfates pour les eaux embouteillées servant à reconstituer le lait maternisé. Il est important de noter que les teneures en sulfates des eaux souterraines de cette région sont 10 fois supérieures à ce seuil. Les fortes teneures en ions sulfates dans les eaux souterraines de cette région ont, chez l’humain, un effet cathartique. Ce dernier peut entraîner la déshydratation des enfants et des personnes âgées.

D’autre part, les sulfates peuvent nuire à la désinfection de l’eau en piégeant le chlore résiduel dans les réseaux de distribution. Les fortes teneures en sulfates des eaux pourraient favoriser la corrosion de l’acier doux dans les systèmes d’alimentation. Les bactéries sulfatoréductrices peuvent jouer un rôle dans la tuberculisation des tuyaux métalliques. Le sulfure d’hydrogène produit par ces bactéries peut accélérer la corrosion des tuyaux de canalisation.

Pour les raisons citées ci-dessus, la ville d’Ali-Sabieh a été alimentée en eau potable à partir des forages de Mouloud. Plus récemment,  l’unité de dessalement de l’usine Il JANO permet d’extraire le surplus de nitrates, sulfates et autres ions majeurs des eaux des forages d’Ali-Sabieh pour alimenter en eau potable la ville éponyme. L’unité de dessalement est énergivore et par conséquent, la ville d’Ali-Sabieh a une pénurie d’eau chronique.

La faible couverture de forages dans cette région rend rédhibitoire les méthodologies classiques pour l’étude des recharges des nappes volcaniques. De ce fait, la méthodologie proposée dans le cadre du projet PIG 689  va combiner les outils isotopiques avec la modélisation géochimique pour mieux contraindre la recharge des aquifères d’Ali-Sabieh. Cette méthodologie est très adaptée en géochimique appliquée des aquifères volcaniques complexes. Dans le cadre de ce projet, les eaux souterraines (puits peu profond et forage) de la région d’Ali-Sabieh seront échantillonnées et les concentrations des ions majeurs, mineurs et traces seront analysées.

De surcroît, des traceurs isotopiques des nitrates et des sulfates seront utilisés pour mieux contraindre les processus géochimiques qui contrôlent les fortes teneurs en sulfates et en nitrates des eaux de cette région. Les traceurs isotopiques du strontium et du bore seront aussi utilisés pour mieux contraindre l’interaction entre la matrice volcanique et les eaux météoriques. La modélisation géochimique combinée avec les traceurs isotopiques permettra de proposer un modèle conceptuel pour la recharge du système d’aquifères d’Ali-Sabieh. Cette étude permettra une meilleure gestion de cette nappe stratégique.

Les chercheurs et chercheuses du CERD qui portent ce projet ont une solide expérience en géoscience et ils ont un très bon record de publications dans les meilleurs revues scientifiques du Monde. En outre, des scientifiques d’institutions partenaire du CERD vont participer à ce projet scientifique (Université de Rimouski, Ecole Polytechnique de Montréal, Université de Parme, Bureau Géologique de Comores).